LE GEMME croise les doigts. C’est cette semaine que l’Agence européenne du médicament (EMEA), plus précisément son comité des médicaments à usage humain (CHMP), doit se prononcer sur le recours déposé fin août par l’association de génériqueurs concernant le retrait du marché des spécialités contenant du dextropropoxyphène.
À la suite de l’avis défavorable au maintien sur le marché de ces médicaments émis par l’EMEA fin juin, le Gemme a en effet décidé d’agir. « C’est un excellent produit dont la remise en cause par l’EMEA est liée à un mésusage », et non pas à une toxicité du produit lui-même, explique son vice-président chargé des Affaires techniques, Hubert Olivier. Cependant, « nous nous sommes aperçus qu’il n’existait pas d’étude récente d’efficacité », indique-t-il. Pour y remédier, l’association propose aujourd’hui à l’EMEA la possibilité de réaliser une étude clinique dont l’objectif est de démontrer la supériorité de l’association dextropropoxyphène-paracétamol par rapport au paracétamol seul. Pour lui en laisser le temps, le Gemme demande la suspension du processus de retrait. « Cette étude sera financée par les adhérents du Gemme* (à l’exception de Winthrop), auxquels s’est rajouté le laboratoire Mylan », précise Hubert Olivier.
L’exception française.
Mais pourquoi le dextropropoxyphène, commercialisé depuis 1964, est-il aujourd’hui dans le collimateur de l’EMEA ? Tout commence en 2004, lorsque la réévaluation du rapport bénéfice/risque des médicaments contenant le principe actif en Suède et au Royaume-Uni, conduit les deux pays à les retirer du marché. À l’origine de ces décisions, le nombre important de décès constatés à la suite d’intoxications volontaires (tentatives de suicide) ou accidentelles à cette substance : 200 morts par an en Suède et entre 300 et 400 au Royaume-Uni pour respectivement 9 et 60 millions d’habitants.
Dans l’Hexagone, la situation semble radicalement différente. « En France, dans des conditions normales d’utilisation, ce médicament n’a fait l’objet d’aucun signal particulier de pharmacovigilance qui aurait justifié la réévaluation de son rapport bénéfice/risque. Son profil de sécurité d’emploi est bien connu et satisfaisant », affirme l’AFSSAPS (2). Le nombre de décès liés à une intoxication (volontaire dans la grande majorité des cas) est estimé à 65 par an en France pour 65 millions d’habitants, alors même que nous sommes les plus grands consommateurs de dextropropoxyphène d’Europe (voir encadré).
Pour l’AFSSAPS, cette différence relevée dans les pays concernés est notamment liée aux pratiques distinctes d’un pays à l’autre quant à la nature des médicaments choisis lors des intoxications médicamenteuses volontaires, mais aussi à la limitation en France de la dose maximale par boîte de dextropropoxyphène (600 mg) et de paracétamol (8 g).
Un médicament utile.
Inquiète face à la perspective d’un arrêt de commercialisation, l’Académie nationale de médecine s’est elle-même portée au secours des spécialités à base de dextropropoxyphène et de paracétamol. Pour les académiciens, « cette association est utile, largement mise à profit en thérapeutique, en France, avec sécurité. Elle correspond au besoin d’antalgiques de puissance moyenne (niveau II de l’OMS), supérieure à celle du paracétamol seul, et inférieure à celle des morphiniques forts. »
Il n’empêche que, si l’avis de l’EMEA est confirmé par la Commission européenne, l’association dextropropoxyphène-paracétamol sera amenée à disparaître de toutes les officines de l’Union européenne.
À moins que le recours du Gemme reçoive une réponse positive de l’EMEA qui pourrait la conduire à revoir sa position. « Aux États-Unis, la FDA (3) a opté pour le maintien de ces spécialités en l’accompagnant d’une information renforcée des prescripteurs et des patients », plaide le Gemme. Verdict attendu dans les prochains jours.
(2) Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
(3) Food and drug administration.
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Françoise Amouroux
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