LA PLACE de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique est très débattue. Si l’on regarde les faits, elle connaît un véritable succès. L’enquête ETINCEL-OFDT rapportait, en novembre 2013, un taux d’expérimentation de 18 % chez les 15-75 ans. Un usage quotidien était déclaré dans 3,3 % des cas, ce qui représente 1,5 million de personnes, dont 650 000 en usage exclusif. Les raisons de ce succès sont multiples. Il s’agit d’un produit identifié comme le plus proche de la cigarette (vapeur, gestuelle, biodisponibilité…) et qui dispense de faire appel à un professionnel de santé. Avec en plus un indéniable effet mode.
« Corollaire de l’explosion de la e-cigarette : un recul des ventes de cigarettes de 6 à 7 % entre 2013 et 2014 », a indiqué le Pr Daniel Thomas (institut de cardiologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière), avant de souligner que la cigarette électronique est infiniment moins toxique que la cigarette. Il n’y a ni monoxyde de carbone, ni quantités significatives de cancérogènes, car il n’y a ni tabac ni combustion. Globalement, elle contient de 9 à 450 fois moins de substances toxiques.
Face à ces faits bien établis, des inconnues subsistent. La pharmacocinétique de la nicotine délivrée par la cigarette électronique est plus proche de celle de la cigarette que des substituts nicotiniques. Ceci pose alors la question de possibles effets cathécolergiques (augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle) et dans ce domaine, les données manquent. Les effets toxiques potentiels à long terme d’une inhalation prolongée sont, par manque de recul, non connus. L’impact de la surchauffe, qui pourrait accroître les taux de formaldéhyde, et de la meilleure délivrance de la nicotine avec les systèmes de dernière génération est également mal précisé. Deux études publiées en 2014 sont rassurantes quant aux effets cardio-vasculaires de la e-cigarette, qui ne modifierait pas la circulation coronaire ni les paramètres écho-Doppler de la fonction ventriculaire gauche.
Son efficacité dans le sevrage tabagique ne paraît pas supérieure à celle des substituts nicotiniques, mais selon une étude Cochrane, elle faciliterait la réduction de la consommation de tabac. Cette même analyse conclut à l’absence de risque accru pour la santé avec deux ans de recul.
Enfin la diffusion de la cigarette électronique soulève des questions de santé publique. Son interdiction dans les lieux publics semble plus utile pour ne pas renormaliser l’acte de fumer que pour protéger du vapotage passif. Son rôle dans l’entrée vers le tabagisme des mineurs reste à préciser. Par ailleurs, des normes et des contrôles qualité doivent être mis en place. Des normes AFNOR sont en cours d’élaboration afin d’établir des critères de transparence et de sécurité.
« En pratique, la e-cigarette ne doit être ni recommandée, ni diabolisée. En première intention, il faut utiliser ce que l’on connaît (substituts et autres traitements pharmacologiques du sevrage, thérapies cognitives et comportementales), a indiqué le Pr Daniel Thomas. Mais si un patient a déjà adopté la cigarette électronique, il faut lui dire que c’est meilleur que la poursuite du tabagisme et l’aider à gérer au mieux son utilisation. En particulier, un sevrage complet des cigarettes est essentiel car il n’y a pas de petit tabagisme sans risque. Chez le patient coronarien ou insuffisant cardiaque, vigilance et prudence s’imposent, notamment du fait des possibles effets cathécolergiques du vapotage compulsif. Enfin la e-cigarette doit être formellement déconseillée aux non-fumeurs, aux ex-fumeurs et ex-vapoteurs, ainsi qu’aux mineurs ».
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