Depuis soixante-dix ans, l’allopathie est devenue le modèle thérapeutique majoritaire dans les pays occidentaux. Un modèle qui montre cependant des faiblesses et des limites. C’est le cas en infectiologie où l’on assiste à une augmentation préoccupante des résistances bactériennes aux antibiotiques aboutissant à des impasses thérapeutiques. La lutte contre l’antibiorésistance est devenue un enjeu mondial et s’appuie sur une maîtrise de la consommation de cette classe de médicaments. Une autre piste est de bloquer le mécanisme de résistance bactérienne. Chez les bactéries Gram négatif, par exemple, la recherche s’oriente vers le développement d’inhibiteurs des pompes d’efflux bactériennes. Ces pompes permettent à la bactérie d’éliminer l’antibiotique et, ainsi, de le rendre inefficace. La solution pourrait bien être le géraniol. Cet alcool monoterpénique naturel issu de l’aromathérapie présente une activité inhibitrice sur les pompes d’efflux et permet de majorer l’efficacité de l’antibiotique, notamment celle des bêta-lactamines. « L’exemple du géraniol illustre parfaitement la synergie qui peut exister entre les médicaments de synthèse et les alternatives naturelles », commente le Dr Jean-Michel Morel, médecin phyto-aromathérapeute et président du Syndicat national de la phyto-aromathérapie (SNPA). Pour lui, l’avenir passe par un décloisonnement des différentes thérapeutiques actuellement disponibles : « L’allopathie et la phyto-aromathérapie ne sont pas antagonistes ou concurrentes. Elles sont complémentaires et leur combinaison est source de diversité et de richesse thérapeutiques. L’objectif est de tout mettre en œuvre pour que cette complémentarité soit profitable. »
1. Le concept de « Médecine intégrée », qui permet une collaboration entre la médecine majoritaire et d’autres approches, très souvent synergiques entre elles, nous vient étonnamment du monde anglo-saxon, plus pragmatique que la vieille Europe. C’est d’ailleurs le NIH (National Institutes of Health) aux États-Unis, peu soupçonnable de promouvoir les « médecines douces », qui avait créé le NCCAM (National Center for Complementary and Alternative Medicine), rebaptisé actuellement NCCIH (National Center for Complementary and Integrative Health), département consacré à l’information, à l’évaluation et à l’intégration dans les prises en charge médicales des médecines intégrées.
Pallier les faiblesses en développant la complémentarité
L’association géraniol/bêta-lactamines n’est pas le seul exemple. Des études ont suggéré la synergie d’action entre l’huile essentielle (HE) de Pelargonium graveolens et des antibiotiques indiqués chez les femmes en cas d’infections urinaires (ciprofloxacine). Cette complémentarité permet ainsi d’utiliser la phyto-aromathérapie comme palliatif aux faiblesses de l’allopathie, et vice versa. Les Anglo-Saxons définissent ce concept sous le terme de « médecine intégrative » (1), c’est-à-dire la conjugaison de la médecine conventionnelle et des médecines complémentaires. L’objectif est d’optimiser la prise en charge du patient, d’un point de vue pathologique, mais aussi en termes de qualité de vie. Ainsi, une autre limite de l’allopathie est sa tolérance. « La phyto-aromathérapie permet de limiter ou de compenser le risque iatrogénique de certains médicaments. Par leur effet potentialisateur, les HE ou les plantes permettent d’améliorer l’efficacité d’un principe actif monomoléculaire tout en réduisant la dose et par conséquent, les effets secondaires. Utilisées en traitement de fond, elles permettent également d’éviter le recours à l’allopathie dans de nombreuses situations », observe le Dr Morel.Repenser la formation médicale pour encourager la médecine intégrative
« En Suisse, lors d’un référendum réalisé en 2009, la population a souhaité que les médecins soient plus et mieux formés aux médecines complémentaires », explique le Dr Morel. Si la Suisse, comme d’autres pays européens dont l’Allemagne, offre une place privilégiée à la phyto-aromathérapie dans le parcours de soins des patients, la France semble accuser un certain retard. « La formation hospitalo-universitaire ne laisse à ce jour aucune place à cet enseignement. En outre, les pouvoirs publics n’encouragent pas la recherche dans ce domaine, peut-être pour des raisons budgétaires ou réglementaires », constate encore le Dr Morel qui, dans son Traité pratique de phytothérapie, propose la création d’unités de médecine intégrée ayant pour charge l’évaluation de l’intérêt des pratiques de médecine complémentaire. « Aujourd’hui, la phytothérapie a évolué et de nombreuses études sont en cours, notamment dans les pays émergents comme la Chine et certains pays d’Afrique, ainsi qu’aux États-Unis et au Canada. Ces études serviront à mieux reconnaître les atouts de la phyto-aromathérapie et, peut-être, à développer de nouveaux médicaments combinant des molécules de synthèse et des produits naturels », conclut Jean-Michel Morel.1. Le concept de « Médecine intégrée », qui permet une collaboration entre la médecine majoritaire et d’autres approches, très souvent synergiques entre elles, nous vient étonnamment du monde anglo-saxon, plus pragmatique que la vieille Europe. C’est d’ailleurs le NIH (National Institutes of Health) aux États-Unis, peu soupçonnable de promouvoir les « médecines douces », qui avait créé le NCCAM (National Center for Complementary and Alternative Medicine), rebaptisé actuellement NCCIH (National Center for Complementary and Integrative Health), département consacré à l’information, à l’évaluation et à l’intégration dans les prises en charge médicales des médecines intégrées.
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