LE « VOYAGE DU PATRIMOINE », tel est le thème choisi pour ces Journées, peut commencer. Un voyage dans l’histoire de la pharmacie rattachée ici au parcours de la famille Menier, propriétaire d’une des plus grandes entreprises chocolatières du XIXe siècle. En effet, le droguier, présenté pour la première fois au public, n’est autre que celui constitué par Jean-Antoine-Brutus Menier, tandis que les bâtiments qui abritent l’Ordre furent habités pendant 12 ans par son petit-fils, Gaston Menier.
Né en 1795 à Bourgueil, en Touraine, Jean-Antoine-Brutus commence comme préparateur en pharmacie au Prytanée militaire de la Flèche, dans la Sarthe, puis au Val-de-Grâce. Il décide de créer, en 1816, la Maison Centrale de Droguerie Menier, qui devient la plus célèbre de la place de Paris. Sa réussite tient du constat que les officines ont des difficultés à s’approvisionner en produits de qualité. Grâce à la création de grands magasins dans le quartier des Lombards et l’acquisition d’un moulin qui fonctionne à l’énergie hydraulique à Noisiel, sur la Marne, il pulvérise de nombreuses drogues dont il garantit la qualité et l’origine. Très vite, son entreprise passe d’artisanale à industrielle. Son usine s’agrandit et, en 1834, il définit son activité ainsi : « La fabrication des poudres et farines à l’usage des pharmaciens, droguistes et herboristes, la mouture de grains, la fabrication du chocolat, la pulvérisation et la préparation des produits pharmaceutiques. » Et comme on lui reproche bientôt de ne pas être diplômé en pharmacie, il se remet aux études à 40 ans et obtient son diplôme en 1839.
Un droguier pédagogique.
Il semble qu’il utilise probablement son droguier à cette époque à des fins pédagogiques – c’est une hypothèse avancée par une étude récente - car on sait qu’il accueille quelques stagiaires en pharmacie et qu’il donne des cours. Or la reconnaissance des drogues, comme encore aujourd’hui, est une épreuve essentielle pour devenir pharmacien. Le droguier est donc un instrument nécessaire pour cet apprentissage, comme pourra le juger le visiteur en découvrant l’étonnante collection de matières premières, issues des trois règnes, animal, végétal et minéral, contenues dans des pots en verre, de taille à peu près égale. 755 pots exactement (il y en avait 793 à l’origine), avec chacun un numéro et une étiquette, font voyager dans la pharmacopée du XIXe siècle, dont certaines substances sont des plus curieuses, voire même ont totalement disparu.
Mais le plus intéressant est de comprendre qu’environ un tiers des substances entre toujours dans notre pharmacopée actuelle avec une utilisation proche de celle du XIXe siècle. Ainsi, l’insolite os de cœur de bœuf côtoie les plus traditionnels pastel, quinquina, colle de poisson ou jaune de chrome. En cherchant bien, on voit également différentes sortes de cacao. On apprend alors que le chocolat a des vertus thérapeutiques et qu’il était utilisé pour « faire avaler la pilule » car le goût des médicaments était des plus épouvantables.
L’hôtel particulier du chocolatier Menier.
C’est l’occasion de rappeler au visiteur que les Menier abandonnèrent finalement l’activité pharmaceutique pour se consacrer à la production chocolatière, dans laquelle ils feront fortune, en inventant les premières tablettes. Le parcours de la visite, pensé par Dominique Kassel, responsable de la Collection d’histoire de la pharmacie à l’Ordre national des pharmaciens, à la fois instructif et doté d’une belle mise en exposition, permet de comprendre que la connaissance des thérapeutiques passées est importante pour appréhender celles de demain. Il se termine avec une évocation des grands pharmaciens de l’histoire, tels Moyse Charas, Nicolas Lémery, Antoine Augustin Parmentier ou Henri Moissan.
L’histoire de la pharmacie n’est pas si souvent mise à l’honneur. La visite mérite donc le détour. De plus, le visiteur profitera du cadre particulièrement agréable de l’ancienne propriété des Menier. Deux hôtels particuliers qui se dressent aux abords du parc Monceau, au n° 4 et 6 de l’avenue de Ruysdaël. L’emplacement est idéal. L’architecture est bourgeoise. Elle date du milieu du XIXe siècle. À cette époque, de nombreux nouveaux riches, principalement des financiers, dont les plus connus sont les Pereire, les Camondo, les Cernushi et les Jacquemart-André, font ériger de luxueuses demeures. Gaston Menier acquiert les immeubles de l’avenue de Ruysdaël en 1879 et les fait arranger par le célèbre architecte Parent. Il fait même construire un charmant pavillon de style normando-mauresque, correspondant parfaitement au goût pour l’éclectisme de l’époque, et dont la décoration intérieure, constituée d’un grand escalier de bois et de mosaïques italiennes en pâte de verre, est des plus raffinées. Il y fait aménager à l’étage une salle de théâtre appelée « Les Folies Ruysdaël » où la haute société se donne en spectacle. Aujourd’hui, les fêtes de Gaston sont bien loin. Mais lorsqu’on aperçoit le droguier de son grand-père depuis la cour intérieure, derrière l’immense vitre de verre de la façade du bâtiment, on se dit qu’il a trouvé sa place, naturellement. Et l’on se surprend à méditer sur la notion de patrimoine…
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin