« L’immunothérapie a radicalement changé le pronostic des patients », explique le Pr Fabrice André, directeur de l’unité Gustave Roussy-INSERM U981. Elle permet pour la première fois à certains malades avec un cancer métastatique considéré incurable de voir leur survie prolongée.
Ces « progrès considérables », selon le chercheur, concernent en particulier le mélanome, le lymphome, le cancer du poumon ou encore le cancer du côlon MSI (instabilité des microsattélites). « Ce changement à 180° dans la prise en charge de ces cancers fait écho au changement à 180° dans le concept du traitement : au lieu de cibler directement la tumeur, l’immunothérapie la vise indirectement, en restaurant le système immunitaire du patient », note le Pr Laurence Zitvogel, oncologue médical à l’Institut Gustave Roussy. « Le grand intérêt de cette stratégie est de déjouer la plasticité tumorale : la tumeur n’étant pas visée, elle développe beaucoup moins de résistances qu’avec les thérapies ciblées par exemple », observe le Pr Olivier Rosmorduc, oncologue hépatique à la Pitié-Salpêtrière. En outre, l’effet du traitement sur l’immunité peut être observé plusieurs mois après l’arrêt de l’immunothérapie. Et là encore, c’est tout à fait nouveau.
Des résultats spectaculaires
Pour les cancers sensibles à ce type de thérapie, les résultats sont spectaculaires. Les premiers effets sont observés en 2010 dans le mélanome. Hodi et col. testent alors l’ipilimumab chez des patients souffrant d’un mélanome métastatique. Cet anticorps monoclonal bloque le point de contrôle CTLA-4 (un récepteur situé à la surface des lymphocytes) et, avec lui, le frein de la réponse immunitaire. Ce faisant, il provoque l’activation des lymphocytes et leur prolifération. La tumeur semble grossir. En fait, cette taille importante est due à l’infiltration des lymphocytes activés sur le site. S’en suit la mort tumorale. Dans le « New England Journal of Medicine », l’équipe note une survie globale de 10,1 mois chez les patients sous ipilimumab contre 6,4 mois chez les patients recevant de la glycoprotéine 100 seule. L’ipilimumab reçoit sa première AMM dès l’année suivante.
Depuis, les « inhibiteurs de points de contrôle » ont été testés en monothérapie puis en combinaison dans un grand nombre de cancers, dans des formes avancées comme dans des stades précoces. « Dans les cancers du poumon sensibles à l’immunothérapie - exprimant le PDL1 et présentant le plus fort taux mutationnel - 43 % des patients n’ont pas de récidive après un an, commence le Pr Fabrice André. Dans le mélanome avancé, la combinaison de nivolumab (anti-PD1) et de ipilimumab (anti-CTLA-4) permet aux patients d’avoir une survie à 3 ans de 58 %. C’est colossal. » Cette combinaison n’est toutefois « pas exempte de toxicité, remarque le Pr Zitvogel. Les lymphocytes T activés s’attaquent aussi à la peau, aux muqueuses, à la thyroïde… Ces effets secondaires peuvent être inhibés dès le départ du traitement à l’aide de corticoïdes. »
Tous les cancers ne répondent pas
Pour « révolutionnaire » qu’elle soit, l’immunothérapie n’est toutefois pas égalitaire. Tous les cancers n’y répondent pas en effet, ni tous les patients. Plusieurs conditions doivent être réunies : que l’immunité du patient soit en bon état, que la tumeur soit inflammatoire et qu’elle présente une forte charge mutationnelle (elle fabriquera ainsi régulièrement de nouveaux antigènes qui alimentent la réaction inflammatoire). « 80 % des lymphomes, presque 2/3 des cancers du côlon MSI et 30 à 40 % des cancers du poumon répondent à ces exigences », note le Pr Olivier Rosmorduc. En revanche, le cancer du sein, de l’ovaire, de la prostate ou encore de la thyroïde, très peu immunogènes et inflammatoires, sont peu sensibles à l’immunothérapie.
Une des tendances actuelles est donc de rendre la tumeur immunogène, par radiothérapie, par exemple, afin que l’immunothérapie qui suit ait plus de chances d’être efficace. Autre piste : le développement de tests qui permettent de repérer les patients susceptibles de répondre au traitement. « Il y a infiniment de possibilités thérapeutiques nouvelles avec ces produits. Nous sommes au tout début de l’histoire », conclut le
Pr Rosmorduc.
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