La vente en ligne a-t-elle profité de cet impressionnant coup de projecteur apporté par l’épidémie de Covid-19 sur le digital ?
Pas moins que le reste de l’offre digitale semble-t-il, d’autant que l’ensemble des Français confinés a eu recours à la vente en ligne et les livraisons à domicile pour de nombreux aspects de leur vie quotidienne. Mais s’agissait-il dans le cas des produits vendus en pharmacie de vente en ligne pure et dure, ou de son frère quasi jumeau mais sensiblement différent quand même, le click & collect ?
Si l’on en croit certains prestataires, les deux semblent avoir bénéficié de l’essor de la demande en ligne. Selon Jessica Capuano, Directrice générale de Doctipharma, « le panier moyen a augmenté de 10 % avec 40 000 commandes en parapharmacie, un taux très élevé sur un mois ». On est, là, dans de la vente en ligne stricto sensu. Pour Pharmonweb, un spécialiste du digital qui ne fait pas de vente en ligne et préfère se concentrer sur le click & collect, 20 % de ses sites Internet étaient en click & collect avant l’épidémie, une proportion qui a atteint 30 % deux mois après, selon son président, Olivier Verdure.
Bientôt le click & pay
D’une certaine manière, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre dans l’histoire mouvementée de la vente en ligne en pharmacie. Commencée dans le stress de la concurrence des spécialistes du e-commerce et des grandes plateformes, elle s’est vite heurtée à la réalité du marché, la vente en ligne requérant de grands moyens et une véritable expertise, puis s’est repliée sur un concept plus réaliste et plus intéressant, le web to store, une façon de ramener patients et clients dans l’espace physique de la pharmacie grâce à Internet et dont le click & collect est l’un des piliers. Il y a aussi eu les évolutions agitées de la réglementation sur la vente en ligne de médicaments OTC, très encadrée. Mais aujourd’hui, dans un contexte où beaucoup se rendent compte que ventes physiques et virtuelles peuvent coexister, n’est-on pas arrivé à une forme de vente en ligne de proximité ? Après tout, click & collect et vente en ligne, c’est techniquement la même chose, manquent le paiement en ligne et la livraison pour le premier. Or, avec l’épidémie de Covid-19, nombre de pharmaciens ont associé au moins l’étape de la livraison à leur click & collect. Par ailleurs, ils sont de plus en plus à demander le paiement en ligne révèle Olivier Verdure, avant tout pour sécuriser la commande et éviter que des patients ne commandent sans venir chercher et payer leurs produits. « On est plus dans une notion de click & pay », souligne-t-il. Du click & pay avec de la livraison, c’est de la vente en ligne tout simplement. Sauf que les chemins pour y parvenir sont très différents du point de vue des patients et des clients. « L’internaute qui cherche un produit en ligne regarde avant tout un prix, affirme Olivier Verdure, tandis que le client du click & collect sait déjà plus ou moins ce qu’il veut, le prix importe moins. » Et même si la démarche se conclut par un paiement en ligne, voire une livraison à domicile, l’état d’esprit est complètement différent.
Logique multicanale
Est-ce une illusion d’imaginer pourtant une vente en ligne de proximité ? Pour Olivier Verdure, c’est évident. Basculer dans la vente en ligne quand on a déjà du click & collect est aisé techniquement, mais c’est une décision stratégique que peu de pharmaciens sont prêts à prendre. « On observe même plutôt l’inverse. » Le risque peut-être d’être aspiré par la comparaison des prix qui se fait facilement sur Internet…
Mais d’autres prestataires sont plus nuancés : « la vente en ligne de proximité peut en effet s’inscrire dans une logique multicanale ou omnicanale », affirme Philippe Donadieu, directeur associé de Kozéa, éditeur de l’offre digitale Pharminfo. « Créer du lien n’est pas antinomique avec le digital, et on voit de plus en plus la coexistence d’habitudes physiques et d’autres acquises sur le Web. L’essentiel est de garder le contact avec la patientèle, par le biais de différents process, la réservation d’ordonnance, les cartes de fidélité et bien d’autres… » Parmi lesquels bien sûr le click & collect qui peut devenir subrepticement de la vente en ligne pure, sans être destinée à engranger du chiffre d’affaires supplémentaire comme on l’espérait à ses tout débuts, mais simplement considérée comme un service susceptible de répondre à un besoin.
Adapter prix et catalogues ?
Pourvu cependant que l’on en assure un bon positionnement prix, ce qui même dans le cadre d’une vente en ligne de proximité n’est pas forcément très évident. Pour Jessica Capuano, il est en effet essentiel d’avoir de bons prix, « en tenant compte des frais de livraison, tient-elle à préciser, et sans les casser cependant ».
