Parmi les textes porteurs du savoir pharmaceutique, le Circa Instans ou Livre des simples médecines de Matthaeus Platearius, savant médecin de l’École de Salerne, a joué un rôle que les historiens comprennent mieux aujourd’hui, celui d’un manuel pharmaceutique, autant pour les médecins et les apothicaires que pour les épiciers et les gens du peuple. « Il a véhiculé un message médical et pharmaceutique à travers toute l’Europe médiévale et a contribué à mettre en place un ensemble d’informations et un savoir accessibles à tous », explique Iolanda Ventura qui se passionne pour ce manuscrit depuis plusieurs années.
Ce recueil alphabétique de toute la pharmacopée connue au XIIe siècle est en effet rapidement devenu la « bible » des médecins et des apothicaires pour comprendre les propriétés des plantes, des minéraux et des matières animales et leur utilisation thérapeutique. Il est lu à travers toute l’Europe, de la Méditerranée jusqu’aux rivages de la mer du Nord. On le copie beaucoup (250 copies sont connues aujourd’hui en latin et en langues vernaculaires) et, surtout, on l’annote dans les marges. Iolanda Ventura précise que ces annotations manuscrites sont le témoignage de l’appropriation d’un savoir qui circule mais aussi d’un document qui sert au quotidien de « plateforme de travail ».
Aux sources du Codex
Cette facilité d’utilisation est due à sa simplicité de lecture et de langage. Il n’est pas besoin d’être un universitaire pour le comprendre à l’inverse du Canon d’Avicenne ou du De medicinis simplicibus de Serapion. Ainsi, on le retrouve en périphérie des grands centres urbains du savoir, souvent accompagné de l’Antidotaire de Nicolas, médecin issu également de l’École de Salerne. Il sera imprimé pour la première fois à Venise en 1497, ce qui continuera d’augmenter sa diffusion. Aux origines du Codex, les textes salernitains ont donc été, jusqu’à la Renaissance, les véritables manuels des apothicaires occidentaux qui pouvaient y retrouver les références à la théorie galénique des humeurs et à la pharmacopée de Dioscoride. De manière tout à fait nouvelle, les sources antiques y côtoient le savoir venu d’Orient, en particulier grâce à Constantin l’Africain, troisième figure de l’École de Salerne, célèbre pour avoir traduit de nombreux traités de médecine arabe. Des drogues exotiques encore peu connues comme le musc par exemple – fortifiant et antidépressif – y sont décrites en détail. Suivre la circulation de cette littérature pharmacologique, c’est mieux comprendre l’évolution de la pratique quotidienne des apothicaires du Moyen Âge.
* Conférence « La pharmacie au Moyen Âge : la pratique et les livres » donnée par Iolanda Ventura dans le cadre du colloque international, Inscribing Knowledge on the Page : Sciences, Tradition, Transmission and Subversion in the Medieval Book.
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