UNE LÉGENDE grecque conte comment Melampus, un berger doté de pouvoirs divinatoires, traita l’infertilité d’Iphiclos - un roi de Thessalie -, en lui faisant boire de l’eau où avait bouilli un couteau : il est probable, au-delà du mythe, que le fer constitua l’un des premiers dérivés minéraux administrés en thérapeutique et ce d’autant plus que l’oxyde ferrique abonde dans la nature sous forme d’hématite ou… de rouille. De fait, des préparations à base de cet oxyde furent mises à profit dès l’Antiquité dans des indications étonnantes : ainsi, le papyrus Ebers voulait qu’on l’appliquât, mélangé à de la cire, pour traiter les affections ophtalmiques. Hippocrate proposait d’appliquer une arme en fer sur les plaies, probablement parce que les meilleures thérapies semblaient passer par ce qui avait occasionné le mal.
Le médecin espagnol Nicolas Monardes (1493-1599) utilisait quant à lui le fer pour traiter la dysenterie et les règles douloureuses. Lazare Rivière (1589-1655), un médecin de Louis XIII connu comme créateur de la « Potion de Rivière » antiémétique, publia en 1640 une Praxis Medica où il conseillait le recours à du fer dissout dans un vin acide pour contrer la chlorose ou morbus virgineus, une maladie des jeunes filles attribuée à des troubles psychiques, connue comme « maladie verte » en Angleterre, et décrite dès le XVIe siècle - en fait une anémie hypochrome liée notamment à diverses formes de malnutrition -.
En 1681, l’Anglais Thomas Sydenham (1624-1689) traitait ce qu’il tenait comme une maladie nerveuse causée par la « faiblesse des esprits animaux » par des pilules à base de fer accompagnées… de vin d’armoise. À la même époque, l’apothicaire parisien Pierre Pomet (1658-1699) recommandait le « crocus martis », qui n’est autre qu’un oxyde ferrique hydraté.
Référence à Mars.
Le regard porté sur la chlorose évolua à partir des années 1830 lorsque l’on suspecta le rôle d’un déficit en fer dans le sang. En 1845, Auguste Saint-Arroman préconisait ainsi un « chocolat médicinal » contenant de la limaille de fer pour soigner la fameuse chlorose. Si l’utilisation de tels composés resta controversée jusqu’à vers 1860-1870, la plupart des médecins n’en prescrivaient pas moins déjà des « préparations martiales » (depuis la fin du XVIIe siècle, le terme de « martial » signifiait qui contient du fer ou à rapport au fer par référence au latin martialis, qui concerne Mars, dieu de la guerre, et la planète d’une couleur rougeâtre comme l’oxyde ferrique).
Les pilules ferrugineuses du docteur Jean-Pierre Blaud (1773-1859) constituèrent la première formulation intégrant non plus un oxyde mais du sulfate ferreux qu’il est aisé d’obtenir par action de l’acide sulfurique sur du fer : commercialisées en 1852 et présentées comme guérissant la maladie en dix à trente jours, elles s’imposèrent comme un traitement véritablement rationnel de l’anémie ferriprive. Elles furent suivies par d’innombrables autres formulations dont les célèbres « Pink Pilules for Pale People » (PPPP) de William Frederick Jackson, médecin à Brockville, dans l’Ontario, brevetées en 1886. Popularisées à la fin du XIXe siècle, elles furent distribuées en France à partir de 1893 sous le même nom de PPPP (« Pilules Pink pour Personnes Pâles »).
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