LA CONTRACEPTION permanente est la première méthode de régulation des naissances pratiquée dans le monde. Selon les chiffres de l’ONU, cités par la directrice de recherche à l’INSERM Nathalie Bajos, 19 % des femmes y recourent, de préférence au stérilet (14 %) ou à la pilule (9 %). Elles sont même 26 % en Amérique latine à la choisir et 23 % en Asie.
Toute autre est la situation en France, où seulement 2,3 % des femmes utilisent la contraception définitive. Et très peu nombreux sont les hommes qui demandent une vasectomie. Ils seraient moins de 1 500 par an… contre 25 000 aux Pays-bas, par exemple !
Il faut dire que la contraception permanente pâtissait jusqu’en 2001 d’un flou législatif : elle n’était ni autorisée ni interdite. Grâce à la loi du 4 juillet, les personnes majeures et suffisamment éclairées par leur médecin peuvent y recourir, après un délai de réflexion de 4 mois. La Haute Autorité de santé (HAS) a depuis reconnu l’intérêt de trois méthodes en 2007 : la vasectomie, pour les hommes, la ligature des trompes, et Essure, une nouvelle procédure qui, à la différence de la cœlioscopie, ne nécessite pas d’intervention ni d’anesthésie : 2 micro-implants sont placés par voie vaginale dans les trompes de Fallope, qui se rebouchent naturellement au bout de 3 mois. Enfin, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) préconise, parmi ses recommandations d’octobre 2009, de « présenter la stérilisation parmi les moyens de contraception ».
Malgré ces dispositions législatives, la contraception permanente reste méconnue en France. Sombres réminiscences des politiques eugénistes de « stérilisation » qui ont eu cours à l’étranger au début du XXe siècle ? Conséquence de la tradition nataliste de l’Hexagone, où la transition démographique fut précoce ? À ces hypothèses s’ajoute également ce que Nathalie Bajos appelle « le couple stérilet-pilule » : selon la chercheuse, ces deux méthodes réversibles sont presque unanimement prescrites par les médecins, selon un schéma rigide (pilule pour les plus jeunes, puis stérilet) qui exclut les autres types de contraception, quels que soient les parcours des femmes, aujourd’hui extrêmement divers. « Le droit des femmes à maîtriser leur fécondité est acquis, mais pas la possibilité d’une identité sociale indépendante de la maternité : une femme sans enfant a un statut différent », explique Nathalie Bajos, ajoutant que ces représentations touchent l’ensemble de la population, y compris le corps médical. « L’important est au contraire que les patientes disposent de toute la palette de méthodes contraceptives et soient bien informées. »
Avoir le choix.
Carine Favier, présidente nationale du Planning familial, a recueilli de nombreux témoignages des femmes qui participent aux groupes de parole de l’association. Son constat se résume en quelques lignes : peu de médecins parlent de contraception définitive si la patiente n’aborde pas le sujet. Et beaucoup la limitent à celles qui ne supportent pas les effets secondaires de méthodes réversibles, qui ont dépassé les 40 ans et ont de préférence déjà procréé. « Il est dur d’exprimer son désir de ne pas avoir d’enfants ! », s’insurge Carine Favier. Pourtant, souligne-t-elle, les femmes qui reviennent sur leur décision sont des exceptions, et ont souvent été influencées dans leur choix par des contre-indications médicales relatives à la grossesse. Sur 1 200 femmes ayant eu recours à la contraception définitive à Dunkerque, seule une le regrette.
Les médecins connaîtraient enfin mal les textes réglementaires, selon la présidente du Planning : ainsi, 24 % des gynécologues demanderaient l’avis du compagnon, ce qui n’est pas indiqué par la loi. Hochement de tête des médecins. Sergine Heckel, gynécologue à l’hôpital Saint-Joseph Saint-Luc de Lyon, et David Serfaty, de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, mettent également en cause la formation des professionnels de santé. « Si les médecins hésitent, ils ont à leur disposition les recommandations de la HAS et de l’IGAS. Nous devons donner des renseignements sur toutes les méthodes et ce, quel que soit l’âge », affirme le Dr Serfaty. « Nous, professionnels, avons un effort à faire dans la formation initiale et continue », reconnaît également le Pr Francis Puech, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). « Aux Pays-Bas, le médecin discute de toutes les solutions avec les couples et la stérilisation est un sujet très libre dans les familles », témoigne de son côté le Dr Michael Vleugels, gynécologue à l’hôpital Riverland à Tiel, aux Pays-Bas.
Mais au-delà des professionnels sensibilisés par le sujet, la contraception définitive a du mal à s’imposer dans le débat français. Un arrêté du 26 mai 2010 remet en cause le remboursement de la méthode Essure pour les femmes de moins de 40 ans (la ligature des trompes est, elle, remboursée sans aucune condition). Les associations, dont le Planning familial, ont lancé une démarche auprès du Conseil d’État pour demander la suppression de cette limitation de l’âge. Selon les gynécologues et chercheurs présents, le législateur est encore empreint d’un certain regard moral, qui jugerait, comme pour l’avortement dans les années 1970, que les femmes auraient avec Essure un accès trop rapide, voire irresponsable, à la contraception définitive.
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