DÉFENDU par un rapport de l’INSERM datant de 2010, le projet est sur le point de se concrétiser. Mardi 5 février, le Premier ministre a autorisé l’ouverture d’une salle de consommation de drogue à Paris, dans le cadre d’une expérimentation, qui doit être mise en place par la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie), en coopération avec le ministère de la Santé. Ce n’est pas tout à fait une première en France puisque, en 1994-95, une salle de ce type avait vu le jour à Montpellier (Hérault). Depuis lors, la France avait enterré l’idée, pendant que d’autres pays confirmaient leur engagement ou se lançaient dans l’expérimentation. C’est le cas de la Suisse qui a ouvert sa première « salle d’injection supervisée » à Berne en 1986 et en compte désormais une quinzaine. Les premières aux Pays-Bas datent de 1995, elles sont maintenant au nombre de 37. En Europe, on peut aussi parler de l’Allemagne, l’Espagne, le Danemark, la Norvège et le Luxembourg, et, au-delà de ces frontières, des pays comme l’Australie et le Canada. Paris va pouvoir bénéficier des expériences étrangères. D’autres villes comme Bordeaux ou Marseille regrettent néanmoins que seule la capitale ait obtenu le feu vert de Matignon.
Concrètement, l’association Gaïa, qui pilote le projet, espère ouvrir cette salle l’été prochain, dans le quartier de la gare du Nord, pour y recevoir jusqu’à 200 usagers (en grande précarité) par jour, de 13 heures à 21 heures, sept jours sur sept. Chaque usager doit s’inscrire et s’identifier par un prénom ou un pseudonyme et une date de naissance. Il doit venir avec sa drogue et la montrer à l’accueil. Un espace fermé avec extracteur de fumée est prévu pour les drogues à inhaler, tandis que des tablettes individuelles avec paravent servent en cas de drogue à injecter. Infirmières et éducateurs seront présents pour fournir le matériel stérile, « s’assurer que tout se passe bien », et ouvrir le dialogue. Des questions restent en suspens, notamment en ce qui concerne l’action de la police à proximité de ces salles.
Engager des soins.
L’expérimentation est plébiscitée par des élus de tout bord, les associations accompagnant les usagers de drogue et des professionnels de santé, notamment le député PS spécialiste des questions de santé Jean-Marie Le Guen, et la pharmacienne et désormais présidente de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale Catherine Lemorton. L’ancien président de l’Académie de pharmacie François Chast s’est déclaré favorable aux salles d’injection dès 2010. Patrick Beauverie, docteur en pharmacie et membre du conseil d’administration de Médecins du monde, parle de « nécessité » de ces salles « de consommation à moindre risque ». Les pharmaciens qui ont fait de la lutte contre la toxicomanie leur priorité sont également favorables, comme le titulaire strasbourgeois Stéphane Robinet ou le chef de service de la pharmacie centrale du centre hospitalier Henri-Laborit (Poitiers) Denis Richard. « Ce type d’endroit permet de rencontrer des toxicomanes qui n’auraient, sans cela, jamais vu de professionnel de santé, et d’engager des soins, voire une substitution. » Quant au confrère Jean Lamarche, il ne s’oppose pas aux salles d’injection mais ne les encourage pas non plus, car ces « endroits nécessaires doivent être réservés à des cas extrêmes ».
D’autres se montrent en revanche bien plus critiques, à commencer par des élus de droite, les policiers du syndicat Alliance, l’association Vivre gares du Nord et de l’Est, ou l’Académie de médecine, qui s’est prononcée contre la création de salles d’injection dès janvier 2011 et vient de réitérer son avis. Avec le pharmacologue Jean-Claude Tillement et le chirurgien Michel Huguier, Jean Costentin, pharmacologue membre des Académies de médecine et de pharmacie, également président du Centre national de préventions, d’études et de recherche en toxicomanie (CNPERT), s’oppose aussi fermement à l’apparition de ce qu’il appelle des « squats de la santé » où les lois ne s’exerceraient pas. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, répond : « Plutôt que de se voiler la face, il faut apporter des réponses sans tabou. Les toxicomanes sont des malades qu’il faut accompagner et soigner, tout en garantissant la sécurité dans les quartiers. »
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