Le qat (Catha edulis Forssk., Célastracées) est un arbuste à feuilles persistantes, probablement originaire d’Éthiopie, qui aurait été introduit au Yémen entre le XIIIe et le XVe siècle. Il est abondamment cultivé sur des terrasses façonnées sur les montagnes du Yémen et d’Éthiopie.
Il porte des feuilles pétiolées vert rougeâtre et tendre à l’état jeune et vert foncé et coriace à l’état mature. De petites fleurs apparaissent à l’aisselle des feuilles et donneront des capsules allongées contenant de 1 à 3 graines.
Les arbustes sont taillés entre 2 à 10 mètres de hauteur afin de faciliter la cueillette. Chaque matin des rameaux sont cueillis et liés en bottes. Parfois, les jeunes pousses vert clair et rougeâtre qui sont mastiquées sont rassemblées en petites bottes.
Le qat est acheminé tous les jours, quel que soit l’état des routes ou des pistes, afin d’approvisionner tous les marchés du pays où les Yéménites viennent acheter leur consommation quotidienne.
Un rituel de consommation
Chaque après-midi après le repas, les hommes munis de leur provision se rassemblent dans un beau salon, le muffredge, une des plus belles pièces de la maison percée de larges fenêtres donnant sur des paysages grandioses. Les jeunes feuilles sont enfournées régulièrement dans la bouche puis mâchées sans être avalées jusqu’à la tombée du jour. Seule la salive qui a extrait les principes actifs est avalée. Le qat enfourné forme alors une grosse chique qui déforme la joue.
La première impression est désagréable car le qat est astringent. Puis on ressent une augmentation de la vigilance, un fort désir de communiquer avec l’autre, un pouvoir de concentration, une agilité intellectuelle exacerbée. On éprouve un besoin de créativité, un désir profond d’entreprendre les projets les plus ambitieux et une capacité à résoudre les problèmes posés.
Les feuilles renferment des alcaloïdes dont la structure est proche de celle de l’amphétamine : la cathinone (b-kéto-amphétamin) et la cathine (d-norpseudoephédrine). On trouve aussi une quarantaine d’autres alcaloïdes dérivés des cathédulines, des tannins, de la vitamine C et des flavonoïdes.
Des propriétés amphétaminiques
Les propriétés sont celles des amphétamines : un effet stimulant, avec une augmentation de la vigilance, de la concentration intellectuelle, de la confiance en soi, ainsi qu’un effet euphorisant. Le qat augmente la résistance physique associée à une diminution de la sensation de fatigue. Il provoque de l’insomnie. La pression artérielle et le rythme cardiaque sont augmentés. La cathinone accroît dans le cerveau l’activité des neurotransmetteurs à l’adrénaline et à la dopamine. C’est une activité sympathomimétique indirecte par libération des catécholamines des vésicules présynaptiques des neurones. La dopamine est également libérée au niveau du système nerveux central.
Il est également un anorexigène, c’est-à-dire qu’il réduit fortement l’appétit et la sensation de faim, comme le sont les amphétamines. Un médicament appelé Cathine avait été mis sur le marché en Allemagne pour cette indication.
Les amphétamines et produits assimilés ont été dispensés sous forme de médicaments pour stimuler l’éveil et la concentration et comme coupe-faim. Ils ont été retirés du marché, car des effets secondaires graves sont survenus chez des patients ayant consommé des doses trop élevées. En effet, les amphétamines peuvent induire, au niveau des artères pulmonaires, des hypertensions souvent invalidantes et parfois mortelles.
La consommation de qat n’induit ni dépendance physique ni accoutumance. Elle touche au Yémen une grande partie de la population : 60 % des hommes et 35 % des femmes étaient des consommateurs réguliers en 1967, et 30 % des hommes et 24 % des femmes, des consommateurs occasionnels. Les incidences sur la santé sont faibles par rapport à la consommation de tabac ou d’alcool ; de l’insomnie chez les petits consommateurs et parfois de l’hypertension chez les gros consommateurs. Le principal problème est le coût quotidien de l’achat du qat qui se fait parfois au détriment des besoins alimentaires.
Le qat est une institution culturelle et un facteur d’intégration sociale, car tous se côtoient au cours de ces séances : on parle de politique, de littérature, d’actualité, de contrat d’affaire et on résout une partie des conflits locaux. Cela n’a malheureusement pas empêché une effroyable guerre civile qui ravage ce beau pays hospitalier depuis 5 ans. Pourtant, la partie de qat est un phénomène social incontournable au Yémen, qui a la plus belle des vertus, celle « d’attiser l’intelligence ».
Inscrit comme stupéfiant en 1956, il a fait l’objet d’un décret d’interdiction de production et de commerce un an plus tard. Mais ce décret n’a jamais été appliqué au Territoire français des Afars et des Issas (actuellement République de Djibouti), où la consommation était autorisée et où les taxes sur son commerce constituaient le revenu principal du Territoire jusqu’à son indépendance en 1977.
Plantes des dieux, des démons et des hommes (2019), Fleurentin J., Éditions Ouest France, 208 p.
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