DANS LA LISTE DES APPELS à projets retenus par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) publiée le 29 août sur son site figure « Développer et renforcer les méthodologies et le réseau de pharmacovigilance dans le centre de référence français pour l’hypertension artérielle pulmonaire : du mécanisme iatrogène à l’élucidation de la pathogenèse de la maladie » qui sera réalisé dans le cadre du Centre de référence de l’Hypertension Pulmonaire Sévère dirigé par le Pr Gérald Simonneau (Université Paris-Sud, Service de Pneumologie, Hôpital de Bicêtre, AP-HP).
Le projet a reçu une dotation de 400 000 euros. « Ce financement va permettre de mettre en place un réseau de vigilance au sein du réseau national de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et nous aider à comprendre pourquoi certains médicaments provoquent une HTAP » explique le Dr David Montani (hôpital Bicêtre, Paris). Ces dernières années, plusieurs travaux sur les HTAP induites par les médicaments ont été publiés par cette équipe, notamment par les Dr Laurent Savale, le Dr Marie-Camille Chaumais et les Prs Marc Humbert et Gérald Simonneau.
Les "épidémies".
Le titre de la nouvelle revue* sur le sujet « hypertension artérielle pulmonaire induite par les médicaments : une récente épidémie » se veut volontairement provocateur. « Nous avons connu une « épidémie » d’HTAP dans les années 80 en lien avec l’utilisation des anorexigènes, précise le Dr Montani, puis une deuxième avec le benfluorex plus récemment. Nous avons en effet rapporté 70 cas d’HTAP associée au benfluorex et nous faisons face à de nouveaux cas avec l’arrivée de nouveaux médicaments, comme le dasatinib.» Le terme « d’épidémie » est ainsi sans doute très exagéré face à une maladie qui reste particulièrement rare (moins de 0,5% des patients exposés) mais « il est volontairement choisi pour signifier un nombre significatif de cas par rapport à l’incidence habituelle de l’HTAP idiopathique, de l’ordre de 2 par million » assure le Dr Montani.
L’HTAP est une maladie rare définie par élévation de la pression artérielle pulmonaire moyenne de 25 mmHg conduisant à une augmentation des résistances artérielles pulmonaires, une insuffisance cardiaque droite et le décès. Dans la classification en vigueur, le groupe 1 regroupe toutes les HTAP idiopathiques, héréditaires ou associés aux connectivites, liées aux atteintes congénitales, à l’infection VIH, l’hypertension portale, et l’HTAP induites par les médicaments. Les autres groupes sont en lien avec des pathologies cardiaques ou pulmonaires existantes.
Récemment une série de 9 cas d’HTAP a été décrite avec le dasatinib par le réseau français HTAP. Le dasatinib est un inhibiteur des tyrosine kinases dont le chef de file est l’imatinib, actuellement indiqué dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique (LMC). Les cas d’HTAP sont survenus principalement chez des femmes jeunes et contrairement aux anorexigènes, toutes les HTAP se sont déclarées en cours de traitement ( en moyenne après 34 mois de traitement). Au moment du diagnostic, les patients présentaient un tableau clinique et hémodynamique sévère nécessitant pour certains une prise en charge en unité de soins intensifs.
Surveiller un essoufflement inexpliqué.
« Il n’est pas question de suspendre ce traitement qui a montré son efficacité dans la prise en charge de la LMC. Les inhibiteurs de tyrosine kinases comme l’imatinib ont transformé le pronostic de cette maladie. Mais ce travail a permis d’alerter les médecins de la nécessité de surveiller l’essoufflement et l’échographie cardiaque des malades traités par dasatinib, et penser à éliminer l’HTAP en cas d’essoufflement inexpliqué. Cela a d’autant plus d’inétrêt que dans notre expérience, l’HTAP peut régresser au moins en partie à l’arrêt du dasatinib » remarque le Dr Montani. Les patients avaient tous reçu auparavant un inhibiteur de tyrosine kinase sans complication, ce qui suggère qu’il s’agit plus d’un effet lié à la molécule elle-même plutôt qu’à un effet classe.
Les interférons alpha et bêta sont également soupçonnés d’augmenter le risque d‘HTAP chez des patients à risque (notamment d’hypertension portopulmonaire chez des patients présentant une cirrhose associée à l’hépatite C et traité par interféron). Trois cas sont également répertoriés avec un traitement par l’interféron bêta chez des patients atteints de sclérose en plaques.
Comprendre aussi.
« Le projet est destiné à créer un réseau de pharmacoviligance national pour créer une veille sanitaire au sein du réseau français de l’HTAP. Compte tenu du faible nombre de cas, il est toujours difficile de faire le lien entre un médicament et la découverte d’une HTAP. Ce réseau devrait permettre de détecter précocement des signaux faibles de pharmacovigilance et d’identifier précocement des médicaments à risque d’HTAP. Ce projet permettra aussi de développer la recherche sur les mécanismes des HTAP induites par les médicaments, au sein du laboratoire de recherche INSERM U999 Hypertension Artérielle Pulmonaire: Physiopathologie et Innovation thérapeutique » conclut David Montani.
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