LA PILULE ANTI-OBÉSITÉ Mysimba a obtenu son sésame européen le 26 mars, à la grande joie de son fabricant, le Californien Orexigen Therapeutics, dont ce médicament est le seul de son portefeuille. Et au grand dam de la France, qui a tout fait pour que cela n’arrive pas.
Mysimba est une combinaison de deux molécules connues, la naltrexone, indiquée dans la dépendance à l’alcool et aux opiacés et commercialisée sous le nom de Revia (et génériques), et le bupropion, utilisé dans la dépendance au tabac, connu sous le nom commercial de Zyban. L’agence du médicament américaine (FDA) a donné son aval à ce médicament en septembre 2014, commercialisé sous le nom de Contrave. En Europe, seules la France et l’Irlande se sont élevées contre l’arrivée de Mysimba dans un « minority statement », précise Joseph Emmerich, à la tête de la direction des médicaments en cardiologie, endocrinologie, gynécologie et urologie de l’Agence du médicament française (ANSM). Le moins que l’on puisse dire, c’est que la France y est fortement défavorable. Pourquoi ? « Parce que son efficacité est limitée dans les études pivotales (perte de poids inférieure à 5 % du groupe référent versus groupe placebo). Parce qu’il existe des incertitudes quant au maintien de la perte de poids à l’arrêt et à un risque de rebond. Parce que le dossier présente une absence de données sur la sécurité cardio-vasculaire. Parce qu’il y a des incertitudes sur le risque neuropsychiatrique dues à la présence de bupropion (risques connus de convulsion, dépression, suicide). Et parce que la tolérance est limitée puisque 50 % des patients inclus dans les études les quittent pour cause d’effet indésirable. » Estimant que Mysimba « n’a pas sa place dans l’arsenal thérapeutique », la France est allée défendre sa position devant la Commission européenne. Elle a rallié l’Irlande, l’Autriche et l’Italie à sa cause. Insuffisant.
Risque sanitaire.
Certains diraient que l’ANSM est échaudée par les nombreux ratés des pilules contre l’obésité : l’Acomplia (rimonabant) de Sanofi n’aura pas tenu 18 mois ; le Sibutral (sibutramine) d’Abbott a disparu en 2010 ; la version sans prescription de l’orlistat, Alli, de GSK, a été discrètement retirée du marché français après 3 ans de commercialisation ; sans oublier le scandale du Mediator. La France a aussi rejeté la demande d’autorisation de mise sur le marché européenne d’un autre antiobésité, le Qsiva (phentermine/topiramate) en octobre 2012, dossier dont elle était le rapporteur. Et l’ANSM s’est inquiétée, fin décembre, de prescriptions détournées de baclofène dans la perte de poids, dont la recommandation temporaire d’utilisation ne concerne que la dépendance à l’alcool.
Mais la France a aussi récemment donné son aval, avec les 27 autres membres de l’Union européenne, à l’octroi d’une AMM à Saxenda (liraglutide) de Novo Nordisk, déjà utilisée dans le diabète de type 2 sous le nom de Victoza. Dans le surpoids et l’obésité, le traitement se fait par voie sous-cutanée, à l’aide d’un stylo injectable, dans l’abdomen, la cuisse ou le haut du bras. Saxenda et Mysimba devraient être rapidement disponibles sur le marché français. Sauf si Orexigen décide de ne pas commercialiser son produit en France, dont il connaît la nette opposition. S’il arrive sur le marché français, il devra encore obtenir une éventuelle prise en charge, la Haute Autorité de santé devra indiquer la place qu’elle lui réserve dans l’arsenal thérapeutique et l’ANSM aura encore le loisir d’encadrer sa prescription, par exemple en la limitant à certains médecins, pour certains malades, pour une durée de traitement définie. Le directeur de l’ANSM, Dominique Martin, est limpide sur le sujet : « Nous prendrons nos responsabilités quant au risque sanitaire, et non par rapport à un risque contentieux. »
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