Les principaux médicaments
On distingue les substituts nicotiniques, présentés sous des formes très diverses, comprimés à sucer (Nicotinell, NiQuitin), pastilles à sucer (Nicopass), comprimés sublinguaux (Nicorette Microtab), gommes à mâcher (Nicogum, Nicorette, Nicotinell, NiQuitin), dispositifs transdermiques (Nicopatch, Nicotinell TTS, NiQuitin) ou encore un inhaleur (Nicorette), un médicament de type antidépresseur (bupropion-Zyban LP) et un agoniste de la nicotine (varénicline-Champix). Citons également une association de nicotinamide, thiamine, pyridoxine, vitamine C et extrait d’aubépine (Nicoprive).
Les mécanismes d’action
Les substituts de la nicotine ont pour objectif, à une posologie soigneusement adaptée, de réduire les symptômes de sevrage associés à l’arrêt du tabac et ainsi d’augmenter la probabilité d’une abstinence durable. Les comprimés sublinguaux ou à sucer ainsi que les gommes à mâcher présentent des cinétiques comparables, sous réserve de respecter le mode d’emploi spécifique à chacun.
Les timbres, quant à eux, permettent, en principe, une meilleure observance.
Le bupropion est un inhibiteur de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline.
Enfin, la varénicline représente une approche tout à fait intéressante et originale. En effet, cette substance, dérivée de la cytisine, est un agoniste très sélectif d’une catégorie particulière de récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine cérébraux (récepteurs alpha 4 bêta 2) dont la stimulation augmente la libération de dopamine au niveau de certaines structures nerveuses, neuromédiateur crédité d’un rôle important dans tous les phénomènes de dépendance. Administrée par voie buccale, la varénicline exerce un double effet : soulagement des symptômes de manque (effet agoniste partiel) et action anti-nicotine (effet antagoniste) réduisant les « effets plaisirs » liés au tabagisme.
Pharmacologie de la nicotine
La fumée de tabac renferme plus de 4 000 composés différents, dont plusieurs dizaines sont carcinogènes (le plus souvent après biotransformation dans l’organisme), mais c’est la nicotine qui est responsable de la dépendance, en l’occurrence très intense.
La nicotine, principal alcaloïde du tabac (90 à 95 % de tous les alcaloïdes) étant une amine tertiaire (autrement dit une base faible) voit sa résorption très influencée par le pH. C’est ainsi que son absorption est facilitée en pH alcalin et réduite dans le cas d’un pH acide.
Une cigarette renferme une dizaine de mg, dont 2 à 3 passent dans le sang en atteignant, grâce à la très grande surface pulmonaire, le cerveau en seulement quelques secondes ; plus rapidement que lors d’une administration intraveineuse. Cette rapidité (effet « flash » recherché par le fumeur) explique l’installation rapide d’une dépendance lorsque la nicotine est administrée par voie inhalée.
En revanche, sa biodisponibilité par voie orale est faible (environ 30 %), sa résorption est progressive et les effets se dissipent lentement ; cette voie n’entraîne donc pratiquement jamais (tout comme la voie transdermique, pour les mêmes raisons) de dépendance.
La nicotine est détruite à 95 % par le foie et son principal métabolite, la cotinine, qui a une longue demi-vie, est quasiment dépourvue d’activité pharmacologique.
La forme active de la nicotine est un ion positif ressemblant à l’acétylcholine. Mais, alors que l’acétylcholine est une molécule flexible pouvant se lier à la fois aux récepteurs muscariniques et nicotiniques, celle de la nicotine l’étant moins ne peut se fixer qu’aux récepteurs nicotiniques en les activant (activité agoniste).
Il est important de souligner qu’il existe une ontogénèse particulière des récepteurs nicotiniques et une régulation de leur expression variant en fonction du tissu, de l’âge (plus grande facilitation de l’installation de la dépendance chez le sujet jeune) et de certains facteurs pathologiques.
La nicotine agit sur un très grand nombre de systèmes biologiques, avec des effets variants selon la dose et influencés par le développement d’une tolérance.
