Un organe par défaut. C'est un peu la découverte faite - par hasard - par David Carr-Locke et Petros Benias, à l'hôpital Mount Sinai Beth (Israël).
À l'automne 2015, les deux médecins sondent la voie biliaire d'un patient avec une technique récente - l'endomicroscopie confocale, mise au point par l'entreprise française Mauna Kea Technologies - qui permet d'examiner les tissus vivants grâce à une sonde laser. Ils observent alors une série de cavités connectées entre elles et qui ne correspondent à aucune anatomie décrite jusque-là. Perplexes, ils interrogent l'expertise d'un pathologiste. Mais lorsque celui-ci tente de fixer les mêmes tissus sur des lames pour les observer au microscope, l'étrange structure a disparu… Les scientifiques comprennent alors que la technique de microscopie classique, qui évacue tout le fluide présent, a entraîné l'effondrement du réseau de protéines maintenant l'espace ouvert pour la circulation de celui-ci. Seul l'usage de l'endomicroscopie confocale permet de résoudre le problème. Et de confirmer l'existence de ce 80e organe, l'interstitium. L'étude publiée par David Carr-Locke et Petros Benias dans Scientific reports montre ainsi que la couche de tissus que l'on croyait compacte - et qui sont retrouvés sous la surface de la peau et le long du système digestif, des poumons et des voies urinaires, autour des artères et des veines, et entre les muscles - sont en réalité des compartiments interconnectés, remplis de fluide, soutenus par un réseau de protéines fortes (collagène) et flexibles (élastine), un organe à part entière.
Le rôle principal de l'interstitium pourrait être d’absorber les chocs reçus par le corps et de protéger ainsi les tissus et organes qu’il entoure. Mais aussi, parce que l’interstitium se déverse dans le système lymphatique, de contribuer aux défenses immunitaires en facilitant la circulation de substances et de cellules via le réseau lymphatique. Problème, les cellules cancéreuses provenant des tumeurs pourraient aussi emprunter l'interstitium pour propager des métastases. Voilà pourquoi la compréhension du fonctionnement de l’interstitium pourrait ouvrir de nouvelles pistes à la recherche anticancéreuse.
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