Les académies se penchent sur l'arsenal anti-diabétique

Les traitements du diabète se technicisent

Par
Publié le 18/12/2017
Article réservé aux abonnés
Une récente séance commune aux deux Académies de médecine et de pharmacie a permis de passer en revue les progrès les plus marquants de la lutte contre le diabète, maladie qui revêt désormais la forme d’une véritable épidémie.
pompe

pompe
Crédit photo : CHU MONTPELLIER/PHANIE

Le pancréas artificiel biomécanique, associant un enregistrement continu de la glycémie à une pompe à insuline, a montré ses avantages au regard d’un meilleur contrôle de l’hyperglycémie et pour la prévention des hypoglycémies, a indiqué Jacques Bringer (membre de l’Académie nationale de médecine) dans son intervention.

Certains capteurs, qui mesurent le glucose interstitiel sous-cutané - dont la durée de vie est de 1 à 2 semaines -, permettent de prédire la pente de la glycémie dans les heures qui suivent. Munis d’alarme ils peuvent alerter le diabétique des risques d’hypo ou d’hyperglycémie, ce qui lui permet de corriger de façon réactive les risques induits par ces dérives glycémiques.

La modulation fine et réactive autorisée par ces dispositifs de contrôle du débit de perfusion de l’insuline permet (depuis 2006), par rapport au schéma classique basal-bolus par multi-injections, de mieux s’adapter aux variations des besoins en insuline occasionnées par l’activité physique, le stress et les prises alimentaires. De plus, de nombreux modèles de pompes à insuline incorporent un calculateur de bolus prenant en compte les glycémies pré-prandiales, les glucides consommés et le débit de base d’insuline en cours.

Mono ou bi-hormonal ?

Encore plus perfectionnés, des dispositifs intégrant la possibilité de délivrer concomitamment de micro-doses de glucagon (pancréas bi-hormonal) ont pour ambition de prévenir et de traiter plus efficacement les hypoglycémies.

Les premiers essais cliniques réalisés ont montré, surtout à partir de 2014 « en conditions de vie réelle » à domicile, la faisabilité et le bénéfice potentiel de ces techniques, diminuant non seulement le risque hypoglycémique, mais aussi en améliorant le contrôle glycémique global (temps passé dans les valeurs cibles glycémiques). Cela étant, des problèmes techniques demeurent en ce qui concerne le pancréas artificiel bi-hormonal : encombrement (plusieurs pompes et tubulures), risque de dégradation de la forme de glucagon actuellement disponible.

Il existe même des projets de pancréas artificiel multi-hormonal, ajoutant l’infusion d’amyléine, une substance qui réduit l’hyperglycémie post-prandiale via un ralentissement de la vidange gastrique.

Parmi les évolutions attendues figurent l’intégration du logiciel gérant l’algorithme pilotant la pompe au niveau même de celle-ci, reliée sans fil au capteur de glucose, une modulation plus fine, réactive et individualisée des paramètres commandant l’algorithme, ainsi que l’arrivée prochaine d’une insuline ultra-rapide qui va réduire l’inertie de la réponse aux variations glycémiques.

Pancréas bioartificiel : les recherches avancent…

Cette autre approche, abordée par Séverine Sigrist (Centre européen d’étude du diabète, Présidente d’Alsace Bio Valley) vise ni plus ni moins qu’à guérir le diabète de type 1 grâce à la transplantation d’îlots pancréatiques ou l’insertion d’un pancréas bioartificiel ; cette dernière approche mobilisant actuellement un intense effort de recherche.

Les premières greffes d’îlots de Langerhans humains remontent au début des années soixante-dix, avec des résultats assez décevants, le taux d’insulino-indépendance n’étant que de 9 % à 1 an. Mais ce taux va progresser en 2000 par la mise en œuvre d’un nouveau protocole (infusion dans la veine porte aboutissant à la fixation des cellules sécrétrices d’insuline dans le foie) associé à un meilleur traitement immunosuppresseur. Les chiffres les plus récents montrent une insulino-indépendance à 1 an chez 50 % des patients, mais aussi un déclin progressif ensuite (20 % d’insulino-indépendance à 5 ans).

Mais les greffons manquent…

Parmi les problèmes liés à cette approche figure la faible disponibilité de greffons (2 ou 3 donneurs décédés sont nécessaires pour constituer un seul greffon). Les solutions étudiées concernent les cellules d’origine animale (surtout le porc), mais avec le risque de zoonoses, et, surtout actuellement, les cellules-souches. Les plus grands espoirs se focalisent sur les cellules dites iPS (induced pluripotent stem cells) obtenues par reprogrammation de cellules différenciées en cellules-souches. Depuis 2014, on sait qu’il est possible de produire in vitro des cellules productrices d’insuline à partir de cellules-souches. Néanmoins, une difficulté majeure est représentée par le risque d’induction de mutations et d’activation d’oncogènes lors du processus de reprogrammation.

Enfin, une démarche connexe, en plein développement (certains projets sont très avancés), réside dans l’insertion au sein de l’organisme (péritoine le plus souvent) d’un pancréas bioartificiel dans lequel des cellules sécrétrices d’insuline sont encapsulées (micro ou macro-encapsulation selon le type de dispositif) afin de protéger les cellules transplantées du système immunitaire du receveur et de protéger le receveur des cellules transplantées.

Le pancréas bioartificiel laisse entrevoir de nouveaux espoirs de traitement du diabète de type 1 en combinant une approche de thérapie cellulaire sécurisée pour le patient et sans immunosuppresseur.

 

D'après une séance commune de l'Académie nationale de pharmacie et de l'Académie nationale de médecine.

Didier Rodde

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3398