Au niveau central, elle entraîne une stimulation de la vigilance, de l’attention et de la concentration ; alors qu’a contrario, le sevrage tabagique entraîne des troubles de la concentration et de l’apprentissage. En plus de son action directe sur les récepteurs nicotiniques postsynaptiques, la nicotine module (via des autorécepteurs) la libération de nombreux neurotransmetteurs (acétylcholine, noradrénaline, dopamine, sérotonine, bêta-endorphine) et hormones (vasopressine, hormone de croissance, ACTH, prolactine, cortisol).
Au niveau périphérique, elle entraîne une augmentation de la fréquence cardiaque et respiratoire ainsi que de la pression artérielle. Le tabagisme stimule le péristaltisme intestinal, augmente le LDL-cholestérol, diminue l’HDL-cholestérol, augmente le taux plasmatique de fibrinogène et active les plaquettes.
Posologies recommandées chez l’adulte et plans de prise
Substituts de la nicotine.
Dosage et posologie doivent être adaptés à chaque cas, en recourant éventuellement à des associations et en diminuant les prises au fur et à mesure que disparaît la dépendance. La durée de leur administration varie habituellement entre 6 semaines et 6 mois, voire plus, jusqu’à 12 mois. En dehors des patchs, les autres présentations doivent être utilisées à chaque fois que survient l’envie de fumer.
Comprimés sublinguaux :
- Nicorette Microtab : 30 comprimés dosés à 2 mg par jour au maximum. Il est conseillé de ne pas utiliser de manière régulière ce médicament au-delà de 6 mois.
Comprimés et pastilles à sucer :
Ils doivent être conservés en bouche jusqu’à dissolution complète.
- Nicopass : une dizaine de pastilles à 1,5 mg par jour, sans dépasser 30.
- NiQuitin : la posologie maximale est de 15 comprimés à 2 mg et 11 pour les comprimés à 4 mg.
Gommes à mâcher :
Les gommes doivent être mâchées une première fois, conservées contre une joue pendant environ 10 minutes, puis mâchées très lentement une vingtaine de fois durant 20 minutes. Chaque gomme doit être conservée en bouche durant environ 30 minutes. Il est conseillé de limiter leur usage à 6 mois.
- Nicogum : 23 gommes dosées à 2 mg par jour au maximum.
- Nicorette, Nicotinell : 30 gommes par jour au maximum pour les gommes dosées à 2 mg et 15 pour les gommes dosées à 4 mg.
Inhaleur :
- Nicorette inhaleur 10 mg : 6 à 12 cartouches par jour durant la phase initiale.
Dispositifs transdermiques :
Selon les produits, ils doivent être portés 16 ou 24 heures.
Nicopatch, Nicotinell, NiQuitin, Nicorette : 1 patch par jour. Le dosage (7, 14 ou 21 mg de nicotine/24 heures ou 5, 10 ou 15 mg/16 heures) devra être adapté à la réponse individuelle : augmentation de la dose si l’abstinence n’est pas complète ou si des symptômes de sevrage sont observés ou diminution en cas de suspicion de surdosage. Un traitement de 3 mois est conseillé (maximum 6 mois). Au cours de la manipulation, il est conseillé d’éviter le contact avec les yeux et le nez, ainsi que de se laver les mains après l’application.
Bupropion.
Le bupropion est administré à raison de 150 mg par jour les 6 premiers jours, puis 300 mg par jour en 2 prises espacées d’au moins 8 heures (en évitant d’absorber le produit au coucher pour diminuer le risque d’insomnie). Il est recommandé de commencer les prises avant la date effective du sevrage. Ces doses maximales ne doivent pas être dépassées. La durée conseillée du traitement est de 7 à 9 semaines.
Varénicline.
La varénicline est utilisée à raison de 0,5 mg par jour durant les 3 premiers jours, puis 0,5 mg deux fois par jour les 4 jours suivants et enfin 1 mg deux fois par jour à partir du 8e jour jusqu’à la fin du traitement recommandé, soit 12 semaines. Il est conseillé de commencer les prises 1 à 2 semaines avant la date que le sujet a prévu pour arrêter son tabagisme. Si une première cure de 12 semaines ne s’est pas montrée pleinement satisfaisante, il est possible d’en faire une seconde de même durée. Si la posologie de 1 mg deux fois par jour pose des problèmes de tolérance, celle-ci peut être réduite à 0,5 mg deux fois par jour.
Quelques cas particuliers
Grossesse et allaitement.
