SI la petite ville d’Epsom, proche de Londres, est aujourd’hui célèbre pour ses courses hippiques, elle le fut auparavant pour une source thermale qui se trouva l’enjeu d’une farouche rivalité entre médecins et pharmaciens londoniens.
À l’origine de l’histoire, Henry Wicker, un paysan qui découvrit la fameuse source alors qu’il cherchait à abreuver son bétail en 1618. Malgré leur soif, les animaux refusèrent son eau trop salée et amère, qui se révéla par contre dotée d’étonnantes vertus, qu’elle soit bue pour ses propriétés purgatives ou utilisée en gargarismes comme décongestionnant, expliquant qu’Epsom ait attiré en masse les colopathes dès le milieu du XVIIe siècle… Il s’écoula ainsi une soixantaine d’années avant qu’un médecin, Nehemiah Grew (1641-1712), ne décrive officiellement à la Royal Society pendant l’été 1679 l’intérêt de l’eau d’Epsom. Son évaporation livrait en abondance des cristaux objet de toutes les attentions : en 1684 le chimiste Robert Boyle (1627-1691) échoua à en préciser la nature et ce fut finalement Grew lui-même qui, en 1695, les identifia comme étant un sel dont il décrivit les propriétés essentielles - il s’agissait, nous le savons maintenant, de sulfate de magnésium -. Surtout, en prouvant que les effets purgatifs étaient liés à ce sel et qu’il n’y avait pas besoin de boire des quantités considérables d’eau pour se traiter, le médecin fonda la renommée de ce qui fut dès lors appelé « sel d’Epsom ». Il monta non loin, à Acton, une usine consacrée à son extraction : il espérait en commercialiser quelque dix tonnes chaque année.
Un me-too au XVIIIe siècle.
Réalisant l’intérêt potentiel de ce médicament, véritable blockbuster de l’époque, d’autres entrepreneurs imaginèrent profiter de cette activité lucrative. Francis Moult, pharmacien à Londres, et son frère George, chimiste, lassés de dépendre de la production de Grew, cherchèrent d’autres sources « miraculeuses » dans le voisinage. Ils exploitèrent une eau magnésienne à Shooters Hill, et firent chuter le cours du « sel d’Epsom » extrait à Acton. En 1697, Francis Moult traduisit d’ailleurs en anglais la publication en latin de Grew, pour promouvoir son propre sel - en « oubliant » toutefois d’en citer l’auteur -. Ce dernier répliqua en obtenant un monopole royal sur l’« extraction du sel de l’eau purgative d’Epsom » en 1698 mais les frères Moult n’en continuèrent pas moins leur production - allant jusqu’à expliquer qu’ils travaillaient sous les ordres de Grew ! -. Grew décéda en 1712 et les droits sur son sel furent transmis à l’un de ses collègues et amis, Josiah Peter.
En 1723, le chimiste anglais John Brown obtint du « sel d’Epsom » comme sous-produit de l’extraction du sel marin : le sel, n’ayant plus « d’Epsom » que son nom, fut dès lors également produit à Portsmouth, Newcastle et Leamington Spa.
La distribution du purgatif et de ses « copies », constituant une véritable rente, suscita une certaine rivalité entre les pharmaciens de la Worshipful Society of Apothecaries de Londres et les médecins du Royal College of Physicians, une concurrence qui perdura jusqu’au XIXe siècle sans que jamais le « véritable » sel d’Epsom manquât malgré le débit plus que réduit de la source historique…
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