« L’OR BLANC », le sel sorti du sous-sol jurassien. Il fit la richesse de la ville, du Moyen âge au XIXe siècle, entraînant une intense activité industrielle. Autour de la Grande Saline, c’est toute une bourgeoisie qui fleurit investissant dans des scieries, des plâtrières et des faïenceries. Salins devient un point d’ancrage et de passage incontournable de la région. Au XVIIIe siècle, la ville compte plus de 8 000 habitants, plusieurs institutions religieuses et un grand hôpital général. Et comme son aînée, Besançon, Salins est dominée par une ceinture militaire dont le fort Saint-André a été redessiné par le puissant Vauban à la fin du XVIIe siècle.
C’est également de cette époque que date la superbe apothicairerie de l’hôpital. Deux salles entièrement boisées dont l’harmonie d’ensemble provient de l’ordonnancement rigoureux des pots, flacons et bouteilles. La première est datée de 1685 et présente tous les instruments nécessaires à l’apothicaire qui était aussi, à ses heures, un praticien de la chirurgie et de la dentisterie comme en témoignent forceps, couteaux et trocarts utilisés pour les ponctions. On y trouve aussi le traditionnel alambic, l’habituelle balance, les inévitables mortiers, poids, bocaux, mâche-bouchons, moules à pilules, clystères et grosses seringues, ainsi qu’un appareil à eau de Seltz et un stérilisateur en cuivre. En quelque sorte, tout l’apparat du médecin-chirurgien-apothicaire ! Dans un coin de la pièce, l’armoire à poisons conserve toujours sa liste de contrepoisons, affichée au revers de sa porte. Et un grand pan des boiseries est occupé par toute une série de tiroirs destinés à la conservation des simples. Cette première salle semble ainsi avoir fait office de magasin d’entreposage et de laboratoire, tandis que la deuxième salle, de quelques années plus tardive, se démarque par le raffinement de ses boiseries dorées.
L’huile de petit chien.
C’est la pièce de monstre, l’officine, là où l’apothicaire vendait ses remèdes et affichait son rang. L’élégance du lieu tient à la magnifique collection de pots en faïence bleue et blanche de facture nivernaise. La ligne esthétique des pots correspond aux trois formes propres à l’art pharmaceutique : le pot-canon, la chevrette et la bouteille. Quelques pots d’apparat reconnaissables à leurs anses torsadées et à leurs couvercles conservent les précieuses panacées, comme la thériaque et l’alkermès. Sur chaque pot est indiqué en vieux français le nom de la substance qu’il contient. À ce titre, en bonne place, une petite chevrette est souvent citée pour son drôle de remède appelé « l’huile de petit chien ». Il s’agit d’un baume miraculeux, fait du mélange de graisses de quatre chiots vivants accompagnés de vers de terre (vivants eux aussi !), destiné à soigner les blessures par armes à feu, en particulier les brûlures. Cet étrange remède fut rapporté d’Italie par Ambroise Paré qui attendit que lui en soit révélé le secret pendant plus deux ans avant de pouvoir le divulguer en France. Ce remède eut son heure de gloire durant la Renaissance et jusqu’au Siècle des Lumières. Exemple de pharmacopée ancienne qui nous semble loufoque aujourd’hui et nous fait sourire, mais qui n’était pas si incroyable il y a trois siècles. Beaucoup de préparations étaient ainsi composées des substances les plus farfelues, comme le bouillon de vipère ou la crapaudine. Le XVIIIe siècle est encore le siècle des vendeurs d’orviétan et des arracheurs de dents. Cependant les pharmacies hospitalières jouissaient d’une plus grande crédibilité. Chaque drogue y tenait une place précise sur les étagères de bois, en fonction de son prix et de sa rareté.
À Salins, la présence d’un hôpital remonte au XVe siècle, par la grâce de Jean de Montaigu, dont les revenus considérables provenaient de l’exploitation de la Saline. L’hôpital du Saint-Sépulcre devint très vite un lieu de soins et de pèlerinage. Un jardin et les vignes de la région en favorisèrent l’activité. L’Hôtel-Dieu devint bientôt hôpital général et accueillit des sœurs venues de Beaune et de Dole pour assurer la gestion des soins et de la pharmacie.
Naissance du thermalisme.
Mais l’histoire de la santé à Salins n’est pas uniquement attachée à l’hôpital et à l’apothicairerie, elle est aussi intimement liée au fonctionnement de la Saline, qui permit l’usage d’eaux salées thérapeutiques et surtout la naissance du thermalisme au XIXe siècle. C’est le Dr Germain, surnommé « médecin des pauvres », très dévoué à l’hôpital, qui comprit le premier les vertus des bains. Avec Jean-Marie de Grimaldi, le directeur de la Salines, ils décident d’ouvrir, en 1854, un établissement thermal et, en 1856, les vertus thérapeutiques des eaux de Salins sont reconnues par l’Académie de médecine. La mode du thermalisme au XIXe siècle encourage le succès de l’entreprise, et même l’impératrice Eugénie vient profiter des bienfaits de Salins. Aujourd’hui, les thermes sont toujours très fréquentés et un nouvel établissement, plus grand et plus moderne, devrait voir le jour courant 2016 pour répondre à une demande en cures de plus en plus forte.
L’eau naturellement salée de Salins n’a pas fini de faire parler d’elle. Que ce soit du temps de l’apothicairerie ou actuellement, les vertus de ces eaux dites « chlorurées sodiques fortes » ne se démentent pas. La Grande Saline a certes fermé ses portes en 1962, mais elle est surmontée du musée du sel et a été classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 2009.
Ce sel bienfaiteur (200 g de sel/litre pour les soins thermaux), riche en oligo-éléments, améliore la souplesse articulaire et combat les troubles douloureux en rhumatologie, en gynécologie ou dans le développement de l’enfant. Piscine, douche au jet, massages et soins esthétiques permettent aux malades de se sentir mieux dans leur tête et dans leur corps. Le temps de l’apothicairerie est bien loin mais le lieu magnifiquement conservé reste un témoignage saisissant des premiers soins pratiqués dans la ville.
Centre thermal et de remise en forme, Place des Alliés, Renseignements : 03 84 73 04 63. www.thermes-salins.com.
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