Le digital au service de l’interprofessionnalité demande à ce que les différents outils utilisés par les différents professionnels de santé puissent communiquer a minima.
Un enjeu technique, certes, on fait face à des systèmes informatiques très différents d’une profession à l’autre, mais surtout stratégique, il faut que les acteurs concernés acceptent l’interopérabilité entre leurs outils. Pas facile, dès lors qu’il s’agit d’accéder aux données de santé des patients puisque l’interprofessionnalité se définit d’abord par la possibilité d’échanger des messages, mais aussi des données et des documents (radiologie, examens biologiques etc…). On pourrait imaginer une sorte de socle commun, comme le souhaitent du reste les autorités publiques, mais celui-ci ne parvient pas à voir le jour. Dans ce contexte, les outils électroniques au bénéfice de l’interprofessionnalité ont tendance à se développer par silos, les acteurs locaux s’organisant pour développer un environnement digital facilitant les parcours de soins des patients. Ce qui au fond correspond exactement à l’exigence de territorialité émise par les autorités publiques et aux besoins des patients qui n’ont pas forcément besoin de compétences médicales autres que celles qu’il y a dans leur territoire.
Les messageries
La première brique que l’on attend de l’interprofessionnalité est de pouvoir échanger aisément et en toute sécurité. Un certain nombre de professionnels de santé utilisent les outils les plus communs, mails, Whatsapp etc… Mais ces outils ne sont pas suffisamment sécurisés. Pour échanger facilement et de façon sécurisée, il existe deux normes compatibles entre elles, la norme Mssanté portée par l’ANS, (l’Agence du Numérique en Santé) et Apicrypt, développée par l’association Apicem (lire également page 12). La première revendique quelque 64 % des professionnels de santé libéraux parmi ses utilisateurs dont 16 000 pharmaciens, la seconde plus de 92 000 professionnels de santé. De nombreux acteurs travaillant sur l’interprofessionnalité font en sorte de rendre compatibles leurs outils avec l’une ou l’autre de ces normes. Certains empruntent d’autres voies, ainsi en est-il de Pharmagest avec sa nouvelle application de messagerie instantanée, Pandalab Pro, sorte de Whatsapp sécurisé, hébergée en HDS, dédiée au monde de la santé. Une communication immédiate, informelle et asynchrone selon l’éditeur permettant de communiquer sur des sujets très variés au sein d'une même équipe ou dans un groupe (groupement, équipe de soins, maison de santé, Ehpad…) et capable d’envoyer des documents en pièces jointes. D’autres messageries instantanées existent sur le marché, telle Maincare.
Les plateformes numériques de santé
Les outils les plus en pointe pour faciliter l’interprofessionnalité sont les plateformes développées par différents acteurs publics et privés pour organiser de la meilleure façon possible le parcours de soins des patients. Il faut pouvoir assurer les flux entre d’une part l’hôpital et d’autre part la médecine de ville, et au sein même de cette dernière, entre les maillons essentiels de ces soins, médecins, pharmaciens et infirmières. L’exemple typique de l’usage de telles plateformes est la sortie d’un patient de l’hôpital, médecin, pharmacien et infirmière devant être avertis de tout ce qu’il lui faudra, médicaments, soins, éventuellement MAD etc… Ces plateformes se développent localement, autour d’un hôpital ou d’un groupe d’hôpitaux. Bien souvent, le sujet de l’interopérabilité oblige les acteurs à assurer la compatibilité d’une plateforme avec un logiciel donné, par exemple DV Santé a conclu pour sa plateforme Monali un accord avec l’un des principaux éditeurs de logiciels hospitaliers, Dedalus. C’est certes limitant, mais dans la mesure où l’interprofessionnalité se développe autour du patient avec des acteurs locaux, ça ne pose pas de réel problème. D’autres acteurs comme Oxypharm, la filiale MAD du groupe Astera, développe des partenariats autour des outils conçus par des ARS, notamment en Auvergne Rhone-Alpes, Aquitaine et Grand Est. Lesquels travaillent parfois aussi avec des plateformes privées. Beaucoup de ces acteurs ont l’objectif de faire en sorte que leurs outils soient adaptés à la demande des CPTS, structure incarnant plus que toute autre la territorialité des soins.
Le DMP et le DP
Le DMP (dossier médical partagé), est dans l’intention des autorités publiques un des services socles qui devrait permettre à l’interprofessionnalité d’exister au plan numérique. Sur le papier, c’est un outil idéal à partir duquel les professionnels de santé peuvent travailler sur le parcours de soins d’un patient, un carnet de santé numérique partagé où l’on retrouve son historique de traitements, d’examens etc… Mais malgré ses 14 ans d’existence le DMP peine à s’imposer. Trop peu ergonomique, trop passif, il recueille des infos mais ne propose rien d’autre, son avenir reste toujours en suspens. Pourtant, de nombreux prestataires développent la compatibilité avec le DMP, car peut-être parviendra-t-il à s’intégrer dans des plateformes interprofessionnelles. Il faudrait cependant qu’il évolue, susurrent certains… A contrario, le DP, dossier pharmaceutique, fonctionne bien, mais il est trop « pharmaco-pharmacien » pour représenter un outil favorisant l’interprofessionnalité, estiment certains prestataires. Voire… Le DP est accessible à tous les médecins exerçant dans les établissements hospitaliers et pourrait bien apporter sa contribution au parcours de soins numérique des patients.
La télésurveillance
Tous les outils, logiciels, cabines, dispositifs médicaux connectés, qui permettent la téléconsultation pourront à terme représenter eux aussi des moyens d’assurer une certaine forme d’interprofessionnalité. Mais en l’état, ce n’est pas encore le cas puisqu’après tout, la relation de téléconsultation est entre le médecin et son patient, et si parfois le pharmacien est présent, il est là en tant qu’aidant. Mais ces mêmes outils permettront de réaliser plus tard de la télésurveillance et des télésoins, dès lors que les autorités publiques auront défini le cadre réglementaire pour. Si l’on reste dans la relation exclusive pharmacien-patient, alors, idem que pour la téléconsultation, ce n’est pas de l’interprofessionnalité. Mais s’il doit transmettre des relevés de mesures à un médecin, cela le devient. La limite entre les deux peut être vite franchie. De même, la e-prescription est un réel point d’entrée pour l’interprofessionnalité (voir l’article page XX), certains prestataires estimant qu’elle peut être d’ailleurs le point de départ d’un certain nombre de services numériques qui peuvent avoir de fait, un caractère interprofessionnel.
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