C’EST UN EUPHÉMISME de dire que le sujet du rôle carcinogène des radiofréquences prête à polémique. Menée par Gaëlle Coureau de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et du développement (ISPED) installé au sein de l’université de Bordeaux, une étude cas-contrôle vient apporter sa contribution au débat en concluant en effet qu’il existait une corrélation entre une utilisation intensive du téléphone portable et le risque de tumeur cérébrale.
La Gironde, le Calvados, la Manche et l’Hérault.
Les habitudes de consommation du téléphone portable de 253 patients atteints de gliomes et de 194 patients atteints de méningiomes ont été comparées à celles de 892 patients contrôles, l’appariement prenant en compte le tabagisme, la consommation d’alcool, le niveau d’études, les expositions aux pesticides et aux rayonnements ionisants. Les patients ont été recrutés dans le cadre de l’étude CERENAT sur la prise en charge des patients atteints de tumeur cérébrales, menée dans la Gironde, le Calvados, la Manche et l’Hérault entre 2004 et 2006. Les informations telles que le nombre moyen d’appels par semaine, leur durée ou le modèle de téléphone ont été collectées lors d’entretiens en face à face.
Si aucune différence significative n’est observée entre utilisateurs réguliers et non utilisateurs, il existe en revanche une association positive chez les plus gros utilisateurs. L’étude retrouve un risque de gliome 2,9 fois chez les personnes qui cumulent plus de 836 heures de conversations comparées aux non-utilisateurs, et un risque de méningiome, 2,57 fois plus élevé. Si on considère le nombre d’appels au cours de la vie, le risque de gliome est cette fois multiplié par 2 dans le groupe totalisant plus de 14 700 appels. Concernant le méningiome, les résultats n’étaient pas significatifs.
Un résultat « concordant » avec d’autres études.
« La principale conclusion est que l’étude CERENAT va dans le même sens que des tendances récemment observées au niveau international, mais qui demandaient à être confirmées, à savoir une élévation du risque de tumeur cérébrale, observée uniquement chez les plus forts utilisateurs et notamment dans le cadre d’usagers professionnels intensifs », explique Isabelle Baldi de l’université de Bordeaux qui a dirigé l’étude.
La question de la relation causale est un peu plus compliquée que cela et nous ne pouvons démontrer formellement que la relation observée est de nature causale. Il n’en reste pas moins intéressant qu’il y ait une concordance entre nos résultats et d’autres études précédemment publiées », poursuit-elle.
Le casse-tête de l’évaluation.
« C’est un travail solide avec une bonne sélection des cas, même si je suis un peu étonné par les odds ratio qui sont quand même très forts, juge Jean-François Doré vice-président du CES Agents Physiques de l’ANSES, le surrisque observé en milieu urbain est également un peu surprenant : les signaux des téléphones mobiles sont en général plus puissants en milieu rural où la couverture est plus faible. » Pour cet épidémiologiste, seule une grosse étude de cohorte peut fournir un niveau de preuve suffisant en matière de risque environnemental, mais « dans le cas du gliome qui reste un événement rare, les études cas contrôles sont le mieux que l’on puisse faire ».
Seules deux études de cohortes existent sur l’impact des radiofréquences : la UK Million Women Study et une cohorte danoise sur les premiers utilisateurs de téléphones mobiles qui a l’avantage de s’appuyer sur des données des opérateurs. Ces dernières ne donnent pas de résultats concluant en ce qui concerne les gliomes, mais elles ne distinguent pas les très gros utilisateurs de téléphone portable, ceux pris en compte dans l’étude de l’ISPED.
Une autre cohorte est en cours de construction, l’étude COSMOS doit suivre pendant 20 à 30 ans l’état de santé de 250 000 personnes utilisatrices d’un téléphone mobile.
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