SON PARCOURS singulièrement baigné d’essences étrangères – naissance en Autriche, mère d’origine cubaine, épouse brésilienne – aura-t-il inspiré à Éric Lundwall son intérêt marqué pour la santé des voyageurs ? Médecin généraliste exerçant dans un cabinet du quartier latin à Paris, il se met à composer une trousse de « premiers soins » destinée aux expatriés. Les compresses, matériel stérile et produits désinfectants dont il agrémente ses kits ne suffisent pas, cependant, à satisfaire son sens de la formulation qui cherche à s’exprimer dans un domaine plus technique du soin. Au seuil des années 1990, ses aspirations vont trouver matière à concrétisation. Occupé à lire une parution scientifique consacrée à la protection du voyageur contre le paludisme, Éric Lundwall est interpellé par l’évocation d’un protocole de protection du corps contre les insectes. Celui-ci comprend deux volets, un répulsif cutané à haute concentration en principe actif et un produit d’imprégnation des vêtements. L’association des méthodes de répulsion et le fort dosage en substance active résonnent en lui comme une évidence… Car la protection, entre autres, contre les piqûres d’anophèle, moustique vecteur du paludisme, est indispensable mais non suffisante dans les zones géographiques à risque. En outre, s’il existe d’ores et déjà plusieurs marques de répulsifs sur le marché français, aucune formule ne se présente sous les concentrations indiquées dans la littérature médicale. Pas plus qu’il n’existe d’ailleurs d’insecticide à pulvériser sur les vêtements alors que les habits, requis dans les zones infestées, constituent la seconde barrière physique aux insectes après la peau.
Majeure, l’idée d’un double système de protection s’impose peu à peu. C’est ainsi que le premier duo répulsif voit le jour. Composé de DEET – diéthyltoluamide – fortement dosé dans la formule cutanée et de perméthrine en ce qui concerne l’insecticide destiné au tissu, le produit est lancé sous la marque Insect Ecran, un nom proposé par un patient du docteur Lundwall, professionnel en la matière. Présentée sous un statut cosmétique, la formule est travaillée comme un produit éthique. Son spectre d’action est large. Efficace contre les différentes espèces de moustiques (anophèle, aedes, culex…) potentiellement vecteurs de maladies graves, le DEET est présent à hauteur de 50 % dans la composition du produit. Étalon or des répulsifs, il fait référence en matière d’actifs et s’avère aussi performant contre les mouches, les tiques, les aoûtats, les puces et les punaises. En outre, 40 % des piqûres de moustiques étant effectuées au travers des vêtements, le dispositif de protection est complété par l’utilisation de l’insecticide Insect Ecran à pulvériser sur le tissu. Composé de 4 % de perméthrine, le spray protège contre les moustiques vecteurs de maladies graves mais également contre les guêpes et tous les arthropodes déjà visés par le DEET.
Produit de référence
Inédit, le duo protecteur est lancé en 1993. Logiquement, Éric Lundwall se tourne tout d’abord vers les grossistes pour référencer son innovation. Mais les répartiteurs réclament un plan média pour soutenir le lancement et le médecin n’en a pas. Il frappe donc à une deuxième porte, celle des prescripteurs, qui va ouvrir le champ des possibles. C’est l’Institut Pasteur de Lyon qui assoie en tout premier lieu la notoriété de la marque. Les prescriptions qui émanent du célèbre établissement font rapidement des émules dans les services de parasitologie, les consultations des généralistes et les centres de vaccination internationale du territoire. Parallèlement, les ordonnances gagnent les pharmacies où le nom d’Insect Ecran est de plus en plus cité. Si l’efficacité de la formule cutanée convainc rapidement son public de voyageurs, il faut un peu plus de temps pour que l’insecticide consacré aux vêtements ne s’impose. Quand l’intérêt de la double protection ne laisse plus place au doute, le spray « tissu » est, en revanche, rapidement imité par la concurrence.
