L'armoise annuelle, une phytothérapie antimalarique

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Publié le 23/11/2023
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Artemisia annua

Artemisia annua
Crédit photo : J. Fleurentin

L'armoise annuelle (Artemisia annua L., Astéracées) est une grande plante herbacée atteignant les 2 mètres, originaire des régions tempérées de Chine. Ses feuilles sont très ramifiées et odorantes et ses petites fleurs jaunes en capitule sont rassemblées en grappes à l'extrémité des tiges, elles donnent des graines minuscules.

L'infusion des parties aériennes est indiquée depuis des siècles contre la fièvre et le paludisme, comme le mentionne le traité de Li Shinzen du XVIe siècle. La pharmacopée chinoise actuelle la recommande dans les crises de paludisme, les chaleurs caniculaires et la jaunisse. L'infusion d'armoise annuelle chinoise ou d'armoise africaine (Artemisia afra) est utilisée en prévention et en traitement dans beaucoup de pays en développement où l'accès aux médicaments antipaludéens est trop coûteux.

Les fleurs et les parties aériennes renferment de l'artémisinine, une lactone sesquiterpénique abondante dans les feuilles juste avant la floraison, de l'acide artémisinique et de l'artéannuine B. L'huile essentielle est riche en artémisiate-cétone dans le chémotype chinois, en camphre et en germacrène D dans le chémotype vietnamien.

L'artémisinine, anti-inflammatoire et immunosuppresseur

Une pharmacienne chinoise, Youyou Tu, a reçu le prix Nobel de médecine en 2015 pour la découverte des effets antipaludéens de l'artémisinine. Cette molécule détruit le plasmodium responsable de la maladie la plus meurtrière au monde quand il infeste les hématies : ceci est démontré in vitro, in vivo chez le rongeur contaminé et dans de nombreuses études chez l'homme. L'artémisinine est efficace sur les plasmodiums résistants à la chloroquine. En pénétrant dans l'hématie, l'artémisinine activée par le fer libère des radicaux et des substances toxiques pour le plasmodium.

L'artémisinine est aussi anti-inflammatoire, immunosuppresseur et préconisé en Chine dans le lupus érythémateux et l'arthrite rhumatoïde. Des effets antitumoraux sur les différents stades de la cancérisation sont également démontrés.

L'OMS préconise l'utilisation de l'artémisinine et de ses dérivés artééther, artéméther et artésunate, en thérapie antimalarique. En revanche, elle n’en recommande pas l'usage en tisane ou remèdes non standardisés car elle redoute l'apparition de résistance au paludisme à cause des teneurs trop faibles en artémisinine contenues dans ces formes. En effet, la teneur est élevée en zone tempérée mais faible en zone tropicale. Cependant, une étude clinique a montré que les infusions d'Artemisia annua, riche en artémisinine, et d'Artemisia afra, qui en est naturellement dépourvue, sont aussi efficaces l'une et l'autre dans le traitement du paludisme que la bithérapie artésunate-amodiaquine recommandée par l'OMS. De nombreux travaux montrent qu’une synergie opère au sein d'extrait complexe d'armoise annuelle en infusion, son action ne se limiterait pas à celle du seul principe actif. Elle mériterait d'être considérée et reconnue comme plante médicinale et devrait trouver sa place dans nos pharmacopées.

 

Plantes des dieux, des démons et des hommes (2019) Fleurentin J., Éditions Ouest France, 208 p. Des plantes toxiques qui soignent (2011) Fleurentin J., Éditions Ouest France, 192 p Ethnopharmacologia, 69, 2023 à paraître www.ethnopharmacologia.org

Jacques Fleurentin
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Source : Le Quotidien du Pharmacien