C’est en Allemagne, dans le Wurtemberg, près de Stuttgart précisément, que furent décrits il y a un peu plus de deux siècles, de nombreux décès suivant la consommation de saucisses au sang - pendant germanique de notre boudin noir - et de viande en salaison. Ainsi, en 1793, six villageois décèdent à Wildbad : une mydriase extrême fait, dans le doute, attribuer leur mort à la belladone, même si des médecins suspectent le « blunzen », une charcuterie locale à base de sang de porc.
Mydriase, diplopie, sécheresse buccale, paralysie digestive et vésicale puis respiratoire, décès fréquent : le nombre de cas augmente à la jonction des XVIIIe et XIXe siècles. En 1802, le gouvernement royal du Wurtemberg met en garde contre le danger de la saucisse au sang ; en 1811, des médecins tiennent singulièrement l’acide cyanhydrique pour responsable de ces intoxications mystérieuses… Un professeur de l’université de Tübingen, Johann Heinrich Autenrieth (1772-1835), met finalement en cause une cuisson insuffisante des saucisses. Un autre médecin - et poète -, Justinus Kerner (1786-1862), publie en 1820 une monographie complète sur l’« empoisonnement par la saucisse ». Y livrant une description clinique minutieuse des cas, il y compare aussi ingrédients et recettes pour conclure que le poison serait issu du saindoux : la comparaison à d’autres types d’intoxication suggère qu’il s’agirait d’une substance biologique.
Kerner-la-saucisse
Dans un ouvrage plus exhaustif publié en 1822, il analyse 155 décès. Surtout, il y rapporte l’expérimentation sur des animaux d’extraits de saucisses fatales, allant même jusqu’à les tester personnellement ( !) : « …quelques gouttes de l’extrait posées sur ma langue ont immédiatement asséché mon palais et mon pharynx ». Kerner déduit de ses observations que le poison apparaît dans les saucisses fermentées en anaérobiose, qu’il interrompt la transmission du signal nerveux, et que sa puissance est extrême. Visionnaire, il entrevoit de possibles applications thérapeutiques et propose même un traitement de l’intoxication aiguë par intubation des victimes avec une sorte de sonde nasogastrique. De fait, le médecin-poète, aussi connu comme expert des saucisses que comme artiste romantique, est rapidement surnommé « Kerner la saucisse… et l’intoxication « maladie de Kerner ».
Le terme de « botulisme » (du latin botulus, signifiant « saucisse ») apparaît sous la plume de deux médecins allemands, Rupprecht et Müller, en 1868.
Finalement, le mystère de l’intoxication botulique est levé en 1895. Les musiciens d’une fanfare ayant accompagné des obsèques dans le village d’Ellezelles (province belge du Hainaut) déjeunent dans une auberge : 13 décèdent après y avoir consommé du jambon fumé. Un microbiologiste de Gand, Emile van Emengem (1851-1922), isole de la charcuterie et des corps des victimes un bacille qu’il parvient à cultiver en anaérobiose, teste sur l’animal, et dont il décrit l’activité toxique : il le nomme Bacillus botulinus (1897). L’implication d’une toxine bactérienne dans l’intoxication alimentaire est prouvée ! Ce bacille n’était autre que Clostridium botulinum, baptisé ainsi en 1924 par la bactériologiste américaine, Ida A. Bengston (1881-1952)…
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