DES MILLIERS de morts. Une multiplication de cas d’un cancer rare, le sarcome de Kaposi. Des infections opportunistes foudroyantes ou presque. L’épidémie qui décimait la communauté gay ne trouva d’explication rationnelle que lorsque l’équipe française de Luc Montagnier montra, en 1984, qu’elle résultait d’une contamination par un rétrovirus alors inconnu : le VIH (virus de l’immunodéficience humaine).
Le fait qu’un rétrovirus occasionne une infection rapidement fatale n’inclinait pas à l’optimisme : ce type de virus semblait, par son mécanisme d’action, insensible à tout médicament et il semblait plus pertinent de rechercher un vaccin.
Pourtant, une équipe américaine du National cancer institute (NCI), associant le cancérologue Samuel Broder, le virologue Hiroaki Mitsuya et l’immunologiste Robert Yarchoan, s’intéressa à l’action antirétrovirale de didéoxynucléosides potentiellement anticancéreux car, à cette époque, on imaginait que les tumeurs pouvaient suivre une infection par un rétrovirus : leurs travaux sur la cancérogenèse aviaire et sur la transcriptase-inverse avaient valu le Prix Nobel de physiologie 1975 aux biologistes américains Howard Temin (1934-1994), David Baltimore 1938-) et Renato Dulbecco (1914-2012). Broder et ses collègues exhumèrent l’une de ces molécules : la zidovudine ou AZT, synthétisée en 1964 par le chimiste américain Jerome P. Horwitz (1919-2012) (également « père » de la stavudine et de la zalcitabine) pour l’inclure dans leur programme de screening et découvrirent ainsi sa puissante action, in vitro, contre le VIH : leur travail fut publié le 28 juin 1985.
Nom de code : BW A509X.
Il n’y avait pas de modèle animal du Sida à l’époque, et, face à l’hécatombe, le temps manquait pour en concevoir un. La contiguïté des laboratoires et des unités cliniques au NCI facilita l’expérimentation et un premier patient atteint de sida fut traité le 3 juillet 1985 par le BW A509X (nom de code de la zidovudine). Son amélioration clinique, en moins de deux semaines, fut miraculeuse : la multiplication des lymphocytes accompagna la disparition des infections fongiques opportunistes. Mais l’embellie ne dura guère et, rapidement, ce patient rechuta et décéda. Ce test prouva néanmoins que l’AZT était actif par voie orale et pénétrait dans le liquide céphalorachidien.
Rapidement, un essai clinique versus placebo fut sponsorisé par le laboratoire Burroughs-Wellcome. Ouvert le 18 février 1986, le dernier patient y fut inclus le 30 juin et l’essai fut suspendu le 19 septembre face à la différence de survie des patients, éthiquement incompatible avec le maintien du bras placebo. La zidovudine fut agréée par la FDA le 19 mars 1987 et commercialisée sous le nom de Rétrovir.
Toutefois, les médias laissèrent entrevoir aux patients un faux espoir car la zidovudine, administrée en monothérapie, restait insuffisante pour surmonter des résistances virales d’apparition rapide et les rechutes étaient alors constantes. Deux médicaments proches furent testés au même moment grâce au sponsoring d’autres laboratoires et se révélèrent efficaces : la didanosine (BMS, agréée en 1991) et la zalcitabine (Hoffmann-La Roche, agréée en 1992). Ces médicaments ouvrirent la voie aux multithérapies constituant le standard actuel du traitement antirétroviral.
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