L'année 2015 a sans doute marqué un tournant pour le marché de l'oxygénothérapie. Des décisions importantes y ont été prises, non sans conséquences pour l'avenir des professions impliquées.
Ainsi la révision des BPDO (bonnes pratiques de dispensation de l'oxygène médical à domicile), par l'arrêté du 16 juillet 2015, a modifié des conditions d'exercice un peu datées. Pour le pharmacien responsable des activités de prestation à domicile (approvisionnement en oxygène médical, installation des appareils, accompagnement et suivi thérapeutique des patients), l'évolution porte notamment sur des aspects centraux de l'activité : le temps de présence hebdomadaire sur le site de travail dépend désormais du nombre de patients sous oxygénothérapie ; la visite pharmaceutique - réalisée au domicile du patient pour s'assurer de la conformité de la prescription médicale, des conditions de sécurité de l'installation, du bon fonctionnement des appareils, mais aussi de l'éducation du patient et de son entourage - ne s'effectue plus systématiquement dans le mois suivant la mise en place du traitement, mais est soumise à une étude préalable effectuée par le pharmacien BPDO visant à évaluer les risques liés à l'utilisation d'oxygène à usage médical par le patient ; il est aussi garant des procédures de qualité qui impliquent le respect des modes opératoires, la rédaction de documents permettant d'évaluer la conformité des pratiques (état et aménagement des locaux, règles de sécurité et d’hygiène du personnel, maintenance des équipements…)… « Les nouveaux textes ont renforcé l'implication du pharmacien BPDO auprès du patient, remarque Stéphane Paillet, pharmacien responsable qualité chez ABM Pharma. La gestion du risque, l'adaptation du traitement ont notamment été améliorés. »
Mieux adapter le traitement
Fortement impliqué aux côtés de l'officine, le prestataire relève également une baisse significative des prescriptions d'oxygène liquide. Avec pour conséquences un nombre accru d'installations de concentrateurs d'oxygène électrique à domicile. Ces dispositifs alternatifs à l'oxygène liquide avaient en effet été désignés comme l'appareillage à privilégier pour permettre une économie de 20 millions d'euros dans les dépenses liées à l'oxygénothérapie avant la fin 2016. L'objectif était de limiter le nombre des patients sous oxygène liquide, un des traitements historiques de l'oxygénothérapie à domicile dont le coût certain est lié à la production du gaz et au circuit d'approvisionnement, chez le prestataire et au domicile du patient, qu'il suppose. Moins onéreux, le concentrateur assure la production d'oxygène à partir de l'air ambiant. Il existe sous forme de modèles stationnaires, transportables ou portables dotés d'une autonomie de 3 à 10 heures et peut être complété par des bouteilles d'oxygène comprimé pouvant contenir plusieurs centaines de litres de gaz. L'oxygène liquide, pour sa part, doit être maintenu à -183C° dans un réservoir fixe de 30 à 40 litres assorti d'un réservoir portable qui offre une autonomie de plusieurs heures pour permettre au patient de déambuler.
« Ce choix dans les appareils disponibles permet au spécialiste d'adapter beaucoup plus finement le traitement aux habitudes de vie du patient », souligne Stéphane Paillet. Ce dernier a vu son parcours modifié par l'arrêté du 23 février 2015 portant notamment sur la prise en charge des dispositifs de dispensation d'oxygène. Dorénavant, la situation du patient traité doit être réévaluée au bout de trois mois de traitement afin de décider du type de forfait – court terme (jusqu'à 3 mois maximum) ou long terme (égal ou supérieur à 3 mois) – dont il dépend. S'il relève d'un traitement à long terme, il doit consulter un spécialiste (pneumologue, médecin d'un centre de la mucoviscidose ou de l'hypertension artérielle pulmonaire, pédiatre expert) dont la prescription donnera lieu à la prise en charge. « Si elle complique et rallonge le parcours du patient, la consultation obligatoire du spécialiste permet aussi de gagner en qualité de soin avec beaucoup plus de solutions à disposition pour adapter plus finement l'appareillage au mode de vie », conclut Stéphane Paillet.
La part de l'officine
La modification des règles de prise en charge a cependant eu d'autres effets, comme celui d'assimiler l'oxygénothérapie à un domaine de spécialiste. « Pour beaucoup, la dispensation d'oxygène est devenue l'affaire du pneumologue, regrette Anne-Claire de Clerck, directrice des activités respiratoire et MAD chez Orkyn. Or d'autres professionnels de santé comme le médecin généraliste et l'officinal ont leur rôle à jouer dans le cadre des traitements à court terme. »
À l'officine, les situations pouvant conduire à une insuffisance respiratoire, comme de l'essoufflement à la marche, une fatigue chronique ou un asthme sévère, peuvent être facilement repérés. Pour mieux encadrer les besoins en oxygénothérapie à court terme, Orkyn se propose d'aider l'officine à accompagner le patient vers le médecin généraliste. Ainsi le pharmacien pourra-t-il continuer à suivre la personne pour ses besoins en oxygène si un protocole à long terme est ensuite décidé par un spécialiste. Une démarche qui permettrait d'augmenter la part actuellement occupée par l'officine sur le marché de l'oxygénothérapie qui ne dépasserait pas 10 % des ordonnances traitées. « L'oxygène fait aussi l'objet d'une pratique de ville, poursuit Anne-Claire de Clerck en évoquant un deuxième axe de l'oxygénothérapie à travailler pour le pharmacien. Il peut être prescrit dans le cadre d'un maintien à domicile ou d'une activité en EHPAD. Très souvent, il y a un besoin en oxygène associé au MAD et aux personnes âgées. »
Quant aux profils des patients souffrant d'une insuffisance respiratoire chronique nécessitant une oxygénothérapie à long terme, ils sont multiples : patients souffrant principalement de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive), d'une pneumopathie interstitielle évoluée vers la fibrose, d'une hypertension artérielle pulmonaire, de mucoviscidose évoluée. L'oxygénothérapie de déambulation exclusive, pour sa part, est indiquée chez les patients insuffisants respiratoires ne nécessitant pas d'oxygène à long terme en poste fixe, mais qui présentent une désaturation à l'effort limitant leurs performances à l'exercice.
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