Abandonnés dans la rue, dans des parcs ou des parkings, 147 boîtes, blisters ou flacons évoquent, sans toutefois les attester, l’abus, le mésusage, voire le détournement de substances consommées dans cet environnement immédiat. Entre novembre 2015 et juin 2018, Hélène Géniaux, praticien hospitalier au centre de pharmacovigilance de Limoges, et Amélie Daveluy, responsable du centre d’addictovigilance de Bordeaux, ont mené l’enquête dans les rues de Limoges, de Bordeaux et de Montpellier (1), photographiant et répertoriant patiemment ces emballages.
En référence au jeu Pokémon Go, en vogue à l’époque, elles ont baptisé leur étude « Médoc’GO, attrapez-les tous ! ». « Nous avons tout d’abord eu une approche purement descriptive sans présumer du caractère addictif de la consommation », expose Hélène Géniaux. L’observation de ces emballages fait apparaître la présence de 69 molécules. Comme le résume l’étude, présentée aux 10es ateliers de pharmacodépendance et addictovigilance à Biarritz en octobre 2018 et parue dans la revue « Thérapies » (2), les médicaments du système nerveux (ATC « N ») concernaient près d’une photo sur deux (48,2 %) avec notamment les analgésiques (16,6 %), les autres médicaments du SNC (14,5 %) et les psycholeptiques (13,8 %).
Les classes pharmacothérapeutiques les plus nombreuses étaient les opioïdes (23,1 %) ; les antalgiques autres qu’opioïdes (paracétamol AINS, antispasmodiques et antimigraineux) représentaient 15 % des cas, les benzodiazépines 11,6 %, la nicotine substitutive 6,8 %, les antiulcéreux 6,1 %, et les produits contre les troubles de l’érection 4,1 %. Dans 4 % des cas des conditionnements vides de poppers ou de protoxyde d’azote ont été retrouvés.
L'exemple des ordonnances falsifiées
Certains indices ne trompent pas. La présence de ballons à côté d’une cartouche de protoxyde d’azote, un capuchon de seringue à proximité du produit, ou encore la combinaison bouteille de soda et flacon de codéine, mettent les chercheuses sur la piste d’une dépendance aux médicaments et aux substances psychoactives. De même des blisters de sildénafil d’origine étrangère, soigneusement découpés, laissent supposer des reventes à l’unité.
« Mais ce ne sont là que de pures hypothèses », balaie Hélène Géniaux. Les chercheuses insistent : seule, une étude plus approfondie permettra de dégager, ou non, la certitude « d’une consommation abusive, voire d’un besoin irrépressible de consommer le produit ».
Pour l’heure, Hélène Géniaux et Amélie Daveluy envisagent de déployer avec l’aide de confrères un réseau de sentinelles à travers toute la France. Cette démarche pourrait être accompagnée par une application dont le développement reste cependant suspendu à l’octroi de fonds financiers suffisants. Médoc’Go pourrait alors devenir, au même titre que les ordonnances falsifiées, un nouvel indicateur et un outil potentiel en addictovigilance.
(1) Effectuées principalement sur les communautés urbaines de Limoges (44,6 %), Bordeaux (30,4 %) et Montpellier (9,8 %).
(2) Voir Abstract https://www.em-consulte.com/en/article/1254093.
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