La grille dorée (classée monument historique), c’est celle de l’ancien hôtel-Dieu, façonnée par un ferronnier de la région, François Maréchal. Aujourd’hui, il n’y a plus de malades, seulement des bureaux administratifs. Les visites se font sur rendez-vous auprès de l’Office du tourisme de la ville. Christelle Cretin, guide du patrimoine local, a les clefs du bâtiment, de lourdes clefs en fer dont le cliquetis évoque une époque révolue. Nous la suivons d’abord à travers le cloître. Après quelques mètres, une large ouverture accueille un escalier étonnant, véritable prouesse architecturale. Sa tournure élégante, sa rampe en fer forgé, sa belle clef de voûte lui confèrent toute sa légèreté. Il semble en effet comme en apesanteur. On apprend alors que l’hôtel-Dieu a été construit au XVIIIe siècle, entre 1735 et 1745 par un architecte bisontin, Jean-Pierre Gazelot, qui s’est probablement inspiré de l’architecture de l’hôpital Saint-Jacques de Besançon. On reconnaît le style classique et ordonné du XVIIIe siècle qu’affiche également l’Hôtel de Ville, juste en face, construit à la même période par le même architecte. Les deux édifices témoignent de la nouvelle richesse que se devait de montrer une ville de Franche-Comté, région qui n’avait été rattachée au royaume de France que tardivement, en 1678, par le traité de Nimègue. Besançon et Lons-le-Saulnier adoptèrent donc le style Louis XIV. Dès l’entrée, des couples de putti tenant des écussons nous ont d’ailleurs salués, du haut des deux colonnes d’inspiration antiques qui entourent la grille.
La visite se poursuit derrière des portes grinçantes qui sentent bon le bois. Là encore, le patrimoine local dévoile sa splendeur à travers trois vastes pièces qui existent grâce au riche donateur, Monseigneur de Gramont, évêque de Besançon. On pense d’emblée aux nombreuses autres apothicaireries de la région. Dole, Besançon, Saint-Amour, Salins-les-Bains, Arbois, Baugé, etc. On se répète encore une fois que ce patrimoine mérite vraiment d’être mieux connu. Il est heureux de se rendre compte que l’apothicairerie de Lons-le-Saulnier est particulièrement bien préservée. La première salle est décorée de boiseries datant de 1697, ornées de délicates niches à colonnettes, provenant d’un autre hôtel-Dieu et réinstallées. Elles accueillent une collection de faïences dans le style de Nevers, alors très recherché. Trois chevrettes ont cependant été rattachées aux faïenceries de Poligny et de Montpellier. C’était la salle réservée à l’assemblage pour l’hôpital et les ventes privées. Elle était auparavant un peu plus grande. Il faut s’imaginer qu’il y avait la place pour une trentaine de sœurs au travail qui préparaient de multiples produits, dont certains étaient probablement à base du vin du pays, provenant des vignobles des coteaux du Revermont. Deux belles statuettes en bois, représentant saint Côme et saint Damien, patrons traditionnels de la médecine et de la pharmacie, ne manquent pas à l’ensemble.
Dans la salle suivante, on est frappé par l’impression de confort et d’espace. Un splendide herbier du XVIIIe siècle en papier chiffon (retrouvé dans la cave de l’hôpital), rassemblant plus de mille plantes, en bonne place sur la table au centre de la pièce, est un des plus beaux objets de l’apothicairerie. Les boiseries datent ici du XVIIIe siècle, probablement réalisées lors de la construction de l’hôtel-Dieu. Elles conservent une exceptionnelle collection de pots provenant d’une faïencerie de la région, située à Meillonnas et connue pour son savoir-faire depuis les années 1760. D’autant plus exceptionnelle qu’il s’agit de la seule collection de pots à pharmacie complète à ce jour pour une apothicairerie hospitalière : 112 pots décorés en camaïeu bleu. En haut des boiseries, des ornements en or et en argent représentent les instruments utiles à l’agriculture et le raisin de la vigne, ainsi que le coq, symbole de la magie noire, le serpent, symbole de la pharmacie, trois livres, symboles du savoir et un sablier penché, symbole du temps qui passe. L’apothicairerie de Lons-le-Saulnier s’inscrit ainsi dans la longue tradition du savoir des apothicaires, fleuretant avec l’alchimie, mais imprégnée ici de la culture locale, tournée vers les travaux des champs et la viticulture.
La troisième salle est le laboratoire qui ne déçoit pas par ses nombreux petits flacons de verre renfermant des préparations en poudre de toutes les couleurs. Des élixirs de longue vie, à base d’arsenic (qui étaient le plus souvent dangereux !), des pots à confiture (celle-ci servait à faire avaler la pilule), de l’eau de Cologne (qui servait d’anesthésiant), un radiateur avec une cavette (qui servait de four), un rare traité de médecine domestique, de 1751, écrit par un certain Bucham, Écossais du collège royal de médecine d’Édimbourg (qui prône la récréation à l’école des enfants et la pratique du sport pour les adolescents), tant de choses étonnantes qui font l’originalité de l’apothicairerie et réveille l’imagination. Un passage secret que l’on empruntait à partir de l’un des placards attise encore cette dernière.
La visite se termine, quelques salles plus loin, par le réfectoire. Des pots et des chevrettes à sirop y sont conservés, provenant de Dole, donnés par l’Œuvre du Bouillon, œuvre charitable créée par des femmes de la noblesse locale. La visite s’arrête ici. Les adultes en sortent charmés et les enfants récompensés d’un diplôme du petit apothicaire
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