L’Ordre des pharmaciens, situé au 4 avenue Ruysdael, en bordure du parc Monceau, ne possède pas de musée. Seul le magnifique droguier Menier déploie ses boiseries et ses 800 pots dans une salle qui lui est consacrée, visible au visiteur curieux sur demande.
Mais qui sait que les collections pharmaceutiques de l’Ordre sont bien plus riches encore ? Un enrichissement qui a pu se réaliser au fil des années grâce à plusieurs donations, dont Dominique Kassel, responsable des Collections d’histoire de la pharmacie, est la gardienne.
« Le fonds de dotation a justement été créé par l’Ordre national des pharmaciens pour accueillir en donation les collections d’histoire de la pharmacie afin de les mettre en valeur et de les rendre inaliénables », précise-t-elle, en insistant sur le dernier mot. Les collections entrent donc définitivement dans le patrimoine pharmaceutique sans qu’il ne soit plus jamais possible de les vendre, à l’instar d’œuvres de musée. Ce nouveau fonds de dotation opère comme un écrin pour toute donation passée et à venir, avec pour mission de « recueillir, recenser, regrouper, conserver et valoriser les biens et objets mobiliers constitués en collections, en relation avec l’histoire de la pharmacie, du médicament et des sciences de la santé » et de « faire connaître auprès du plus grand nombre, par des opérations de médiation culturelle, l’histoire de la pharmacie », indiquent les statuts. Notons que le transfert de propriété des collections d’histoire de la pharmacie de l’Ordre vers le fonds de dotation a été réalisé pour une estimation à un peu plus de 600 000 euros en estampes, objets d’art, livres, affiches publicitaires et objets pharmaceutiques, soit 20 932 références (dont 5 310 livres, 2 288 estampes et dessins, 10 754 encarts et réclames publicitaires, 2 580 objets, ainsi que 13 577 photographies recensées dans la base de données). Ces dernières sont désormais librement consultables en ligne sur le portail artetpatrimoinepharmaceutique.fr dont la mission est aussi d’informer sur les toutes les manifestations relatives à l’histoire de la pharmacie.
Aux origines des collections de l’Ordre
Si l’on remonte un peu dans le temps, il y eut d’abord les collections d’Edmond Leclair, achetées en 1952, constituées principalement de recueils de remèdes et de pharmacopées du monde entier datées du XIVe siècle à nos jours, suivies par la collection Maurice Bouvet, donnée à l’Ordre en 1967, qui correspond au cabinet des estampes accompagné d’encarts publicitaires et d’objets pharmaceutiques.
En 1995, l’Association de sauvegarde du patrimoine pharmaceutique était créée pour valoriser ces collections, procéder à des acquisitions et accueillir de nouvelles donations éventuelles.
Deux importantes donations récentes
En 2009, par exemple, la famille d’un pharmacien jurassien titulaire d’une officine installée à Gex décidait de donner à l’Ordre une série de chevrettes, piluliers et pots-canons en faïence de Nevers du XVIIIe siècle, un ensemble illustrant parfaitement le décor des étagères de monstre de cette époque. Ce pharmacien, Émile Grosfillex (1876-1948), avait en effet lui-même rassemblé ces pots provenant d’une officine plus ancienne. Au total, le premier don ayant été complété en 2015, cette collection « reconstituée » compte 50 pièces de belle facture et représente l'ensemble le plus important venant d'une seule et même officine dans l’inventaire du fonds de dotation.
Pour cette année, on peut citer une deuxième donation, assez rare pour être soulignée. Il s’agit d’un ensemble de sept pots de pharmacie sur piédouche provenant de la pharmacie Bricherasio de Turin, en Italie, créée dans la première moitié du XVIIe siècle sous la régence de Christine de France, Duchesse de Savoie. Ces pots italiens passèrent ensuite dans la famille Morina, puis, par succession, dans la famille Bonansea au XXe siècle, dont Francesco Bonansea, le grand-père du donateur, fut le dernier titulaire de la pharmacie. Ces sept pots constituent un magnifique témoignage de l’officine italienne au XVIIIe siècle, comblant ainsi un manque dans les collections du fonds de dotation.
Un diplôme dédié à l’histoire de la pharmacie
Ceux qui collectionnent sont des passionnés, le plus souvent pharmaciens de profession, qui ont eu très jeunes le coup de foudre pour tous ces objets pharmaceutiques et faïences, devenues œuvres d’art, qui racontent une histoire. Une fois tombé dans le mortier, on n’en ressort plus ! Et connaître son histoire, c’est aussi mieux cerner les problématiques actuelles. Ouvrir un diplôme universitaire dédié à l’histoire de la pharmacie intitulé « Histoire de la pharmacie, de la thériaque à l’industrie » (dont Sylvie Michel, directrice du département Chimie et Physicochimie des médicaments à la faculté de pharmacie, est la directrice, et Olivier Lafont, de la Société d’histoire de la pharmacie, le coordinateur pédagogique) est donc une initiative à noter dans cette chronique qui s’emploie à mettre en lumière l’histoire des pharmaciens et de leur profession. Les enseignements programmés, qui débuteront en janvier 2017, visent à faire comprendre l’évolution de la fabrication des médicaments, les actions notables des pharmaciens célèbres, ainsi bien sûr qu’à sensibiliser les étudiants à la sauvegarde de leur patrimoine, oublié ou trop souvent mésestimé. Des étudiants qui seront peut-être les collectionneurs de demain, les gardiens de leur mémoire.
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