À l’approche du début de l’hiver et de son manteau glacial, il faut prendre des forces pour que l’organisme résiste le mieux possible. Quoi de mieux que la cuillère d’huile de foie de morue qu’il faut avaler d’un coup avec une belle grimace. Mais est-ce vraiment efficace ? Certains en sont persuadés, d’autres sourient. C’est au XIXe siècle qu’on découvre ses qualités, notamment pour prévenir le rachitisme (conséquence d’une carence en calcium et en vitamine D) et l’anémie qui faisaient partie des fléaux de l’époque. On la préconise ainsi rapidement pour les enfants afin qu’ils puissent être protégés des maladies et elle devient le premier médicament opothérapeutique (à base de cellules animales issues de tissus, organes ou hormones). Elle vient donc s’ajouter à tous les fortifiants déjà existants tels que les vins toniques, le plus connu étant le vin Mariani, ou les élixirs à base de calcium, fer, phosphore, strychnine… Mais au départ, elle n’était pas utilisée pour un seul usage ce que traduit l’extrait écrit par la comtesse de Ségur dans son recueil La santé des enfants : « Si l’enfant a de la faiblesse dans les reins, qu’il ne puisse pas se soutenir facilement assis à six ou sept mois, ni debout à onze ou douze mois, frictionnez-lui légèrement les reins et l’épine du dos, matin et soir, avec de l’eau-de-vie. Les frictions avec de l’huile de foie de morue sont encore plus efficaces. […] Ce moyen très innocent donne beaucoup de force aux reins et aux jambes. La faiblesse des jambes provient toujours de l’épine dorsale. »
Extraction par chauffage à la vapeur
C’est au milieu du XIXe siècle que le remède médicinal commence à intéresser plus sérieusement le corps médical et pharmaceutique. Un pharmacien va notamment se démarquer, curieux de mieux comprendre comment cette huile assez banale pouvait être aussi puissante. En 1846, Thomas Paul Hogg s’embarque pour la Norvège afin d’observer les lieux et les procédés d’extraction visant à en retirer un produit le plus pur possible car à l’époque, les huiles bon marché qu’on trouvait étaient rances et pestilentielles et leur couleur brune n’augurait rien de bon. Son enquête l’amènera aussi à lister les maladies sur lesquelles l’huile de foie de morue semble la plus efficace. Car les Norvégiens sont les seuls à l’époque à extraire l’huile par chauffage à la vapeur (procédé dit Lofoten) ce qui intéressera beaucoup Hogg notamment parce que ce procédé permet de réduire la puissance du goût très repoussant.
Un mets reconnu depuis longtemps pour ses qualités nutritives et fortifiantes
Toute l’Europe du Nord est en fait férue du foie de morue qui est un mets reconnu depuis longtemps pour ses qualités nutritives et fortifiantes. Et le lieu le plus propice pour la pêche de la morue se trouve au large des îles Lofoten. On dit même que les Vikings raffolaient du foie de morue frais. En 1854, fort de cette longue tradition, le pharmacien norvégien Peter Möller fonde son entreprise après avoir mis au point un nouveau processus d’extraction de l’huile. Les foies étaient mis à macérer dans de l’eau avant d’être cuits à feu doux afin que l’huile remonte à la surface. Par la suite, les huiles Möller vont se diffuser à grande échelle.
Sans odeur et sans goût
Riche en vitamines A, D et E, elle sera inscrite à la pharmacopée française en 1866 et les pharmaciens considérant donc qu’il s’agit d’un véritable médicament, en demandent l’interdiction de la vente au poids par les épiciers et les droguistes en 1873. Et petit à petit les huiles vont déferler dans les ports de France, venues de Norvège donc, mais aussi de Terre-Neuve, de Saint-Pierre-et-Miquelon, du Japon, de Grande-Bretagne. À chacun son huile. L’huile de Hogg (commercialisée dans l’officine du pharmacien au 2 rue de Castiglione) ou l’huile de foie de morue de Champigny. Les publicités vont bon train, chacun vantant sa spécialité « sans odeur et sans goût, absolument pure et naturelle ». Comme les bières, elles sont blanches, ambrées, blondes ou brunes et les pharmaciens peuvent les acheter au litre. À l’Exposition Universelle de 1889, c’est une huile de foie de morue de Saint-Pierre-et-Miquelon qui est primée. Au début du XXe siècle, la production sera si importante qu’elle atteindra une échelle industrielle mais elle sera bientôt remplacée par des médicaments à base de vitamine D de synthèse (le principe actif de l’huile qui est isolée en 1925). Puis en 1932, c’est au tour de la vitamine C d’être isolée, juste un peu après la découverte de la vitamine K au Danemark en 1929. Les vitamines B12 et B9 feront leur apparition après-guerre ce qui conduira à un affaiblissement croissant de l’intérêt pour l’huile de foie de morue.
Riche en vitamines A, D et E, l’huile de foie de morue sera inscrite à la pharmacopée française en 1866
Puisque de nombreuses pistes mêmes complètement oubliées ont fait leur réapparition au moment de la Covid-19, l’huile de foie de morue a bénéficié également de son petit moment de visibilité lorsque la Norvège, principal fabricant du produit, s’est demandé s’il ne serait pas efficace contre l’épidémie…Il faut dire que les Norvégiens seraient incités à en prendre plusieurs doses journalières ! Au début du XXe siècle, pendant des années, tous les enfants des écoles primaires norvégiennes se mettaient en file indienne pour prendre leur petite cuillère quotidienne d’huile de foie de morue. Plus récemment, l’hôpital universitaire d’Oslo a donc lancé une grande enquête pour examiner si les vertus de l’huile miraculeuse pouvaient faire barrage contre le Covid. Évidemment, l’huile de foie de morue, comme on l’a vu, renforce les défenses immunitaires et ne peut a priori qu’être un élément de plus pour se protéger contre tout type de maladie.
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