Le Quotidien du pharmacien.- De quelle façon le développement des nouvelles technologies a-t-il modifié le comportement des patients vis-à-vis de leur maladie ? Et de leurs soignants ?
L'impact du digital sur les comportements du patient est une question qui nous intéresse tout particulièrement. Lorsque nous observons ce qui se passe ailleurs dans le monde, et notamment aux États-Unis, nous constatons que le patient devient de plus en plus un consommateur de santé, voire de bien-être. Cette tendance, sans doute un peu liée au développement du digital, est une tendance semble-t-il assez forte. Le patient s'attache de plus en plus à se soigner, mais aussi à éviter d'être malade. Cette évolution a d'ailleurs un impact très fort pour le pharmacien, acteur de santé dont le métier est aussi la prévention.
L'autre évolution qui impacte considérablement les relations entre patients et pharmaciens, est le fait que tout le monde aujourd'hui détient un équipement connecté. Près de 95 % des Français sont équipés d'un téléphone mobile et 77 % d'un smartphone, ce qui signifie qu'il existe une autre façon de communiquer autour de la maladie et de la santé en général. D'autant que la crise du Covid a probablement amplifié et accéléré ces usages. Les échanges entre la personne malade et le pharmacien se font désormais plus souvent au travers de ces outils que nous avons tous entre les mains. La relation au savoir médical a également changé, puisque les patients vont chercher eux-mêmes l'information en ligne, avec les risques de mésinformation que nous connaissons. Dans ce contexte, il devient de plus en plus difficile de cadrer une information scientifique validée dans un flot d'informations qui viennent de toutes parts.
Comment éviter que l’interface technologique (Appli, dispositif connecté, info online…) vienne perturber le lien subtil pharmacien/patient ?
Une étude Harris-Interactive publiée en 2008 a montré que 95 % Français accordent leur confiance à leur pharmacien. C'est une chance extraordinaire lorsqu'il s'agit pour les patients d'accéder à la bonne information médicale validée scientifiquement. Ils savent qu'ils peuvent compter sur leur pharmacien, et c'est plutôt rassurant. Les officinaux ont donc un rôle important à jouer comme garde-fous de l'information véhiculée par les réseaux sociaux et autres médias en ligne. Sans compter que les sites internet des pharmacies peuvent être un autre outil de partage d'informations de qualité. Les pharmaciens ne peuvent pas empêcher leurs clients de consulter Internet, mais ils peuvent au moins leur fournir l'information adéquate.
Au niveau même de l'innovation Sanofi, comment assurez-vous la fiabilité des informations médicales diffusées ?
L'ensemble de nos contenus digitaux sont naturellement validés dans le respect de la loi et de la réglementation. Nos équipes travaillent avec des experts scientifiques pour assurer une haute qualité garante de la régularité des informations et des communications proposées par Sanofi.
Quels sont les principaux obstacles que vous rencontrez lors du développement d'outils technologiques tournés vers la santé ?
Ce n'est pas véritablement un obstacle, mais plutôt un prérequis : il faut avant tout que ce développement réponde à un vrai besoin du patient et/ou du professionnel de santé. Et contrairement aux apparences, cela n'est pas si simple. Puis il convient de développer une solution qui va répondre à ce besoin tout en satisfaisant aux exigences technologiques et réglementaires. Le traitement de la data est une autre préoccupation. Ce n'est pas un souci, mais il y a des règles à respecter. Dès qu'il y a des échanges et des interactions, le sujet de la data se pose rapidement.
Y a-t-il des développements que vous vous interdisez ?
Oui. Notamment bien sûr, en termes de communication médicale. Il nous est par exemple interdit de communiquer sur nos médicaments, en dehors du cadre très strict des RCP. Quant à développer certains outils, tels que les aides au diagnostic, il faut d'abord se demander à qui elles s'adressent. Chez Sanofi, nous y réfléchissons pour remédier à l'errance diagnostique souvent longue chez les patients atteints de maladies rares. Les retards diagnostiques sont d'autant plus dommageables qu'il existe parfois des traitements. Disposer d'un outil qui permettrait d'accélérer le dépistage de ces maladies et donc d'engager plus tôt les thérapeutiques adaptées, serait un véritable progrès. Ce qui nous importe c'est que ce type d'outil soit dans les mains des professionnels de santé.
À l’horizon 2030, quelles sont les grandes avancées technologiques que l’on peut attendre dans le domaine de l’e santé ?
On parle beaucoup de médecine personnalisée. Et j'ai le sentiment que les outils technologiques en développement pourraient permettre un jour d'accéder à ces soins personnalisés des patients. Prendre en charge les personnes de façon beaucoup plus holistique est un objectif que l'on pourrait aussi atteindre, notamment grâce aux innovations technologiques. Enfin, il y a également la question du partage de l'information. Chez Sanofi, nous aimerions donner la possibilité aux patients, comme aux soignants, de faire le tri entre les fake news et les données validées de la science.
La question sensible du traitement et de la confidentialité des données de santé - qui sont pourtant au cœur de l’e santé -, est-elle selon vous résolue ?
Il faut d'abord bien considérer la balance qui existe entre les atouts formidables que représentent ces données de santé couplées à des algorithmes. Elles seront demain pour les professionnels de santé une aide à la décision, et permettront de mieux prévenir, traiter et accompagner les maladies. En même temps, nous sommes conscients des risques associés à la circulation de ces flux de données. Chez Sanofi, nous sommes très soucieux de respecter le RGPD et le cadre imposé par la CNIL. Ces règles sont pour nous garantes du maintien de l'équilibre entre les risques et les avantages indéniables que représente l'analyse de ces données en termes de santé. Voilà pourquoi nous sommes très attachés au travail de dépersonnalisation des données, et en même temps, dès lors qu'elles répondent à ces exigences, nous avons à cœur de partager cette data, par exemple celles issues d'essais cliniques, avec des experts et autres sociétés savantes, pour participer à ce progrès. Le maniement de ces données nous oblige à une extrême vigilance, nous n'avons pas le droit à l'erreur, et ce, au-delà même de la loi. Les considérations éthiques nous préoccupent également. Ainsi, l'année dernière, à l'initiative de Sanofi, nous avons présidé un Conseil consultatif d'éthique en santé digitale pour nous interroger sur ces questions.
Selon vous, est-ce que l'intelligence artificielle pourra menacer un jour le métier même de pharmacien ?
Je pense que le digital va transformer le métier de pharmacien. Mais on ne se passera jamais de l'humain. Je crois que les deux composantes du métier, la décision scientifique et l'aspect humain de la relation médicale, se renforceront mutuellement. Dans cette évolution, il faudra faire en sorte que le temps libéré par le digital soit utilisé pour l'échange.
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