Les officines prises dans la nasse des comptes sociaux

L’exercice libéral de la pharmacie en danger

Publié le 31/10/2011
Article réservé aux abonnés
Les comptes des officines françaises ne sont pas bons et vont se détériorer encore en 2012, en raison de l’aggravation des mesures prises par les pouvoirs publics pour réduire le déficit de l’assurance-maladie. Le contexte économique est tel qu’il s’agit même, aujourd’hui, de sauvegarder l’exercice libéral de la pharmacie française. C’est le constat inquiétant dressé par Philippe Besset, président de la commission économie de l’officine à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), lors de la douzième Journée de l’économie de l’officine organisée par « le Quotidien ».

LE TEXTE du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 l’indique clairement : le gouvernement veut assurer l’an prochain une stricte maîtrise des dépenses sociales en faisant porter les efforts, notamment, sur le médicament. Celui-ci va donc une nouvelle fois être mis à contribution pour assurer l’essentiel des économies espérées. Mais, bien entendu, de l’industrie pharmaceutique à la pharmacie d’officine, c’est toute la chaîne du médicament qui sera concernée.

Concrètement, le PLFSS pour 2012 veut limiter le déficit du régime général à 13,9 milliards d’euros. Il fixe un objectif d’évolution de l’ONDAM* de 2,8 %, représentant une économie de 2,2 milliards d’euros par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses. Pour le médicament lui-même, l’objectif de dépenses prévu est de + 2,91 %. « Ces objectifs et les mesures qui y sont associées vont avoir un fort impact sur l’économie des pharmacies d’officine », prévient Philippe Besset.

Or, ces mesures vont être décidées à un moment où, comme le montrent les chiffres présentés par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) avec le concours de Pharmastat et IMS, l’activité des officines est, pour la première fois, globalement en baisse. Le chiffre d’affaires a en effet reculé de 0,3 % en 2010, pour s’établir, toutes officines confondues, à 33 902 millions d’euros en 2010 (soit donc un peu moins de 34 milliards d’euros). En outre, l’évolution est toujours négative depuis le mois de janvier 2011, puisque l’activité des officines diminue à cette date de 0,1 %. « Nous allons devoir apprendre à vivre avec une économie en décroissance », constate Philippe Besset en commentant ces chiffres.

Le coût de la dispensation reste faible.

Au regard du PLFSS 2012, on voit bien que les officines seront directement touchées par les mesures sur le médicament : les spécialités remboursables restent encore l’activité principale des officines, avec 80 % du chiffre d’affaires total, même si l’activité sur ce marché n’a progressé que de 0,2 % en 2010. Pour le reste de l’activité des pharmacies, les chiffres de la FSPF montrent que la médication familiale régresse (-4,5 % en 2010), tandis que les officines sont en perte de vitesse sur les dispositifs médicaux et que la parapharmacie recule (- 2,3 % en 2010). Dans ce dernier cas, c’est la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs qui en est la cause principale.

Si l’on examine la structure globale du chiffre d’affaires, on constate donc que les 80 % du médicament remboursable sont complétés à hauteur de 7 % par le médicament non remboursable, à hauteur de 6 % par les dispositifs médicaux et à hauteur de 7 %, enfin, par la parapharmacie. Cette structure de chiffre d’affaires, il faut le noter, varie peu au fil des ans, le médicament remboursable restant le « socle » de l’activité des pharmaciens.

Quant à la marge totale des officines sur les spécialités remboursables, elle s’est élevée à 5,65 milliards d’euros en 2010. Or, l’évolution de cette marge n’a progressé que de 0,33 % en 2010, et a même diminué de 0,05 % entre janvier et août 2011. En outre, ce montant de 5,65 milliards d’euros peut être relativisé si on le compare avec les autres chiffres de l’assurance-maladie concernant le médicament en 2010 : 18,6 milliards d’euros de total de dépenses de médicaments remboursés, un chiffre d’affaires hors taxes de l’industrie de 19,42 milliards d’euros, un ONDAM réel de 162,4 milliards d’euros… En d’autres termes, le coût de la dispensation du médicament par les officines reste faible en égard des montants en jeu dans ce secteur de la santé. Et pourtant, comme le fait remarquer Philippe Besset, « dans l’ONDAM 2012, les difficultés des officines seront accrues par rapport à celles des autres professions de santé. »

Un mois de CA perdu.

Les perspectives de rationnement du poste médicament de l’assurance-maladie dans le PLFSS 2012 arrivent donc à un très mauvais moment pour les pharmacies d’officine, dont le ralentissement de l’activité et l’endettement croissant (plus de 10 millions d’euros actuellement pour l’ensemble des officines) érodent la marge et fragilisent les résultats. « Entre 2005 et 2010, les officines ont perdu plus d’un mois en équivalent de chiffre d’affaires », souligne Philippe Besset. Si l’on prend en compte les mesures annoncées pour 2012, le président de la commission économique de la FSPF estime même que « l’installation en officine n’est plus intéressante aujourd’hui sur le plan économique ».

Pour s’en sortir, les pharmacies françaises doivent absolument améliorer leur rentabilité et retrouver de la croissance. « Mais, hélas, le PLFSS 2012 va conduire à une baisse de marge supplémentaire de 150 millions d’euros pour l’ensemble des pharmaciens. Il faut donc changer de modèle économique, sans quoi les officines iront dans le mur en 2012 et nous verrons peut-être la fin de l’exercice libéral pharmaceutique », conclut Philippe Besset.

Pour ces raisons, le temps est sans aucun doute venu de modifier la rémunération du pharmacien en déconnectant une partie de son revenu du prix et du volume des médicaments remboursables vendus…

* Objectif national de dépenses d’assurance-maladie.

››› En illustration de cet article :

- tableau de la page 8 (en ne retenant que les lignes en bleu et en supprimant les autres)

- tableau de la page 10

- camembert de la page 19

FRANÇOIS SABARLY

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2871