La saga des marques

Chondrosulf, l'art de la formule

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Publié le 15/10/2018
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Chondrosulf a su relever le défi du déremboursement en transformant sa politique de communication. Malgré les aléas du marché, celui dont le nom s'inspire directement de sa formule a généré, durant un temps, la moitié des ventes de son fabricant. Médicament phare des Laboratoires Genevrier, Chondrosulf a conservé, par ses propriétés et sa galénique innovante, une place de choix aux yeux des patients.
saga Chondrosulf

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Crédit photo : dr

télé

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En 1993, au lancement de Chondrosulf, les Laboratoires Genevrier existent déjà depuis six ans. Spécialisée en rhumatologie, l'entreprise a entamé son combat contre l'arthrose avec le gel Flector, présenté un an plus tôt. Indiquée dans le traitement des tendinites des membres supérieurs et inférieurs, mais aussi des œdèmes postopératoires et post-traumatiques, la formule topique Flector Tissugel fait, quant à elle, ses preuves dans le traitement symptomatique de la gonarthrose. Ces spécialités ne relèvent cependant pas du champ des anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente (AASAL), famille thérapeutique à laquelle appartient Chondrosulf. Développé à l'origine par l'entreprise de production IBSA, partenaire de Genevrier, l'anti-arthrosique doit son AMM à un solide dossier d'études cliniques. Une bonne nouvelle pour tous les acteurs impliqués dans la problématique de l'arthrose.

Maladie très fréquente, classée au premier rang des pathologies articulaires dans le monde, l'arthrose se caractérise par une usure puis une destruction chronique et prématurée du cartilage. Indispensables aux mouvements des articulations, ces tissus « éponge » qui absorbent et amortissent les chocs viennent à se fissurer et s'amoindrir sous les poussées de l'affection. Raideurs et douleurs articulaires deviennent le lot quotidien des personnes touchées qui, dans le même temps, voient leur mobilité et l'amplitude de leurs gestes de plus en plus réduites. Dans ce processus, le vieillissement n'explique pas tout. 1/5e des patients arthrosiques ont moins de quarante ans. En surcharge pondérale, pratiquant un sport intensif qui fragilise les articulations, concernés par des antécédents traumatiques – fracture, luxation – ou ayant des comportements à risque – port de charges lourdes, flexions répétées, position agenouillée ou accroupie, montée des escaliers - ces profils offrent une large prise au terrain arthrosique.

Ce sont à eux, et plus généralement aux 17 % de Français touchés par une des manifestations de l'arthrose, que se destine Chondrosulf. Pour ce faire, la formule dispose d'atouts qui la distinguent : la particularité de son principe actif, la chondroïtine sulfate ACS4-ACS6, ses procédés d'extraction et de purification, lui offrent une efficacité unique.

Composition spécifique

D'origine animale, la chondroïtine sulfate est un composant majeur de la matrice extra-cellulaire des cartilages articulaires. Elle lui confère ses propriétés élastiques et mécaniques. Mais elle agirait également sur les processus associés à la dégénérescence du cartilage. Ainsi, elle stimulerait la synthèse des protéoglycannes dont la quantité diminue en cas de dégénérescence, elle inhiberait l'élastase et la cathepsine, réduirait la production de certains facteurs pro-inflammatoires et modérerait celle des enzymes protéolytiques. En conséquence, la balance anabolique/catabolique des composants de la matrice extra-cellulaire s'en trouverait améliorée, permettant de maintenir et préserver le cartilage. Il apparaît cependant que la qualité de la chondroïtine sulfate modifie la réponse biologique. Extrait purifié à plus de 98 %, le principe actif de Chondrosulf présente une proportion spécifique de composés mono sulfatés qui lui confère des propriétés biochimiques et une efficacité particulières.

