Tintin au pays d’Hippocrate

LES MÉDECINS n’ont-ils pas assez de patients dans la vraie vie qu’ils s’intéressent à ceux issus de la fiction ? C’est en tout cas ce que laisse à penser l’étonnante étude menée sur la santé de Tintin, le célèbre personnage de bande dessinée imaginé par Hergé. Une équipe de scientifiques, quatre Français, un américain et un Britannique s’est penchée sur la vie mouvementée du jeune reporter. En pratique, leur méthodologie consistait à relire les 23 albums du dessinateur belge et à relever, qualifier et comptabiliser la totalité des accidents, coups, blessures et autres tentatives d’enlèvement dont était victime le garçon à la houppe. L’idée d’une telle étude, publiée dans « La Presse Médicale », leur est venue car, expliquent-ils, « malgré la vie hasardeuse menée par les héros de bandes dessinées comme Tintin, nous n’avons pas connaissance d’études ayant évalué les événements et les problèmes de santé présentés par Tintin pendant ses aventures ». Plus précisément, les chercheurs ont évalué le spectre des problèmes de santé que Tintin a rencontré au cours de ses 23 aventures, ainsi que leurs causes, conséquences et liens avec le voyage. Ces problèmes ont été diagnostiqués en fonction de leur description dans le texte, puis classés en distinguant ceux de nature traumatiques des problèmes non traumatiques. Leurs causes ont quant à elles été identifiées selon des événements intentionnels et non intentionnels.

De l’Afrique à la Syldavie en passant par le Tibet et même le sol lunaire, le journaliste (qui n’écrit jamais une ligne) aurait subi pas moins de 236 événements conduisant à 244 problèmes de santé, 13 kidnappings, 6 hospitalisations et 2 actes chirurgicaux, avec une moyenne de 8 « pépins » par aventure. À noter, le nombre moyen d’événements par aventure était significativement plus élevé avant 1945, idem pour les enlèvements (l’expérience ?). Quant à la nature précise des 244 problèmes de santé, quatre sur cinq étaient traumatiques avec une nette prédilection pour les traumatismes crâniens (coups de poing, de matraque ou de cane !). Les plus fréquents des problèmes de santé non traumatiques étant les insomnies, les crises d’angoisse et les intoxications au gaz ou au chloroforme. Chose remarquable, ce globe-trotter impénitent ne semble souffrir d’aucune des pathologies habituellement liées aux voyages. Ni diarrhée, ni la moindre infection virale ou parasitaire, s’étonnent les auteurs qui, au terme de cette curieuse visite médicale, qualifient leur patient virtuel de super-héros quasiment indestructible. La ligne claire chère à Hergé serait-elle un rempart absolu contre les maladies. Peut-être bien, mille sabords !