Entre-temps, Éric Lundwall investit une voie stratégique dans le commerce de la protection contre les insectes : le marché militaire… Simplement en répondant à un appel d’offres. Pendant des années, la notoriété du double protecteur ne fera que croître et embellir, devenant la référence des produits de protection personnelle antivectorielle pour le voyageur. Dans cette logique, la courte gamme s’étoffe, accueillant différentes présentations de son insecticide pour vêtements qui se décline désormais en spray, en trempage pour voyageurs et en une forme spéciale tiques et aoûtats. Une nouvelle référence formulée à base d’icaridine (25 %), un actif très efficace contre le moustique anophèle, vient compléter l’offre Insect Ecran.
Technique, à l’origine prescrite, la marque manque cependant de résonance auprès du grand public. Elle doit se faire plus présente à l’officine. C’est le constat que fait son créateur alors qu’Insect Ecran occupe près de 10 % du marché et figure tout de même parmi les trois produits leaders. Dans un contexte de vente stable qui assure au marché global quelque 2,5 millions d’unités vendues chaque année, la marque peut encore progresser. D’autant que la demande est conséquente, deux millions de voyageurs en France sans compter les besoins de protection au niveau local. Mais, pour se développer encore, il faut en avoir les moyens, soit une force de vente conséquente, une solide implantation en pharmacie ainsi qu’une stratégie marketing bien pensée. Autant d’atouts que possède le laboratoire Cooper.
À la conquête du grand public
Quand Éric Lundwall propose à ce poids lourd de l’industrie pharmaceutique de lui confier la distribution de sa marque, la structure réagit au quart de tour. Cooper, dont le positionnement est de proposer des formules sérieuses et permettre un conseil pharmacien valorisant, reconnaît tout de suite le potentiel d’Insect Ecran. En 2005, le laboratoire rachète la gamme, ce qui a pour effet d’accélérer son développement : les flacons de répulsifs pour la peau gagnent en capacité - passage de 50 ml à 75 ml ou 100 ml - afin de répondre aux besoins sur de plus longues durées. Puis, en 2011, c’est une référence familiale, Insect Ecran Famille, dosée à 25 % de DEET qui est lancée dans la perspective d’une utilisation de la formule élargie aux nourrissons, enfants et femmes enceintes. Elle se destine à accompagner les activités de la vie courante sous deux formats, classique et familial (200 ml). Étoffée dans son offre, la marque va répercuter le phénomène d’amplitude impulsé par Cooper dans une autre de ses dimensions, la communication. Caractérisé jusqu’ici par l’habillage - bonhomme-vêtement jaune crachant un éclair rouge - que le célèbre affichiste (Raymond) Savignac lui avait offert, le visuel de la marque va adopter une forme plus minimaliste mais très évocatrice afin d’optimiser son impact en vitrine et moderniser son image.
Dès lors, sa présence se fait massive au point de vente afin de toucher la cible du grand public. La nouvelle politique - large mise en avant et articulation en six références (Zones Infestées, Spécial Tropiques, Famille, Vêtements Spray, Vêtements Trempage, Vêtements Tiques & Aoûtats) - qui gouverne le devenir de la gamme ne va pas tarder à porter ses fruits.
Avec des parts de marché atteignant 42 % en cumul mobile annuel à juillet 2014, Insect Ecran occupe la place de leader sur son marché. Sa progression cette année n’a d’égale que celle constatée en 2013, elle-même épousant la trajectoire ascensionnelle imposée par la marque dès 2006. Les chances pour qu’elle s’infléchisse sont faibles si elle reste fidèle à sa vocation : apporter à tous les profils de consommateurs des produits de protection sûrs et efficaces à 100 % quel que soit leur contexte d’utilisation, pour le confort quotidien ou la sécurité exigée dans les zones à risque épidémique. Ses orientations pour l’avenir devraient contribuer à sa mission puisque la marque, qui a fait le choix du meilleur en termes d’actifs et de concentrations, projette de poursuivre l’amélioration de ses formules médicales afin d’encourager encore le recours aux produits de protection. La technologie en ligne de mire, il y a fort à parier qu’elle tiendra son cap.
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