EN 1656, un édit royal crée les hôpitaux généraux (les premiers sont la Pitié, Bicêtre, Le Refuge, Scipion et la Savonnerie) qui répondent au souci d’enfermement des pauvres, mendiants et vagabonds qui constituent plus de 10 % de la population parisienne au milieu du XVIIe siècle. En 1662, un deuxième édit applique cette mesure aux bourgs de province dont fait partie Hautefort. À cette époque, les troubles de la Fronde ont affaibli le peuple et l’économie. Une fois le pouvoir royal renforcé, il est grand temps de remédier à l’aggravation de la situation des mendiants marginalisés qui hantent les rues de la capitale, ignorés, rejetés ou maltraités, vecteurs de pauvreté, de criminalité et d’insalubrité. La solution de ce qui est appelé le « grand enfermement », c’est-à-dire leur prise en charge dans des établissements adaptés, constitue un changement social soutenu par les confréries religieuses dont les Sœurs de Saint-Vincent de Paul et la Compagnie du Saint Sacrement, mais aussi par les personnes de haut rang, empressées de faire acte de charité et de moraliser la société. L’aide aux pauvres devient une bonne action à la gloire de Dieu prouvant, aux yeux de tous, sa grande piété. Ainsi le marquis de Hautefort déclare « qu’il entend fonder sur sa terre et marquisat de Hautefort un hôpital des pauvres afin de leur procurer le salut, en les faisant instruire des choses de la religion catholique et apostolique romaine et en leur faisant apprendre quelques métiers ». Homme de caractère, fervent mais point courtisan, le marquis de Hautefort aurait inspiré l’Avare de Molière parce qu’il ne dépensait son argent que pour son domaine. « Son hospice, c’est l’œuvre de sa vie », confirme le Dr Charles Barnier, fondateur et président de l’association de muséographie médicale qui gère le Musée de la médecine depuis 1994.
Construit sur le modèle de l’architecture de la Pitié-Salpêtrière, l’hospice de Hautefort étend ses quatre bras en croix grecque, réunis au centre par la rotonde de la chapelle, et auparavant inscrits dans un corps de bâtiment formant un carré. Il s’agit d’une architecture symbolique reprenant les formes divines du cercle de l’unité divine, de la croix du Christ et du quaternaire terrestre. Autrefois, les bâtiments accueillaient onze garçons, onze femmes et onze hommes totalisant trente-trois indigents, le chiffre de la vie sur terre du Christ. Ceux-ci pouvaient assister à la messe à travers de belles claustras encore visibles, sorte de fenêtres grillagées donnant sur la chapelle.
Aujourd’hui, ces espaces conservent une riche collection d’objets de médecine dont un fonds pharmaceutique exposé dans la salle Hippocrate au premier étage. Comptes d’apothicaires et livres de médecine rangés sur une belle bibliothèque (1 500 en tout) côtoient de vieilles boîtes de médicaments du début du XXe siècle, évoquant pour certains des souvenirs comme le Phénergan, un élégant trébuchet avec microscope incorporé, une grosse presse à visse, un très bel alambic, une exceptionnelle série de poupinels à stériliser, au gaz ou électriques, ainsi qu’une trousse d’homéopathie, des topettes à sirop, des pilules dorées, des ovules, des comprimés, un saccharoliseur (qui évalue la teneur en sucre), un éthylomètre et un appareil à fabriquer des suppositoires. Deux objets sont très précieux : un moulin d’apothicaire en bois, permettant de moudre les plantes, et le premier codex medicamentum préfacé par Louis XVIII, publié en 1818, ancêtre de notre « Vidal », dictionnaire que se devaient de posséder tous les pharmaciens et qui venait réglementer la science médicale après la période révolutionnaire qui avait vu l’éclosion des charlatans suite à la loi Chapelier de 1791 supprimant les corporations. Le 11 avril 1803 déjà, une loi réaffirmait le monopole des pharmaciens quant à la vente et à la préparation des médicaments. Au fond de la salle, un apothicaire en habit veille, comme l’ont fait les sœurs de la Congrégation de Nevers jusqu’au XXe siècle, dont l’une fut Bernadette Soubirous au XIXe siècle.
Le musée offre ainsi un large panel d’objets médicaux enrichi actuellement par l’exceptionnelle exposition « L’art dentaire au XIXe siècle », qui retrace l’histoire de la dentisterie, et son adaptation au gaz, à l’électricité et aux rayons X, à travers de magnifiques modèles de cabinets du XIXe siècle.
L’hospice et le château de Hautefort sont aujourd’hui classés Monuments Historiques et accueillent de nombreux visiteurs dans un site au charme indemne, dans une région chargée d’histoire. Le pisé du sol de la chapelle montre toujours une étoile à douze branches entre lesquelles se trouvent des forces (ciseaux à tondre les moutons) qui sont les armes des Hautefort.
Place du Marquis J-F de Hautefort
24390 Hautefort
Tel : 05.53.50.40.27.
Avril-mai-octobre : 10h-12h et 14h-18h.
Juin-septembre : 10h-19h.
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