À 90 ANS, Ingeborg Rath continue d’ouvrir tous les jours, sauf le lundi, sa pharmacie qui occupe tout le rez-de-chaussée de sa maison à colombages, juste en face de la mairie. Veuve depuis quelques années, elle assure, avec quelques collaboratrices, les visites de l’officine, du comptoir principal aux laboratoires et aux installations techniques. Créée en 1837, la pharmacie a conservé jusqu’à sa fermeture une partie de son mobilier d’origine, ses balances ouvragées et ses collections de fioles et de pots, enrichies au fil des ans par des pièces encore plus anciennes. Parmi elles, un pot de « poudre de momie » rappelle que les extraits et onguents d’origine humaine étaient très prisés jusqu’au début du XIXe siècle pour leurs vertus thérapeutiques et fortifiantes, surtout quand ils provenaient d’enfants ou de personnes décédées de mort violente.
Comme le rappelle Mme Rath, l’agencement des officines anciennes, loin de n’être que décoratif, faisait office de ce que l’on nomme aujourd’hui marketing et communication. Ainsi, par exemple, l’alligator et le boa empaillés accrochés au plafond ne sont pas des souvenirs exotiques, mais montraient aux acheteurs que le pharmacien connaissait les pays lointains et, surtout, savait y dénicher les substances et remèdes particulièrement prisés par sa clientèle.
Plus de 5 000 objets
S’il existe beaucoup de musée de la pharmacie en Europe, très peu sont autant centrés sur l’officine que celui de Schiltach : ses laboratoires, où les pharmaciens et leurs employés exécutaient de nombreuses préparations allopathiques et phytothérapiques, sont restés semblables à ce qu’ils étaient du temps de l’officine, tandis que les vitrines intérieures et les tiroirs regorgent d’emballages et d’objets pharmaceutiques et médicaux. On peut y lire toute l’évolution de la profession, et la pharmacie compte plus de 5 000 objets… et continue à en recevoir, ce qui commence d’ailleurs à lui poser de sérieux problèmes de place. De plus, la pharmacie organisait jusqu’à ces dernières années des expositions temporaires, retraçant l’histoire de certains produits vedette nés en officine, ou présentant des savoir-faire ou des thèmes comme la pharmacie à travers les timbres ou les pharmaciens et la prévention.
La pharmacie accueille des visiteurs du monde entier, touristes ou, souvent, membres des professions pharmaceutiques. Comme le rappelle Mme Rath, l’officine, en 1985, n’était plus viable en tant que telle : peu accessible en voiture, inadaptée à la pharmacie moderne, elle était condamnée à évoluer où à disparaître. Pour cette raison, l’un des fils du couple, pharmacien lui aussi, transféra l’officine proprement dite dans un bâtiment plus fonctionnel, en contrebas de l’officine historique. La pharmacie Rath continue donc, comme autrefois, d’approvisionner la population de Schiltach même si, avoue Ingeborg Rath, « la pharmacie d’aujourd’hui est un autre monde qui m’est étranger ».
Si elle regrette la grande époque des préparations magistrales et la beauté des pharmacies anciennes, elle se félicite par contre des évolutions qu’ont su prendre les pharmaciens d’aujourd’hui à l’image de son fils. « Il possède un robot pour préparer les commandes mais, à la place, il a développé les entretiens et les conseils spécialisés, qui permettent vraiment aux pharmaciens d’accroître leur rôle en matière de santé, ce qui est très important en raison de la baisse du nombre de médecins dans les campagnes », conclut-elle.
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