TOUT A ÉTÉ DIT sur ses guérisons miraculeuses, souvent à l’exagération. Il n’en reste pas moins que la petite Hildegarde, dès son plus jeune âge, avait des visions, de celles qui vont embraser les âmes des croyants. Née en 1098 à Bermersheim, en Hesse rhénane, à quelques kilomètres au sud de Mayence, elle entre à huit ans au couvent, prise en charge par l’abbesse qui l’initie à la connaissance des simples. Elle étudie, pratique, concocte et ne cesse de voir la lumière en tout, fruit d’hallucinations explicables aujourd’hui par un probable trouble ophtalmologique ou syndrome de Charles Bonnet. À 38 ans, elle devient abbesse à son tour et se met à écrire, d’abord sur ses visions, ce qui attire l’attention du pape et de saint Bernard qui vont devenir ses correspondants épistolaires, puis sur les plantes, les métaux et les pierres précieuses qui entrent dans la composition des remèdes qu’elle fabrique pour les malades qui viennent la voir. Ces derniers augmentent sans cesse, au fil des guérisons de la nonne, considérées à l’époque comme de véritables miracles. À la mort d’Hildegarde, en 1179 (on dit qu’elle en avait même prédit le jour exact !), des milliers de pèlerins voient le ciel s’illuminer de deux arcs-en-ciel. Sainte Hildegarde meurt adulée dans un siècle perclus de maux.
Du Moyen Âge à nos jours.
Hildegarde de Bingen, la « Sybille du Rhin », est restée célèbre en Allemagne, mais beaucoup moins dans le reste de l’Europe. Ses écrits (dont « Causae et curae », « Les Causes et les remèdes »), pourtant parmi les premiers de l’époque médiévale en matière de pharmacopée, ne furent redécouverts que huit siècles après sa mort, et font l’objet d’un regain d’intérêt depuis les années 2000. Hildegarde aurait-elle eu un véritable don en matière médicale ? Une sorte de « prescience thérapeutique », mélange d’inspiration divine propre à son statut et de connaissances précises du fonctionnement de l’organisme ? Au-delà de leur caractère mystique, c’est en effet ce dont témoignent les multiples recettes médicamenteuses conseillées par Hildegarde, dont beaucoup seraient toujours efficaces aujourd’hui.
Les premiers à vouloir le vérifier au XXe siècle sont le Dr Hertzka et le Dr Strehlow, en Allemagne, qui mettent notamment en évidence les découvertes d’Hildegarde sur l’effet des fleurs et des feuilles de l’achillée millefeuille pour la cicatrisation des plaies, et sur l’effet du galanga pour le cœur. Chose encore plus étonnante, ils découvrent également les propos de la sainte concernant les causes probables du cancer. Hildegarde parlait d’un mal si contemporain, le plus grand du tournant du XXe et du XXIe siècle, de quoi faire de notre nonne une femme résolument moderne ! Le Dr Hertzka en était si convaincu qu’il voulut encourager la production d’épeautre, céréale bien meilleure que le blé selon Hildegarde (« L’épeautre donne du courage et met de la joie au cœur », écrit-elle) et fit préparer, dans une pharmacie de Constance, le fameux vin au persil, préconisé par Hildegarde « si l’on souffre du cœur ou de la rate ». Mais l’intelligence d’Hildegarde résidait surtout dans la conscience qu’elle avait de respecter l’équilibre entre le corps et l’esprit, le second ayant une grande influence sur le premier.
Les remèdes préférés d’Hildegarde.
Hildegarde cueillait les plantes de ses remèdes dans son jardin. Mais pour elle, il valait mieux prévenir que guérir et cela passait par une alimentation saine et équilibrée, une des règles d’or de nos vies actuelles. L’électuaire au fenouil des Alpes et à la poire est le plus efficace pour nettoyer le colon, et donc prévenir toute sorte de maladies car, selon Hildegarde, la mort venait souvent des intestins. Elle ajoutait dans sa recette du galanga, de la sarriette et de la réglisse. Le fenouil, la sauge, le géranium Robert ou bec de grue, le miel, le vin, l’huile d’olive, la rose, le galanga, le gingembre, l’ortie, le plantain, la camomille, l’iris, l’ail et le vinaigre reviennent tous de manière régulière dans ses compositions, sous forme de fumigations, élixirs, poudres, lotions, onguents, infusions ou cataplasmes. Les propriétés thérapeutiques de ces plantes, mal connues à l’époque d’Hildegarde, bien que constatées et pressenties, ont été depuis confirmées par la science moderne.
Visionnaire et apothicaire de la première heure, Hildegarde nous laisse aujourd’hui en héritage ses précieuses recettes. Des lectures émouvantes de la part d’une nonne qu’on disait à la santé fragile, qui connaissait les vertus des plantes mieux que personne, au point que rois et empereurs la consultaient. Elle était aussi musicienne, ce qui devait contribuer à adoucir les âmes souffrantes.
Paul Ferris, « Les remèdes de santé d’Hildegarde de Bingen », Marabout, 2002.
Régine Pernoud, « Hildegarde de Bingen. Conscience inspirée du XIIe siècle », Livre de Poche, 1996.
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