Les mots du client
- « Le docteur dit qu’une simple angine peut avoir des conséquences graves plus tardivement !
- J’ai des douleurs dans la gorge quand je mange ou bois. C’est une angine ?
- Mon petit garçon est gêné à la déglutition, a de la fièvre et des douleurs dans l’intestin… Y a-t-il un médicament efficace ?
- Pourriez-vous m’expliquer ce qu’est une angine ?
- Mon père souffre d’un rhumatisme qui serait venu à la suite d’un mal de gorge… Est-ce possible ? »
Un peu d’épidémiologie
Avec quelque 9 millions de cas diagnostiqués chaque année en France, les angines sont à l’origine de dépenses de santé d’autant plus importantes pour la collectivité qu’elles sont souvent inutiles et qu’elles contribuent au développement de résistances bactériennes justifiant les campagnes de sensibilisation des prescripteurs comme du grand public. C’est dans ce contexte que l’AFSSAPS a réactualisé en 2011 ses Recommandations portant sur le traitement des infections respiratoires hautes, incluant la prise en charge des angines.
Rappel physiopathologique
L’angine est une inflammation d’origine infectieuse du tissu lymphoïde amygdalien et/ou de la muqueuse oropharyngée. Elle peut avoir une étiologie virale ou bactérienne.
Angines virales. Entre 60 % et 90 % des angines simples, érythémateuses, sont d’origine virale : elles impliquent notamment des adénovirus, le virus influenzae, le virus respiratoire syncytial, le virus para-influenzae, etc. (plus rarement d’autres types de virus : coxsackies, herpes,…, se présentant alors sous une forme dite vésiculeuse décrite ci-dessous).
Angines à streptocoques A. L’angine peut, de façon moins fréquente, avoir pour origine une infection par un streptocoque ß-hémolytique du groupe A (SGA ou SBHA) : cette situation, concernant 25 % à 40 % des angines de l’enfant et 10 % à 25 % des angines de l’adulte, s’observe notamment à partir de l’âge de 3 ans avec un pic d’incidence entre 5 ans et 15 ans ; elle devient exceptionnelle après 45 ans.
Les angines à SGA évoluent souvent favorablement, même en l’absence de traitement, et régressent en trois à quatre jours. Pour autant, elles peuvent être à l’origine de complications parfois sévères (syndrome post-streptococcique) : rhumatisme articulaire aigu (RAA), glomérulonéphrite aiguë (GNA), complications septiques locales ou systémiques. Même si elles restent rares (entre 0,13 et 0,17 cas pour 100 000 dans les pays occidentalisés), leur prévention justifie l’intérêt d’une antibiothérapie adaptée.
Les GNA n’ayant que rarement pour origine une infection pharyngée, leur incidence n’est guère modifiée par un traitement antibiotique (d’autant qu’aucun élément factuel ne permet d’affirmer que les antibiotiques préviennent la constitution d’une glomérulonéphrite).
De la même façon, l’incidence des complications suppuratives locorégionales (phlegmon amygdalien, abcès rétropharyngé, adénite cervicale suppurative, otite moyenne aiguë, sinusite, mastoïdite, cellulite cervicale) a aussi diminué (‹ 1% des cas dans les pays industrialisés), qu’il y ait ou non traitement antibiotique.
Autres angines bactériennes. Des streptocoques bêta-hémolytiques des groupes B, C, F et G sont aussi responsables d’angines : ces germes n’exposent cependant pas à un risque spécifique de complications. Enfin, de nombreux autres micro-organismes peuvent également être à l’origine d’infections amygdaliennes : anaérobies (Fusobacterium, Borrelia), tréponèmes, etc. - leur incidence épidémique demeurant particulièrement faible, ils ne seront pas plus évoqués ici -.
