« Les anticoagulants oraux directs (AOD) ont été présentés comme plus simples d’utilisation, du fait notamment d’un index thérapeutique large et d’une demi-vie courte, et exposant à un risque d’événements hémorragiques moindre », rappelle le Dr Fanny Bonhomme.
Ces anticoagulants ont une action directe spécifique et réversible, soit sur le facteur Xa (rivaroxaban, apixaban, édoxaban), soit sur le facteur IIa (dabigatran). Le pic de concentration est globalement atteint en 2 heures environ et la demi-vie d’élimination est d’une douzaine d’heures. En raison de sa faible liaison protéique, le dabigatran est la seule molécule dialysable.
Les deux grandes voies métaboliques, P-gp et CYP3A4, expliquent les interactions médicamenteuses. Ainsi, tous les inhibiteurs de la P-gp, comme les inhibiteurs de la CYP3A4 entraînent une augmentation de l’AOD et tous les inducteurs de la
P-gp provoquent à l’inverse une baisse des concentrations de l’anticoagulant.
Comme le souligne le Dr Fanny Bonhomme, la variabilité des rapports taux/pic, du simple au triple, impose des adaptations de doses et la vigilance notamment en cas de risque hémorragique : sujets très âgés, poids extrêmes, insuffisance rénale (la demi-vie du dabigatran est de 28 heures lorsque la clairance de la créatinine est ‹ 30 ml/mn).
Le dabigatran, l’apixabaan et le rivaroxaban ont trois grandes indications : la prévention des accidents vasculaires cérébraux et des embolies systémiques chez les patients ayant une fibrillation atriale non valvulaire ; le traitement et la prévention des récidives de thromboses veineuses profondes et de l’embolie pulmonaire ; la prévention des événements thrombo-emboliques veineux après chirurgie prothétique de la hanche ou du genou.
Prudence chez les patients âgés.
D’après les études pivots, ces AOD sont au moins aussi efficaces que la warfarine et sont dotés d’une certaine sécurité en termes de risque hémorragique lorsqu’ils sont prescrits correctement. Ils ne nécessitent pas de surveillance biologique particulière en dehors de la clairance de la créatinine. Leur utilisation doit être prudente chez les patients très âgés et chez les insuffisants rénaux ou en cas de risque d’insuffisance rénale, ce qu’il faut savoir réévaluer. « Selon une méta-analyse récente (1), le risque relatif de saignements de tout type est de 0,76 sous AOD versus warfarine et celui d’hémorragies fatales de 0,53 », indique le Pr Pierre Sié.
Dans les études, le taux d’événement cliniquement pertinent était de 5 à 10 %, celui d’événement majeur de 1 à 2 % et celui d’hémorragie intracrânienne de 0,5 %/ an. Les événements non majeurs sont les plus fréquents et sont une cause d’arrêt du traitement.
La prise en charge se fonde sur le contrôle mécanique du saignement et l’évaluation de son retentissement, sur la recherche d’une cause locale ou générale, notamment une insuffisance rénale. Une réduction de posologie est proposée chez les sujets fragiles. Pour le Pr Pierre Sié, « les tests d’hémostase ne sont pas utiles, car ils sont d’interprétation difficile. De nombreuses variables interviennent : type de médicament, régime d’administration, délai après la dernière prise, type de test, sensibilité du réactif et large marge thérapeutique ».
Dans la première année de traitement.
En cas de saignement majeur, les seuls médicaments disponibles sont les procoagulants. Mais l’expérience de leur utilisation dans les essais est faible, moins de 1 %. Dans la vie courante, sur 1 982 saignements, le registre de Dresde a recensé 66 hémorragies majeures, qui ont bénéficié de procoagulants dans 9 % des cas.
L’observatoire du GIHP (groupe d’intérêt en hémostase périopératoire), qui recense les patients hospitalisés pour saignement majeur ou pour geste invasif urgent sous AOD, a inclus en 19 mois 785 patients, dont 459 pour hémorragie (75 sous dabigatran, 142 sous rivaroxaban et 2 sous apixaban). Le profil des patients est comparable à celui rapporté dans les études. L’événement hémorragique survient le plus souvent au cours de la première année de traitement, dans 61,6 % des cas chez un sujet recevant un autre traitement interférant avec le métabolisme de l’AOD (P-gp ou CYP3A4), dont l’aspirine (16,4 % des cas), un AINS (4,6 %) ou du clopidogrel (3,2 %). Il s’agit majoritairement d’une hémorragie gastro-intestinale ou consécutive à un traumatisme crânien.
(1) Chai-Adisaksopha C et al. Blood 2014;124(15):2450-58.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques