« Un monde sans douleur serait-il un monde idéal ? » La question posée par le Pr Alain Serrie, chef du service de médecine de la douleur – médecine palliative de l’hôpital Lariboisière à Paris, appelle évidemment une réponse négative puisque ce phénomène physique sert grandement au diagnostic et permet de prévenir des complications parfois fatales, comme pour ces enfants atteints d’insensibilité congénitale à la douleur qui atteignent rarement l’âge adulte.
Aussi nécessaire puisse-t-elle être à la préservation de l’intégrité physique de tous les êtres humains, la douleur n’en est pas moins une dimension extrêmement complexe de l’existence « qui demande une intégration supraspinale et qui est nuancée par notre culture, notre religion ou encore notre éducation, à la différence de l’audition et de la vision », explique Pr Serrie.
Une expérience sensorielle et émotionnelle
Si la douleur est bien partagée, à des degrés différents et selon des modalités qui leur sont propres, par tous les êtres humains, qu’en est-il chez les animaux ? Bien que l’on comprenne instinctivement que son chien ou son chat puisse ressentir de la douleur, cette perception est-elle pour autant en phase avec la définition de la douleur chez l’Homme, telle qu’énoncée par l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) : « Une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire, réelle ou potentielle ou décrite en termes évoquant une lésion ? » Par ailleurs, des animaux comme les oiseaux, les amphibiens ou encore les céphalopodes sont-ils capables de ressentir de la douleur telle que nous la comprenons ? Autant d’interrogations qui ont été l’objet d’un travail de plus d’un an mené par une commission diligentée par Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, et dont a fait partie le Pr Serrie aux côtés de nombreux spécialistes de toutes les classes animales.
Un ressenti, des émotions éventuelles, mais pas forcément de douleur
Pour comprendre la réalité du phénomène de douleur pour chaque espèce zoologique, les experts ont d’abord établi une méthodologie axée sur deux types de comparaisons avec l’Homme : celle des voies et centres nerveux de la douleur (homologie des structures pour analyser le niveau de sensation, la cognition et la conscience phénoménale) et celle des comportements (signes de nociception et/ou de douleur, manifestations émotionnelles éventuelles…). Après examen de l’arbre anatomique, ils sont arrivés à la conclusion qu’il fallait que toute une série d’organes soit présente (télencéphale, substance réticulée, thalamus médian, etc.) pour extérioriser une notion de douleur et la ressentir tel que nous pouvons la définir chez l’être humain.
Évoquant à titre d’exemple la fourmi, « dont la vie sociale est extrêmement riche et complexe » et la possibilité qu’il puisse y avoir « un ressenti de douleur dans cette organisation élaborée », le Pr Serrie explique que la faiblesse du nombre de neurones sur la corne dorsale de la moelle épinière de cet animal, ainsi que l’absence de télencéphale au niveau supraspinal font que la notion de douleur telle que nous l’exprimons ne peut lui être attribué. De fait, si la présence de nociception est répertoriée chez tous les animaux, il n’en est pas de même pour la capacité à ressentir des émotions (liée à l’existence d’une structure supraspinale), la conscience phénoménale et, au final, la possibilité de ressentir de la douleur, a conclu l’équipe de chercheurs. Indubitable chez les mammifères, la douleur comme nous la concevons serait ainsi absente de la vie des reptiles, des amphibiens et des poissons. En ce qui concerne les oiseaux et les céphalopodes, les experts n’ont, pour l’heure, pu trancher la question.
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