Chez le médecin
Le patient est amené à consulter le médecin ou à prendre conseil auprès du pharmacien pour une symptomatologie toujours fortement évocatrice : gêne douloureuse à la déglutition ou à la parole, fièvre éventuelle, modifications de l’aspect de l’oropharynx, parfois également douleurs abdominales, éruption cutanée, rhinorrhée, toux, enrouement, gêne respiratoire. La présence d’adénopathies satellites n’est pas rare. Ces symptômes étant intriqués, parfois peu apparents au plan clinique voire inexistants - exclusion faite de la douleur pharyngée qui est quasiment constante -, ce sera l’examen de l’oropharynx qui permettra de poser un diagnostic et de préciser le type de l’angine, généralement « rouge » ou « blanche » :
- Angine érythémateuse. Dans cette présentation banale dite souvent « angine rouge », généralement d’origine virale mais parfois bactérienne, les amygdales comme le pharynx sont inflammatoires et congestifs.
- Angine érythématopultacée. Les amygdales sont, dans cette « angine blanche », couvertes d’un enduit blanchâtre, punctiforme, aisé à décoller, masquant une muqueuse congestive. La présence d’adénopathies sous-angulomaxillaires est fréquente. Ce type d’angine a souvent une origine bactérienne mais parfois également virale.
Il existe toutefois d’autres types d’angines, plus rarement rencontrés :
- Angine vésiculeuse. Elle se caractérise par la présence de petites vésicules au niveau du pharynx, sur une muqueuse très inflammatoire. En se rompant, ces vésicules prennent l’aspect d’érosions recouvertes d’un enduit jaunâtre. Cette présentation (dite souvent « herpangine ») signe une infection virale à coxsackies, bénigne et très banale chez le jeune enfant, parfois associée à une gingivostomatite (empêchant l’enfant de s’alimenter et de s’hydrater normalement : veiller à éviter une éventuelle déshydratation). Elle peut aussi signer une angine herpétique, notamment chez l’enfant ou le jeune adulte.
- Angine pseudo-membraneuse. Caractérisée par l’existence d’un enduit pelliculaire gris perle sur les amygdales (respectant ou non la luette) et associées à un purpura du voile du palais, elle signe une mononucléose infectieuse (adolescent, jeune adulte) ou une diphtérie (membranes envahissant de façon constante la luette). Ces deux pathologies sont susceptibles d’avoir des complications systémiques : rupture de la rate, anémie hémolytique, purpura thrombopénique, neuropathies (mononucléose), détresse respiratoire aiguë, myocardite, neuropathie (diphtérie).
- Angine ulcéreuse ou ulcéronécrotique. Dans ce cas, les amygdales sont atteintes par une érosion parfois extensive au voile du palais ou au pharynx postérieur. Appartiennent à ce type :
› L’angine de Vincent, induite par l’association d’un germe anaérobie (Fusobacterium necrophorum) et d’un spirochète (Borrelia sp.) dans un contexte d’hygiène bucco-dentaire négligée (haleine fétide, odynophagie latérale). Cette association, dite « fusospirillaire » est mise en évidence à l’examen direct du prélèvement de gorge. Cette angine peut être à l’origine d’un phlegmon amygdalien ou d’une thrombophlébite jugulaire avec, de façon exceptionnelle, survenue d’un infarctus pulmonaire (septicémie post-anginale ou syndrome de Lemierre).
› Le chancre syphilitique amygdalien ou pharyngé, avec ulcération peu profonde, peu douloureuse, indurée.
Une angine ulcéronécrotique récidivante ou rebelle doit faire évoquer une hémopathie maligne, un cancer ou une agranulocytose.
Traitement de l’angine à streptocoque A
La cible de l’antibiothérapie est simple : les angines virales ne la justifient pas, non plus que les angines à streptocoques hémolytiques n’appartenant pas au groupe A (rôle pathogène mineur, complications exceptionnelles). Le patient doit bénéficier d’une information claire : il doit comprendre que les angines virales ne relèvent pas d’une antibiothérapie et que la bonne observance du traitement est essentielle.
Qui traiter ?
Il est indispensable d’identifier les patients justiciables d’un traitement qui accélère la disparition des symptômes en cas d’angine à SGA, diminue le risque de dissémination du germe (la contagiosité est supprimée en 24 heures contre plusieurs semaines, voire quatre mois, sans traitement) et, surtout, réduit le risque de complications suppuratives régionales ou de complications non suppuratives (RAA essentiellement).
