TOUT COMMENCE en 2008. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2009, les parlementaires votent la réintégration du budget médicaments dans le forfait de soins des EHPAD* au 1er janvier 2011. Mais auparavant, ils décident d’expérimenter la mesure pendant un an. En décembre 2009, environ 280 EHPAD se lancent donc dans l’aventure. L’occasion de tester également un nouveau rôle pour les officinaux, celui de pharmacien référent. « Il s’agit de changer en profondeur le rôle du pharmacien d’officine qui, au-delà de son rôle traditionnel de fourniture des médicaments, se voit attribuer un rôle central d’expertise pharmaceutique », expliquait alors Nora Berra, pas encore nommée secrétaire d’État à la Santé, mais à la tête du secrétariat d’État aux Aînés. En pratique, le pharmacien référent doit établir une liste de médicaments à utiliser de façon préférentielle, vérifier les prescriptions, former et informer les professionnels et assurer le suivi des consommations. En contrepartie, l’officinal perçoit 0,35 euro par jour et par résident.
Enquête de terrain.
En même temps que l’expérimentation se déploie sur le territoire, « le Quotidien » mène l’enquête auprès de confrères expérimentateurs. À chaque étape de ce tour de France des pharmaciens référents, les inquiétudes se confirment. En Alsace, Daniel Muller pointe ainsi le problème lié aux produits onéreux qui, selon lui, devraient être exclus du budget médicament. « La première année, on devrait arriver à ne pas dépasser l’enveloppe, mais, dès la deuxième, ce sera plus difficile », augure-t-il. En Seine-Maritime, Nathalie Venard s’inquiète de la taille du forfait alloué aux résidents, tandis que Claude Guesdon, installé dans l’Oise, craint de ne pas pouvoir s’impliquer autant qu’il le souhaiterait. Des points positifs ressortent également. Dans le Pas-de-Calais, Patricia Bayard voit ainsi dans l’implication des officinaux dans les maisons de retraite, « l’avenir de la pharmacie, doublé de l’intérêt du travail avec le médecin coordonnateur ». En Haute-Vienne, Laurent Gasnier et Fabien Gavinet constatent pour leur part une meilleure gestion du médicament, même si les économies ne sont pas à la hauteur de ce que l’on pouvait espérer. Enfin, en Gironde, Patrice Holveck, n’y va pas par quatre chemins : « si les officines ne s’impliquent pas sur ce marché, il partira dans d’autres mains ».
Le pharmacien référent reconnu.
Les réserves soulevées par les confrères sont également relevées par l’administration. Dans son rapport d’évaluation de l’expérimentation, l’IGAS note ainsi des risques de refus d’admission de certains patients. « Les EHPAD avec PUI** refusent d’ores et déjà d’admettre certaines personnes âgées aux traitements médicamenteux trop coûteux », observent les auteurs. Ces derniers craignent la multiplication des hospitalisations injustifiées de résidents dès lors que leurs traitements deviennent trop onéreux, ou l’instauration de traitements moins coûteux mais inadaptés. Ils doutent également du bien fondé de la création de PUI par des groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) qui menacerait la viabilité d’officines, en particulier en zone rurale. Or, expliquent-ils, « la fermeture de ces officines aurait des conséquences particulièrement délétères pour la santé publique et serait financièrement coûteuse pour les dépenses publiques ». Une bonne nouvelle cependant : l’IGAS considère que le pharmacien référent marque l’une des avancées de l’expérimentation. Les auteurs recommandent même « l’inscription de sa place et de sa rémunération dans un texte réglementaire ». Ils préconisent également la finalisation des textes en cours relatifs aux conventions EHPAD-Officines et à la préparation des doses à administrer (PDA).
Les conclusions du rapport de l’IGAS ne sont pas restées lettre morte. Les parlementaires en ont en effet tenu compte lors de l’examen du PLFSS pour 2011. Ils ont ainsi voté la poursuite de l’expérimentation pendant deux ans, repoussant la réintégration du budget médicament dans le forfait de soins des EHPAD à 2013. De même, la possibilité pour des GCSMS de gérer une PUI pour plusieurs établissements est reportée au 1er janvier 2013. Toutefois, dans le cadre de l’expérimentation, un unique GCSMS pourra être constitué afin de constituer une PUI.
On le voit, les pouvoirs publics hésitent encore à réinstaurer le système de forfaitisation des dépenses de médicaments dans les maisons de retraite. Et la prolongation de deux ans de l’expérimentation permet surtout de ne pas trancher la question dans l’immédiat. En tout cas, pas avant la prochaine élection présidentielle.
**Pharmacie à usage intérieur.
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