SI LE CÉLÈBRE Papyrus Ebers comme les traités d’Hippocrate font tous deux références à l’utilisation de l’argent comme vulnéraire, force est de constater que ce métal n’a guère connu de réel succès, même à l’époque où son caractère inaltérable eût pu en faire un candidat parfait à quelque élixir de « longue vie ». Paracelse (1493-1541) en préconisait l’utilisation pour traiter les maladies du cerveau, du foie et de la rate. L’anatomiste hollandais Franciscus de le Boë (1614-1672) appliquait quant à lui des « cristaux de lune » ou « nitre lunaire », en fait du nitrate d’argent, sur les plaies, les ulcères et les escarres. Ce procédé se généralisa semble-t-il au XVIIIe siècle, avec le recours à la « pierre infernale » (lapis infernalis dans le jargon des médecins de l’époque) obtenue en dissolvant de l’argent métallique dans de l’esprit de nitre (entendons de l’acide nitrique, obtenu alors par réaction de l’acide sulfurique sur le salpêtre) : c’était là l’ancêtre du crayon au nitrate d’argent encore connu et utilisé : cette fameuse « pierre infernale », particulièrement sensible à l’humidité, était d’ailleurs rangée dans un étui… à crayons. Au XIXe siècle, le nitrate d’argent comptait au nombre des traitements usuels des brûlures : il permettait d’en éliminer le tissu de granulation et s’appliquait en lotions ou sous forme solide (en bâton).
Prophylaxie de Credé.
C’est précisément au XIXe siècle que l’usage probablement le plus popularisé du nitrate d’argent fut découvert par un obstétricien berlinois : Carl Sigmund Franz Credé (1819-1892). Celui-ci eut l’idée de tester, puis de systématiser à partir de 1879, l’instillation oculaire d’une goutte d’un soluté à 2 % pour prévenir les infections conjonctivales gonococciques purulentes du nouveau-né, à l’époque aussi fréquentes que sévères (elles induisaient 20 % de lésions cornéennes définitives et 3 % de cécité totale) : il n’observa que deux cas sur près de 1 200 nourrissons traités dans son service en trois ans. La « méthode prophylactique de Credé », avec usage d’une concentration de nitrate d’argent réduite à 1 %, perdura de fait jusqu’à nos jours, confortée par le médecin allemand Emil Adolf von Behring (1854-1917, Prix Nobel 1901 pour ses travaux sur la sérothérapie) qui démontra en 1887 que les ions argentiques étaient dotés de propriétés antibactériennes et recommanda de les utiliser en irrigations pour traiter les gonorrhées.
William S. Halsted (1852-1922), le célèbre chirurgien américain, appliqua à partir de 1896 sur les plaies opératoires une feuille d’argent pour les préserver de la gangrène et utilisa également des sutures en argent pour leur ligature.
Il faut depuis souligner le regain d’intérêt porté aux ions argentiques dans les années 1960, lorsqu’un médecin de l’université de Washington, Carl A. Moyer (1908-1970), étudia de façon rationnelle leur intérêt prophylactique sur les infections des tissus brûlés. Peu après, entre 1967 et 1971, son collègue Charles L. Fox Jr (université Columbia) montra pour sa part que les sels d’argent d’un sulfamide, la sulfadiazine, étaient supérieurs au seul nitrate d’argent dans le traitement des brûlures et notamment lorsqu’elles étaient infectées par le pyocyanique. Ses observations furent à la base de la commercialisation de la Flammazine : la sulfadiazine argentique compte depuis lors au nombre des médicaments essentiels de l’OMS.
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