D’une façon générale, l’existence d’une toux, d’un enrouement, d’un coryza, d’une conjonctivite, de diarrhées ainsi que l’absence de fièvre sont en faveur d’une étiologie virale, tout comme la présence de vésicules et d’une stomatite, de douleurs musculaires ou articulaires : ces situations ne peuvent donc justifier le recours à une antibiothérapie.
Face à une angine érythémateuse ou érythématopultacée, aucun signe ou score cliniques n’ont de valeur prédictive positive et/ou négative absolue permettant d’affirmer l’origine streptococcique de l’infection - même si des signes sont évocateurs : caractère épidémique de l’infection, survenue brutale de la maladie, forte intensité des douleurs pharyngées et de la dysphagie, douleurs abdominales -.
Comment utiliser un test de diagnostic rapide (TDR) ?
Longtemps, seule la pratique de tests de confirmation microbiologique a permis de sélectionner les patients réellement atteints d’une angine à SGA : en France, il est toutefois peu habituel de réaliser un prélèvement pharyngé suivi d’une culture (résultat obtenu un à deux jours plus tard).
Dans la pratique actuelle, on a recours à un test de diagnostic rapide (TDR), réalisable par le praticien lui-même et systématique chez l’enfant de plus de 3 ans et l’adulte : il bénéficie d’une spécificité analogue à celle d’une culture (› 95%) et d’une sensibilité proche de 90 %, avec un résultat obtenu ici en quelques minutes :
- Un TDR positif confirmera une étiologie à SGA et justifiera la prescription d’une antibiothérapie ;
- Un TDR négatif, chez un patient sans facteur de risque de RAA, ne justifiera pas de contrôle supplémentaire systématique par culture, ni de traitement antibiotique : seuls, dans cette circonstance, s’avérera éventuellement pertinent un traitement symptomatique antalgique et antipyrétique.
Chez l’adulte, le score de Mac Isaac permet toutefois de s’affranchir du TDR s’il est ≤ 2 (car le risque est alors ‹ 5 %) : chacun des items suivants vaut 1 point : fièvre› 38 °C, atteinte amygdalienne (augmentation de volume ou présence d’exsudats), adénopathies cervicales sensibles, absence de toux ; puis, suivant l’âge, -1 point à partir de 45 ans).
Des antécédents de RAA, ou des antécédents d’épisodes multiples d’angine à SGA (ou encore des séjours en région d’endémie de RAA : Afrique, DOM-TOM), chez un sujet d’âge compris entre 5 et 25 ans, voire certains facteurs environnementaux (conditions sociales, conditions sanitaires et économiques, promiscuité, vie en collectivité fermée, etc.) constituent des facteurs de risques de RAA : dans ces situations particulières, un TDR négatif pourra être contrôlé par une mise en culture - suivie d’un traitement antibiotique si elle s’avère positive -.
Toutefois, chez un nourrisson comme chez un enfant ‹ 3 ans, le TDR reste généralement inutile car les angines observées à cet âge sont majoritairement d’origine virale et car la participation d’un streptocoque reste exceptionnelle.
Si le traitement gagne à être instauré immédiatement, il demeure efficace même s’il est mis en place plus tardivement, en pratique jusqu’au neuvième jour après l’apparition des premiers signes cliniques de l’angine : l’antibiothérapie conservant alors son efficacité sur la prévention du RAA, le médecin a donc le temps de réaliser un diagnostic de certitude.
Quel antibiotique utiliser ?
Dans la pratique, le traitement repose sur la prescription d’une lactamine ou d’un macrolide.
Bêta-lactamines :
Longtemps traitée par administration sur dix jours de pénicilline V (Oracilline), l’angine à streptocoque A fait privilégier désormais, sur six jours, la prescription d’amoxicilline à la dose de 2 g/j en 2 prises chez l’adulte et de 50 mg/kg/j chez l’enfant.
