RECONNAÎTRE l’existence d’une douleur est naturellement la première étape indispensable à son identification. Or, si l’enfant peut souffrir des mêmes douleurs que l’adulte (aiguës/chroniques, nociceptives/neuropathiques), il ne « fonctionne » pas comme l’adulte, ne parle pas quand il est très jeune et vit dans un « autre monde ». « Reconnaître la douleur, c’est y penser en toutes circonstances », a souligné le Dr Wood. Le nouveau-né hurle, a des réactions d’anxiété d’anticipation (à partir de 1 an, lors d’une vaccination, par exemple) et l’enfant un peu plus grand a souvent du mal à verbaliser correctement l’endroit où il a vraiment mal (désigner le ventre, signifie parfois souffrir à l’intérieur de son corps) et, dans le cas d’une douleur récurrente/chronique, l’enfant est souvent silencieux. Dans ce contexte, il faut savoir observer et écouter l’enfant, ce qui est souvent difficile car ses parents parlent fréquemment à sa place.
Les bonnes échelles.
Il est important d’évaluer l’intensité de la douleur afin de guider le choix thérapeutique et de mesurer l’efficacité du traitement pour éventuellement l’adapter. En pratique, il s’agit d’une étape délicate car il existe une grande disparité d’âge (0 à 18 ans) et des niveaux de développement cognitifs différents. Il existe de nombreuses échelles disponibles, d’autoévaluation ou d’hétéroévaluation. Et il est souvent utile d’en utiliser plusieurs concurremment. Chez le très jeune enfant, on utilise des échelles comportementales et/ou des échelles basées sur les expressions du visage.
L’expression de la douleur de l’enfant dépend à la fois de son âge, de son apprentissage de la douleur (expériences personnelles et familiales), de sa personnalité (enfant intra ou extraverti), de son milieu ethno-culturel et sociofamilial et enfin de ses stratégies personnelles de « coping » (stratégie du « faire face »). Il faut savoir que l’autoévaluation n’est réalisable qu’à partir de 5 à 6 ans, voire seulement 8 ans. Mais un point d’achoppement à bien connaître est que l’autoévaluation est souvent biaisée, une proportion importante de jeunes enfants étant incapable de réaliser une vraie gradation, ces derniers ayant tendance à indiquer systématiquement sur une échelle numérique (EVA) la valeur extrême.
Remise en cause des 3 paliers de l’OMS.
Les règles de base de l’utilisation des antalgiques peuvent être résumées ainsi : recourir à des traitements de puissance adaptée à l’intensité de la douleur, en tenant compte du délai d’action ; employer une dose unitaire et un rythme d’administration adéquats ; user de la voie orale en première intention (la voie rectale devant être abandonnée) ; administrer l’antalgique à heure fixe (fonction de la demi-vie du produit) ; évaluer l’efficacité et les effets indésirables ; respecter les contre-indications et modifier tout traitement non efficace plus de 24 à 48 heures au maximum.
Pour ce qui est du choix du ou des antalgiques (coantalgie), on assiste actuellement de plus en plus à une remise en cause des 3 paliers classiques de l’OMS au profit d’une approche mécanistique, à chaque type de douleur correspondant des produits spécifiquement dédiés : paracétamol, AINS, opioïdes et bloqueurs du sodium pour les douleurs nociceptives, les AINS et les antagonistes 5-HT pour les douleurs viscérales, les AINS et les corticoïdes pour les douleurs inflammatoires, les antidépresseurs et les anticonvulsivants pour les douleurs fonctionnelles et les douleurs neuropathiques… Le Dr Wood a indiqué à cette occasion que l’OMS a décidé cette année de supprimer le recours au palier 2 (codéine, tramadol) chez l’enfant. L’abandon de la codéine tenant notamment à d’importantes différences interindividuelles rendant la codéine inactive chez certains enfants et toxique chez d’autres. Enfin, le Dr Wood, qui a souligné l’intérêt complémentaire des approches non pharmacologiques (distraction, hypnose), en rappelant qu’il faut également prendre en compte l’existence d’une mémoire inconsciente de la douleur, qui peut non seulement modifier les perceptions douloureuses ultérieures mais aussi diminuer l’efficacité des antalgiques, y compris des morphiniques.
3 questions à…
Françoise Amouroux
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