Le foie et le tractus gastro-intestinal sont intimement liés par des connexions anatomiques et physiologiques. Le foie est irrigué pour 75 % par la veine porte et ainsi exposé aux nutriments, toxines, antigènes alimentaires ou micro-organismes venant du tube digestif.
Les données actuelles tendent à prouver qu'une altération de la barrière intestinale est une étape précoce dans le développement de maladies hépatiques (stéatose, fibrose ou cirrhose). Cette altération est une porte ouverte à la translocation de lipopolysaccharides (LPS) à fort potentiel inflammatoire. L'existence de dysbioses (altérations) place le microbiote intestinal comme un cofacteur essentiel à la survenue de pathologies hépatiques dont la MAF.
« Il est maintenant établi que la consommation chronique d'alcool provoque une modification de la proportion des grandes familles composant le microbiote et une réduction de la diversité bactérienne, rappelle le Pr Emmanuel Haffen, du CHU de Besançon. D'autre part, une consommation régulière modifie les métabolites produits par le microbiote : elle augmente la concentration de LPS et diminue l'expression des peptides antimicrobiens impliqués dans l'immunité innée au niveau de la barrière biologique intestinale. »
L'alcool agit via son métabolite, l'acétaldéhyde, formé par certaines bactéries intestinales. La dysbiose provoquée par l'alcool pourrait jouer un double rôle dans la survenue de la MAF, d'une part en altérant l'étanchéité de la barrière intestinale, d'autre part comme source de LPS ou autres composants bactériens (acides gras à chaîne courte, acides biliaires secondaires) capables d'induire une cascade de processus inflammatoires. Afin de démontrer le rôle causal du microbiote, des microbiotes de patients alcooliques ont été transférés à deux groupes de souris axéniques, l'un sans hépatite alcoolique et l'autre avec une hépatite sévère. Après alcoolisation, les lésions développées étaient plus sévères dans le groupe ayant reçu le microbiote avec une hépatite sévère. Preuve que le microbiote transmet la susceptibilité individuelle à développer des lésions hépatiques graves.
Identifier les bactéries protectrices
« Il a été démontré que tous les patients alcooliques n'avaient pas les mêmes modifications du microbiote, remarque Anne-Marie Cassard, chercheuse à l'Inserm. À consommation d'alcool équivalente en quantité et en durée, une majorité d'entre eux ne développera que de lésions peu sévères, seule une minorité évoluera vers une hépatite, une fibrose ou une cirrhose. »
Certaines bactéries digestives pourraient produire des molécules délétères participant ainsi aux maladies alcooliques du foie, comme au processus addictif en soi. L'identification de la nature des bactéries impliquées et des voies métaboliques qu'elles modulent permettront de développer une recherche translationnelle. L'analyse de la composition du microbiote intestinal à l'aide de biomarqueurs pourrait être un outil diagnostique permettant d'identifier les individus à risque. « Mieux encore, il apparaît que la dysbiose et l'augmentation de la perméabilité de la barrière digestive sont corrélées à la sévérité des symptômes anxieux et dépressifs et à l'intensité du craving lors du sevrage » observe Emmanuel Haffen. Inversement, la dysbiose pourrait préexister au mésusage de l'alcool et favoriser l'émergence de comportements inadaptés à l'égard de l'alcool.
Les dommages se situent non seulement au niveau local, mais également au niveau cérébral. Les liens entre dysbiose, inflammation, dépendance à l'alcool, dépression, anxiété, laissent envisager des interventions thérapeutiques qui ciblent directement le système digestif et le microbiote en particulier. « À court terme il est possible d'imaginer de disposer de prébiotiques comme la pectine ou de probiotiques spécifiques qui permettront d'améliorer les lésions hépatiques, en particulier chez les patients non abstinents », suggère Anne-Marie Cassard. Le concept est récent et la majorité des études ont utilisé des mélanges de souches bactériennes. Aujourd'hui, elles ne permettent pas d'identifier les effets produits par chacune des souches ni les mécanismes mis en jeu. Les transplantations fécales constituent une nouvelle voie de recherche clinique pour la prévention et le traitement.
D'après une conférence de presse de la Fondation pour la recherche en alcoologie.
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