Les céphalosporines de deuxième génération (céfuroxime) et de troisième génération (céfotiam, cefpodoxime) per os ne sont prescrites qu’en cas d’allergie à l’amoxicilline, en l’absence de contre-indications. Les durées de traitement sont alors plus courtes :
- Pour le céfuroxime axétil (Zinnat et génériques), cette durée est de 4 jours. En 2 prises journalières, la posologie est de 500 mg/j chez l’adulte et l’enfant ≥ 17 kg, de 30 mg/kg/j chez l’enfant ‹ 17 kg.
- Pour le cefpodoxime proxétil (Orelox et génériques), elle est de 5 jours. En 2 prises journalières, la posologie est de 200 mg/j chez l’adulte et de 8 mg/kg/j chez l’enfant (il s’agit du traitement recommandé chez l’enfant car il est mieux accepté que la suspension de céfuroxime-axétil).
- Pour le céfotiam hexétil (Takétiam, Texodil), la durée est également de 5 jours. En 2 prises journalières, la posologie est de 400 mg/j chez l’adulte (il n’existe pas de présentation pédiatrique).
Macrolides :
En cas de contre-indication à toutes les lactamines, un macrolide pourra être prescrit.
- L’azithromycine (Ordipha, Zithromax) a une durée de traitement de 3 jours. En 1 prise quotidienne, la posologie est de 500 mg/j chez l’adulte, de 20 mg/kg/j chez l’enfant à partir de 3 ans.
- La clarithromycine (Monozéclar, Zeclar) a une durée de traitement de 5 jours. La posologie est de 500 mg/j chez l’adulte, de 15 mg/kg/j chez l’enfant, en 1 (forme LP) ou 2 (forme standard) prises journalières.
- La josamycine (Josacine) a également une durée de traitement de 5 jours. En 2 prises journalières, la posologie est de 2 g/j chez l’adulte, de 50 mg/kg/j chez l’enfant.
La résistance du SGA aux macrolides, ayant diminué depuis 2006, reste aujourd’hui ‹ 10 %.
Quels antibiotiques ne sont plus recommandés ?
D’autres antibiotiques, prescrits sur 10 jours, ne sont plus recommandés du fait d’une mauvaise observance du traitement : pénicilline V, céphalosporines de première génération orale et divers macrolides (érythromycine, midécamycine, roxithromycine, spiramycine). L’association amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin et génériques) et le céfixime (Oroken) n’ont plus d’indication d’AMM spécifique dans l’angine. Parmi les apparentés aux macrolides, la télithromycine (Ketek), du fait du risque de toxicité (risque d’effets indésirables hépatiques graves), n’est plus recommandée dans les angines. La pristinamycine (Pyostacine, Pristam) n’a pas d’efficacité prouvée dans l’angine à streptocoque.
Faut-il administrer d’autres médicaments ?
Si l’usage d’antalgiques et d’antipyrétiques est recommandé par les experts, il n’y a pas lieu de donner des anti-inflammatoires non stéroïdiens à dose anti-inflammatoire, ni des corticoïdes par voie générale, hormis dans certaines formes sévères d’angines à EBV (Epstein-Barr Virus, mononucléose infectieuse).
Traitement d’autres types d’angines aiguës
Les angines bactériennes non streptococciques relèvent d’une prise en charge particulière avec une antibiothérapie adaptée au germe, voire parfois une hospitalisation (terrain immunodéprimé, etc.).
Angines pseudo-membraneuses. Le traitement de la mononucléose infectieuse est purement symptomatique : repos, antipyrétiques, éventuelle corticothérapie. Celui de la diphtérie constitue en revanche une urgence, associant une sérothérapie à une antibiothérapie par pénicilline G pendant dix jours.
Angines vésiculeuses. Réhydratation et soins de bouche suffisent généralement ; l’administration d’aciclovir (Zovirax oral ou IV) sur 5 jours peut se justifier dans les gingivostomatites herpétiques invalidantes.
Angines ulcéreuses. Angine de Vincent comme chancre amygdalien relèvent de la prescription de pénicilline G (10 jours), avec alternative par le métronidazole (Flagyl) ou l’ornidazole (Tibéral) pour la première et par une cycline ou par l’érythromycine pour le second.
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