« Nous montrons que la stabilisation d’une protéine métabolique, PKM2 (pyruvate kinase musculaire 2), par une petite molécule médicamenteuse permet de prévenir la dysfonction cardiaque induite par la chimiothérapie et peut augmenter la réduction tumorale induite par la chimiothérapie. Cette découverte est très importante, car nous ne disposons actuellement d’aucun traitement pouvant prévenir complètement la cardiotoxicité de la chimiothérapie », explique au « Quotidien »le Pr Gopinath Sutendra (Université médicale d’Alberta à Edmonton, Canada) qui a coordonné ce travail.
La cardiotoxicité liée aux chimiothérapies est un problème fréquent, compromettant l’efficacité des traitements anticancéreux. De nombreuses chimiothérapies, parmi lesquelles les anthracyclines comme la doxorubicine (adriamycine), activent le facteur de transcription pro-apoptotique p53 dans la tumeur, entraînant l’effet attendu de mort cellulaire et de régression tumorale, mais cette activation survient également dans les tissus normaux. Dans la mesure où les cardiomyocytes se régénèrent peu et lentement, le cœur est particulièrement susceptible à cette toxicité, avec notamment le risque d’insuffisance cardiaque à long terme.
« Sur le plan clinique, nous savons depuis un certain temps que la dysfonction cardiaque induite par la chimiothérapie est un problème majeur; mais sur le plan scientifique, ce n’est que tout récemment que nous avons commencé à examiner les voies de signalisation pouvant être impliquées dans cette complication », précise le Pr Sutendra.
Empêcher l'apoptose des cardiomyocytes
Afin de prévenir la cardiotoxicité, l’équipe canadienne a conçu une approche exploitant le fait que le micro-environnement des tumeurs est faible en oxygène, comparativement au myocarde riche en apport d’oxygène.
Saleme et al. ont découvert qu’une protéine métabolique appelée pyruvate kinase musculaire 2 (PKM2) interagit directement avec la p53. La forme tétramérique de PKM2 est préférentiellement oxydée dans le cœur, et cette forme oxydée supprime l’activité de p53 et l’apoptose. Par contraste, dans un environnement faiblement oxydé comme celui des tumeurs, le même tétramère majore l’activité de p53 et l’apoptose. Enfin, les chercheurs ont identifié un composé (TEPP-46) qui stabilise la forme tétramérique de PKM2.
Dans des modèles de cancer du poumon chez la souris, un traitement par TEPP-46 empêche l’apoptose des cardiomyocytes normalement induite par la doxorubicine et prévient ainsi la dysfonction cardiaque, tout en majorant l’apoptose des cellules cancéreuses et la régression tumorale.
Prochaine étape d'évaluation clinique
Les prochains objectifs de l’équipe sont de deux ordres, confie au “Quotidien” le Pr Sutendra. « D’une part, déterminer si la stabilisation de PKM2 pourrait être bénéfique dans d’autres formes d’insuffisance cardiaque. D’autre part, approcher les compagnies pharmaceutiques qui évaluent déjà en clinique pour d’autres indications des composés similaires stabilisant la PKM2, afin de déterminer si ces composés peuvent avoir les mêmes bénéfices que ceux observés dans le modèle souris. » Un composé similaire activant la PKM2 - l’AG-348 - est évalué en phase 3 chez des patients déficients en pyruvate kinase.
« Nous sommes très heureux car nous pensons pouvoir passer à la phase suivante, au cours de laquelle les patients pourraient commencer à recevoir certains de ces traitements dans un proche avenir », s’enthousiasme le Dr Sutendra. « Nous pensons également que nos résultats pourraient s’appliquer à d’autres formes d’insuffisance cardiaque », ajoute le chercheur Bruno Saleme (Université médicale d’Alberta), premier auteur de l’étude.
B. Saleme et al., Science Translational Medicine, 10.1126/scitranslmed.aau8866, 2019.
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