Quand le médicament est lancé sur le marché, c'est donc en tant que traitement de la douleur et de la gêne fonctionnelle au cours de l'arthrose de la hanche et du genou. Alors remboursé à 65 %, il se présente sous la forme de gélules et de sachets dosés à 400 mg de chondroïtine sulfate ACS4-ACS6, administrables en trois prises quotidiennes. Sa puissance d'action et sa bonne tolérance font rapidement son succès. Reconnu par les patients pour ses performances, prescrit par les rhumatologues et les médecins généralistes, Chondrosulf ne tarde pas à gagner les premières places au palmarès des ventes d'AASAL. Une suprématie que viendra conforter un programme international de recherche en chondroprotection mené de 1994 à 2005. Composé de quatre études concernant des populations atteintes d'arthrose du genou et des doigts, le projet scientifique vise à mesurer la progression de la maladie en se basant sur les modifications anatomiques visibles sur clichés radiographiques. Ses conclusions qui montrent une limitation de l'évolution de l'arthrose vers des formes érosives vont confirmer les capacités thérapeutiques de Chondrosulf. La formule est reconnue par les instances scientifiques au niveau international. Une consécration dont le médicament va bénéficier jusqu'au début 2015, période à laquelle le déremboursement de la classe des anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente entre en vigueur. Pour tous les médicaments du marché, c'est une période difficile qui s'amorce. Outre le fait qu'elle désavantage les formules avec AMM, la décision des pouvoirs publics bénéficie à une autre catégorie de produits de santé axés sur la problématique articulaire, celle des compléments alimentaires. Dans ce contexte, Chondrosulf doit réaffirmer son identité. Une stratégie indispensable si la formule veut rester en tête des ventes.

Changement de stratégie

Les équipes des Laboratoires Genevrier imaginent alors de faire évoluer la communication de la marque. Jusqu'alors centrée sur les rhumatologues et les généralistes, celle-ci va désormais s'adresser directement au grand public. Mais pas de n'importe quelle façon. Le média retenu pour mettre en avant le médicament est la télévision. Et le ton qu'adopte le spot publicitaire pour toucher le public est tout sauf hasardeux. Original et même drôle, il est remarquablement transmis par un acteur, seul à l'image et sans aucun décor. Cet homme, d'apparence très sérieuse, va s'avérer incapable de prononcer correctement le mot Chondrosulf. Après plusieurs essais durant lesquels il écorche de différentes façons le nom du médicament, il finit par se taire tandis qu'une voix off énonce distinctement, et cette fois correctement, la marque. La publicité a tout de suite un grand impact sur les téléspectateurs qui vont jusqu'à contacter le laboratoire pour le féliciter d'avoir su développer autant d'humour pour un produit de santé. Sur Internet, les recherches à partir du nom du médicament se multiplient. En parallèle, Genevrier modernise le packaging du médicament, faisant apparaître le nom de la marque et le mot « arthrose » en gros caractères sur la boîte. Dans cette opération de communication, les professionnels de santé ne sont pas oubliés : les pharmaciens se voient consacrer des formations centrées sur les cas de comptoirs et des carnets de suivi sont remis à la clientèle. Privilégiée dès ses débuts par la marque, la visite médicale aux spécialistes et généralistes, quant à elle, se poursuit en soulignant la spécificité du principe actif de Chondrosulf.

Soutenue, médiatisée, expliquée à ses différents publics, la marque regagne les premières places du marché. Mais là ne s'arrêtent pas ses efforts puisqu'elle va créer l'événement en présentant une forme jusqu'alors inédite dans sa catégorie. En avril 2018, Genevrier lance la première formule à base de chondroïtine sous forme de stick à boire. La dosette, qui renferme un gel liquide sans sucre parfumé à la vanille et au caramel, a été étudiée pour faciliter la prise et s'adresse à un public nomade ainsi qu'à toute personne ayant du mal à avaler. L'élan novateur se traduit aussi dans la composition puisque le stick abrite 1 200 mg de principe actif, réduisant le traitement à une seule prise par jour. Une nouvelle fois, le lancement est accompagné d'une campagne de publicité télévisée. Conçu comme une suite du spot initial, le nouveau film remet en scène l'acteur des débuts qui reprend son discours pour présenter le stick Chondrosulf. Cette fois, aucune faute de prononciation dans le nom de la marque n'est à déplorer, mais on s'aperçoit à la fin de la séquence que le pack du médicament est tenu à l'envers ! L'humour, à n'en pas douter, devrait emporter une fois de plus l'adhésion du public pour faire du conditionnement inédit une référence phare de la marque Chondrosulf.

Anne-Sophie Pichard

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3465