La nuance entre de bons prix et des prix cassés est-elle claire ? Xavier Mousnier Thomas, cofondateur de Mesoigner.fr conseille simplement d’avoir les mêmes prix sur le Web que dans l’espace physique de la pharmacie. « Le pharmacien ne doit pas dégrader sa position par les prix et notre moteur de recherche amène non le meilleur prix, mais le meilleur référencement », affirme-t-il. La plateforme de vente en ligne de Me soigner.fr à laquelle participent quelque 800 pharmacies est plus une mise en commun de moyens qu’une véritable place de marché selon Xavier Mousnier Thomas. Et son accès se fait d’une seule façon, après avoir tapé le nom du produit recherché, l’internaute est obligé de passer par la localisation si bien que les références qui lui apparaissent se situent à plus ou moins deux ou trois km du lieu qu’il aura indiqué. Quant au référencement, c’est l’autre gros morceau auquel les pharmaciens doivent s’atteler. Quels produits mettre en avant via la vente en ligne ou le click & collect ? Première réponse unanime des prestataires, il faut décharger au mieux le pharmacien de cette tâche qui n’a pas de temps à y consacrer, d’où une automatisation poussée des process proposés.
Au-delà, les avis divergent sur la façon de référencer la base de produits disponibles sur le web. Pour Philippe Donadieu (Kozéa), « il est aberrant de tout mettre en ligne », il est donc nécessaire d’avoir une stratégie que le prestataire construit avec le pharmacien, notamment en analysant ses ventes par le biais d’outils dédiés, et ce de façon régulière. « Certains pharmaciens ont des spécialités qu’il est intéressant de mettre en avant sur Internet », poursuit-il. Pour Olivier Verdure (Pharmonweb), il est difficilement gérable de faire des catalogues dédiés, « les grandes plateformes mettent l’ensemble des produits des pharmacies en ligne, quitte ensuite à retirer ceux qui se révèlent peu rentables ». Doctipharma pour sa part prend en charge la totalité du référencement. « Nous analysons les produits du catalogue par rapport aux prix pratiqués sur le marché deux ou trois mois avant la mise en ligne, nous intégrons au moins un millier de références pour chaque pharmacie, car plus que le prix, c’est le nombre de références qui est important, nous n’allons pas envoyer un produit de quatre ou cinq pharmacies différentes à un client, mais plutôt plusieurs produits d’une seule pharmacie, deux tout au plus », explique Jessica Capuano.
Imbrication croissante
Quant à Mesoigner.fr, tout repose aussi sur l’automatisation des process, mais le pharmacien a la possibilité de personnaliser son offre. Xavier Mousnier Thomas, lui-même titulaire d’une pharmacie, révèle passer quelques minutes de temps en temps, une fois par mois en moyenne, pour changer les produits à mettre en avant. « Quand il y a un groupement derrière, c’est lui qui va se charger de cette tâche », ajoute-t-il. D’une certaine manière, les stratégies de référencement sont facilitées par l’accès aux LGO, rendu plus aisé par l’assouplissement des éditeurs.
Selon Olivier Verdure, le coût de cet accès direct aux stocks des pharmacies via les LGO s’est sensiblement réduit et « devient acceptable pour les pharmaciens ». Il ne s’agit pas du reste que de l’accès aux LGO, indispensable certes, mais aussi aux différentes briques qui constituent et vont constituer l’équipement, et informatique, et digital de l’officine. Les différents prestataires doivent tenir compte de cette imbrication croissante entre les différents services rendus par les pharmaciens à leurs patients et clients. Il n’est pas jusqu’à Doctipharma qui réfléchit au lancement prochain d’une plateforme de services pour les pharmaciens, relative à la santé connectée, en complément de sa place de marché. L’entreprise avait déjà une offre de services mais rachetée par le groupe suisse Zur Rose, elle va adapter l’offre développée par la filiale espagnole aux contraintes réglementaires françaises. Et sur un autre registre, Mesoigner.fr est en phase de test d’un système de communication sur Internet qui implique les laboratoires, lesquels sur une campagne donnée vont renvoyer les clients sur les sites des pharmacies partenaires et mesurer ainsi le taux de transformation d’une campagne Web en achats concrets. Le futur de la vente en ligne semble donc se dessiner sous l’angle des services et des liens avec les autres activités digitales de la pharmacie. Elle devient ainsi plus facile à gérer, notamment dans son aspect logistique, puisqu’il ne s’agit pas de faire forcément de gros volumes et donc ne nécessite pas une organisation trop lourde. D’autant que désormais l’offre de livraison à domicile est plus étoffée, avec parfois la mise en carton proposée par certains prestataires. Et ce, même si pour l’instant, selon Olivier Verdure, la livraison à domicile a encore du mal à se développer hors des grandes villes.
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