CATHARANTHUS roseus : une Apocynacée que les plus anciens pharmaciens connaissent mieux sous le nom de Vinca rosea. Cette belle exotique, originaire de Madagascar, est commune dans de nombreux pays tropicaux où elle est cultivée sous des appellations diverses : rose amère, guillemette, etc. « Classique » des médecines populaires créole, indienne et chinoise, elle traite, entre autres, la dysenterie, les maux dentaires et les troubles menstruels.
C’est dans ce contexte qu’une patiente revenant de la Jamaïque remit en 1952 à Edward C. Noble (1900-1978), un endocrinologue canadien connu pour avoir participé à la découverte de l’insuline, une vingtaine de feuilles sèches de la fameuse pervenche, en lui expliquant que la population autochtone les utilisait en infusion pour traiter le diabète, sur les conseils notamment d’un médecin local issu de l’université McGill, C. D. Johnston. Il en allait de même d’ailleurs en Afrique du sud, en Inde, en Australie, aux Philippines. Ce « thé » était même commercialisé en Angleterre sous le nom de « Vinculin » ! Intrigué, Noble décida de tester la plante et l’envoya à James B. Collip (1892-1965), chimiste célèbre pour avoir isolé l’insuline, avec qui travaillait un certain Robert L. Noble (1910-1990)… l’un des frères cadets d’Edward. Robert montra que la plante ne modifiait en rien la glycémie des rats, mais remarqua que les rongeurs traités par voie parentérale succombaient rapidement à des infections, contrairement à ceux traités par voie orale. L’analyse du sang des animaux morts montra qu’ils présentaient une aplasie médullaire expliquant les infections fatales. Cette observation, lui rappelant l’action des premiers médicaments antileucémiques existants à cette époque, l’invita à poursuivre ses recherches…
Un anticancéreux végétal.
Robert Noble et un chimiste d’origine anglaise, Charles T. Beer (1915-2010), post-doctorant dans l’Ontario, isolèrent de la pervenche (qu’ils cultivaient alors sous serre au Canada, les quantités envoyées régulièrement par Johnston restant insuffisantes) un alcaloïde : la vinblastine (abréviation de « vincaleucoblastine »). Nous étions en 1958.
Cette même année, le docteur Gordon H. Svoboda, chercheur au laboratoire américain Eli-Lilly en quête d’un substitut oral à l’insuline, les informa, lors d’un congrès à New-York, qu’il avait fait les mêmes observations : l’alcaloïde, qu’il appelait « leurosine », s’était révélé, dès 1957, être actif sur la souris leucémique. Les deux équipes collaborèrent et le produit fut commercialisé en mars 1961 (Velbé) dans le traitement du cancer bronchopulmonaire (il est depuis utilisé contre d’autres types de tumeurs). La pervenche jusqu’alors cultivée en Inde et à Madagascar le fut également aux États-Unis (Texas) pour satisfaire des besoins considérables : il fallait traiter quelque 15 tonnes de feuilles pour obtenir une trentaine de grammes du précieux alcaloïde…
Svoboda isola en 1961 la leurocristine (devenue vincristine), un alcaloïde proche de la vinblastine mais aux propriétés différentes, désormais indiqué dans le traitement de divers types de leucémies, de lymphomes et de tumeurs solides (Oncovin).
Les alcaloïdes naturels isolés par la suite de la pervenche (ses feuilles en contiennent près d’une centaine !) se révélant décevants, l’industrie s’est depuis tourné vers la production de dérivés hémi-synthétiques, tels la vindésine (Eldisine), la vinorelbine (Navelbine, injectable et orale) ou la vinflunine (Javlor) largement utilisés en oncologie.
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin