STRIDENTE, une sirène d’ambulance hurle dans une rue du Bronx. Alors qu’il travaille à New-York, un biochimiste japonais, Akira Endo (1933- , Prix Lasker 2008), est impressionné par le nombre de ses voisins obèses mais plus encore par la fréquence des accidents cardiovasculaires dans ce quartier populaire où il s’est installé en 1966. Dès cette époque, plus de dix millions d’Américains sont victimes des méfaits de l’hypercholestérolémie.
Revenu dans son pays en 1968, Endo abandonne ses travaux sur les antibiotiques pour explorer une piste audacieuse. Il imagine que des champignons produisent vraisemblablement des substances inhibant l’HMG-CoA-réductase, une enzyme indispensable au métabolisme du cholestérol : il postule que certains de ces organismes parasitent les végétaux en les empêchant de produire de l’ergostérol, un composant de la membrane cellulaire. Un travail fastidieux commence sous l’égide du laboratoire Sankyo... Sur plus de 3 800 souches mycéliennes testées entre avril 1971 et 1972, une se révèle intéressante : elle synthétise de la citrinine qui inhibe l’HMG-CoA-réductase, abaisse la cholestérolémie chez le rat, mais se montre trop néphrotoxique pour être administrée à l’homme.
Durant l’été 1972, Endo découvre une seconde souche fongique active : un Penicillium citirinum prélevé sur du riz, chez un épicier de Kyoto. Il en isole un composé d’une particulière puissance, le ML-236B (compactine, mévastatine) dont la structure est proche de celle du HMG-CoA, le substrat de la réductase. Cet inhibiteur compétitif est à ses yeux « un merveilleux cadeau de la nature ». En 1973, deux médecins américains Michaël S. Brown (1941-) et Joseph L. Goldstein (1940-) (Prix Nobel 1985 pour leurs travaux sur le métabolisme du cholestérol) montrent que la mévastatine est efficace sur des cultures de fibroblastes de patients atteints d’hypercholestérolémie familiale. Les essais sur animaux sont quant à eux moins probants : cette substance, curieusement, n’agit que transitoirement après son administration au rat, car, rapidement, l’activité HMG-CoA-réductase augmente d’un facteur 8 à 10. Endo ne renonce pourtant pas : il teste la statine sur des poules, des chiens, des singes. La chance lui sourit : les résultats sont concluants. La mévastatine est administrée en 1978 par Akira Yamamoto (Osaka) à des patients souffrant d’hypercholestérolémie familiale. Son développement connaîtra cependant un point final deux ans plus tard, lorsqu’elle se révèle induire, à très forte dose (200 fois la dose testée chez l’homme), des lymphomes chez le chien.
Parallèlement, depuis 1976, le laboratoire américain Merck s’intéresse aussi aux statines. Alfred W. Alberts (1931-) isole la mévinoline d’un Aspergillus en 1979, l’année même où Akira Endo isole une autre statine, de Monascus ruber. Ces deux substances se révèlent n’en être qu’une, qui, testée par Merck sous le nom de lovastatine, est approuvée par la Food and Drug Administration en 1987 (Mevacor). Nous connaissons la suite : six statines sont commercialisées et plus de 30 millions de patients en utilisent quotidiennement.
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