LA SURVEILLANCE n’est pas sans risque. Destinées à améliorer le pronostic par un dépistage précoce, les mammographies avant l’âge de 30 ans majoreraient le risque de cancer du sein chez les femmes porteuses des gènes de susceptibilité BRCA1 et/ou BRCA2. Selon une étude néerlandaise menée dans trois pays européens (Pays-Bas, France, Royaume-Uni), l’exposition avant la trentaine aux radiations thoraciques double presque leur risque de cancer du sein. Ces résultats du Netherlands Cancer Institute, en collaboration avec plusieurs équipes françaises, vont sans doute modifier en profondeur la prise en charge de ces femmes à haut risque.
Dans cette population particulière, les bénéfices attendus des mammographies répétées contrebalancent-ils vraiment les inconvénients des radiations ionisantes ? Jusqu’alors, il n’y avait pas de donnée claire à ce sujet. Certains pays ont ainsi recommandé d’éviter le dépistage par mammographie avant l’âge de 30 ans. Une position que vient corroborer cette étude européenne ayant inclus 1 993 femmes BRCA1 et/ou BRCA2 entre 2006 et 2009. « Pour une femme à risque âgée de 30 ans, le risque de cancer du sein à l’âge de 40 ans est environ de 9 %, avec un ratio 2/1 de BRCA1 et BRCA2, expliquent les auteurs. Ce qui signifie que, parmi 100 femmes âgées de 30 ans, 9 auront un cancer du sein à l’âge de 40 ans. Le nombre absolu de cas augmenterait de 5 (...) si toutes avaient une mammographie avant 30 ans. »
Mammos, thorax, épaules.
Le recrutement s’est effectué à partir de trois grandes cohortes nationales, quasiment à parts égales, en France (n = 716), au Royaume-Uni (n = 688) et aux Pays-Bas (n = 589). Chaque participante remplissait un questionnaire standardisé et détaillé sur l’exposition aux rayons X, ce qui incluait bien sûr les mammographies, mais aussi, au niveau du thorax et des épaules, la fluoroscopie (clichés dynamiques), la radiographie, le scanner et tout autre acte diagnostique ionisant (scanner osseux) intéressant cette région. Étaient renseignés l’âge de la première exposition, le nombre d’expositions avant l’âge de 20 ans, entre 20-29?ans, entre 30-39 ans et l’âge de la dernière exposition. Les doses cumulées estimées étaient une approximation des doses du sein en Gys. Étaient exclues les femmes porteuses pour lesquelles le diagnostic avait été posé cinq ans auparavant. Le suivi prenait fin avec le diagnostic du premier cancer.
Susceptibilité accrue aux rayons X.
Les chercheurs néerlandais ont constaté que 43 % (848) des 1 993 femmes ont eu un cancer du sein. L’âge moyen de la première mammographie était de 29 ans. Les femmes exposées à des radiations avant l’âge de 30 ans avaient un risque presque doublé de cancer du sein (hazard ratio 1,90), celles exposées entre 20 et 29 ans à une mammographie un risque multiplié par 55 % (hazard ratio 1,55). Les risques estimés par quartiles selon la dose cumulée ‹ 0,0020 Gy, ≥ 0,0020-0,0065 Gy, ≥ 0,0066-0,0173 Gy et ≥ 0,0174 Gy étaient respectivement de 1,63 (0,96 à 2,77), 1,78 (0,88 à 3,58), 1,75 (0,72 à 4,25) et 3,84 (1,67 à 8,79). Le risque de cancer était particulièrement élevé avant l’âge de 20 ans (risque augmenté de 62 %) et avant l’âge de 30 ans (risque augmenté de 43 % entre 20 et 29 ans). En particulier, des mammographies avant l’âge de 30 ans étaient associées à un risque augmenté de cancer du sein. Aucune association n’a été observée pour les expositions à l’âge de 30-39 ans.
L’exposition aux radiations ionisantes est un facteur de risque établi de cancer du sein dans la population générale, avec un risque plus grand si les radiographies ont été réalisées dans l’enfance et l’adolescence par rapport à l’âge adulte. Comme les gènes BRCA1 et BRCA2 sont impliqués dans la réparation des double brins d’ADN cassés, qui peuvent l’être par les rayons X, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les porteuses de mutations de ces deux gènes sont plus radiosensibles aux effets mutagènes des radiations ionisantes. Il semble que les femmes ayant une mutation BRCA2 étaient moins sensibles aux effets des radiations. Comme le soulignent les auteurs dans leur conclusion, les résultats de cette grande étude européenne vont dans le sens de recommander l’utilisation de techniques d’imagerie non ionisantes, comme l’IRM, pour la surveillance de ces femmes à très haut risque de cancer du sein.
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