DEPUIS le mois de décembre dernier, 285 EHPAD* expérimentent la réintégration du budget médicament dans les forfaits de soins. La mesure doit devenir effective le 1er janvier 2011. Mais, auparavant, le gouvernement doit consigner les conclusions de cette expérimentation dans un rapport qu’il remettra au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2010.
Les députés et les sénateurs auront donc le dernier mot. Mais la chose semble d’ores et déjà entendue. Les représentants de l’État « nous ont expliqué que l’objectif de l’expérimentation était de faire en sorte que cette intégration dans le forfait de soins se passe le mieux possible », indique ainsi Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), à l’issue de la première réunion du comité national de suivi de l’expérimentation. Selon lui, ce dossier est essentiel pour le gouvernement. Pour preuve, la présence de la secrétaire d’État chargée des Aînés, Nora Berra, lors de l’installation de ce comité de suivi.
Une place pour les pharmaciens.
Les représentants des officinaux aussi étaient présents. Il faut dire que la réintégration des médicaments dans les forfaits de soins concerne directement les pharmaciens. Celle-ci va, en effet, modifier leurs relations avec les maisons de retraite. D’abord, l’officine qui approvisionne un établissement devra facturer les médicaments directement à l’EHPAD, et non plus à l’assurance-maladie ; ensuite, un pharmacien dit « référent » interviendra au sein de l’établissement pour vérifier les prescriptions, former et informer les professionnels, et assurer le suivi des consommations. En contrepartie, ce pharmacien, qui n’est pas forcément le fournisseur habituel de l’EHPAD, sera rémunéré par l’établissement 0,35 euro par jour et par résident. « On nous a bien précisé que l’objectif n’était pas d’écarter les pharmaciens du dispositif d’approvisionnement mais bien d’améliorer les soins des personnes âgées », indique Philippe Gaertner. La gestion des EHPAD « représente un enjeu pour la coordination des soins », estime pour sa part Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « L’absence de coordination risque d’écarter les pharmaciens d’officines et les médecins traitants des maisons de retraite, au profit de pharmaciens et de médecins salariés », considère-t-il.
Pratiques douteuses.
Quoi qu’il en soit, deux mois après le début de l’expérimentation, cette réunion du comité de suivi a été l’occasion de pointer les premières difficultés rencontrées. Des retards de paiement pour la fourniture de médicaments ont ainsi été relevés. Mais surtout, les représentants de l’officine se plaignent de pratiques douteuses de la part de certaines maisons de retraite. « On a demandé à des pharmaciens qui étaient à la fois fournisseurs et référents d’abandonner leur rémunération de référent », rapporte Philippe Gaertner. Un directeur aurait même souhaité que le titulaire reverse aux bonnes œuvres de l’établissement ses indemnités. D’autres feraient pression pour faire baisser les prix en mettant en concurrence plusieurs officines.
Mais ces petites irrégularités pourraient s’estomper rapidement avec la publication de l’arrêté définissant une convention type entre les officines et les EHPAD. La publication de ce texte législatif, prévu par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007, serait imminente.
En ce qui concerne le décret relatif à la préparation des doses à administrer (PDA), il faudra sans doute être plus patient. Une situation embarrassante aux yeux des syndicats de pharmaciens. « Il est anormal que l’on ait lancé l’expérimentation dans les EHPAD, alors même que le décret sur la PDA n’est pas sorti, laissant ainsi les officinaux sans cadre juridique », s’indigne Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). « La PDA fait partie de l’expérimentation, renchérit Philippe Gaertner. Or, nous sommes actuellement dans un vide juridique inacceptable ».
Éviter la sélection.
Autre sujet d’inquiétude : le montant du forfait journalier attribué à chaque résident pour leurs médicaments. En effet, beaucoup craignent qu’il soit vite dépassé, en particulier chez les personnes âgées ayant des traitements coûteux. D’où l’idée de créer une « liste en sus » des médicaments onéreux n’entrant pas dans le champ du forfait. Une façon d’éviter la sélection des patients à l’entrée des EHPAD. Mais, pour l’heure, les pouvoirs publics seraient tentés d’inscrire un minimum de spécialités sur cette liste. Par exemple, les traitements de la DMLA** n’y figureraient pas. « Les patients bénéficiant de traitements coûteux risquent d’être transférés vers des structures d’HAD », craint Gilles Bonnefond.
Au final, les syndicats semblent encore avoir des doutes sur le bien fondé de l’intégration du budget médicaments dans le forfait de soins. « Nous avons identifiés les problèmes, résume Philippe Gaertner. Nous attendons maintenant de voir comment ils seront traités ». Une prochaine réunion du comité de suivi est prévue pour la mi-mars.
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