Les substituts nicotiniques peuvent être utilisés au cours de la grossesse chez les femmes très dépendantes, avec l’objectif d’un arrêt complet du tabagisme et du traitement avant le 3e trimestre. Cela sous contrôle médical. En cas d’allaitement, on peut utiliser les formes orales ou la forme inhaleur juste après la tétée, en s’abstenant durant les 2 heures qui précèdent la tétée suivante.
Les patchs sont déconseillés durant l’allaitement.
Le bupropion et la varénicline sont déconseillés lors de la grossesse et de l’allaitement, essentiellement du fait d’une absence de données.
Insuffisance rénale ou hépatique.
La prudence s’impose en ce qui concerne le bupropion chez les sujets présentant une insuffisance rénale ou hépatique légère à modérée. Dans ces cas, la posologie recommandée est de 150 mg par jour.
La posologie de la varénicline pourra être réduite à 1 mg une fois par jour chez les insuffisants rénaux sévère (clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/mn).
Prudence également en cas d’insuffisance rénale ou hépatique sévère pour les substituts nicotiniques.
Personnes âgées.
Prudence dans l’emploi du bupropion chez elles, en raison d’une possible augmentation de la sensibilité et sans dépasser 150 mg par jour en une prise.
S’agissant des dispositifs transdermiques, il faut savoir que la résorption de la nicotine peut être diminuée chez ces sujets, en raison de modifications des tissus sous-cutanés (lipides, eaux…), ainsi que des variations de la température corporelle liées au vieillissement.
Vigilance requise
Contre-indications absolues, en dehors de la grossesse et de l’allaitement.
Les comprimés sublinguaux sont contre-indiqués en cas d’infarctus du myocarde récent (3 mois), d’angor instable, de troubles du rythme cardiaque sévère et d’accident vasculaire cérébral récent.
Quelle que soit la forme d’administration, la prudence s’impose pour les substituts nicotiniques en cas d’ulcère gastrique ou duodénal en évolution.
Ne pas laisser les substituts nicotiniques à portée des enfants.
Le bupropion est contre-indiqué en cas d’antécédents convulsifs, dans les périodes ou existe un risque de convulsions (par exemple au cours d’un sevrage alcoolique ou aux benzodiazépines), chez les patients ayant des antécédents de boulimie, d’anorexie mentale, de trouble bipolaire ou encore présentant une insuffisance hépatique sévère ; il ne doit pas être utilisé chez les moins de 18 ans ni en association avec un IMAO (intervalle minimal de 2 semaines avec les IMAO sélectifs et de 24 heures avec les IMAO sélectifs).
Effets indésirables.
Les effets indésirables des substituts nicotiniques sont essentiellement en rapport avec une utilisation inadéquate, comme une irritation de la peau avec les timbres, le décollement d’une prothèse dentaire avec les gommes ou des brûlures pharyngées ou d’estomac ou encore des hoquets avec les pastilles et les gommes. Un surdosage en nicotine se traduit par des palpitations, une insomnie, une diarrhée ou une sensation de bouche pâteuse.
Le bupropion expose essentiellement à un risque d’insomnie. Les autres effets indésirables sont essentiellement représentés par des céphalées, des vertiges, une agitation, de l’anxiété, une sécheresse buccale et des troubles digestifs (nausées, vomissements, constipation, douleurs abdominales).
Les principaux effets indésirables de la varénicline sont représentés par des nausées, apparaissant plutôt en début de traitement, et, beaucoup moins fréquemment, par des céphalées, une insomnie et des « rêves anormaux ».
À savoir : Les patchs transdermiques doivent toujours être appliqués sur une zone de peau saine et jamais lésée (blessure, brûlure, dermatose). Leur tolérance locale, à type d’hypersensibilité, peut parfois poser problème avec survenue d’une dermite de contact, éventuellement associée à un prurit ou à un exanthème.
Les interactions médicamenteuses.
Prudence en cas d’association entre le bupropion et d’autres médicaments également métabolisés par les cytochromes CYP2B6 : cyclophosphamide, ticlopidine, clopidogrel…
En outre, il faut savoir que le bupropion et son principal métabolite, l’hydroxybupropion, sont des inhibiteurs de l’isoenzyme CYP2D6, qui assure notamment la métabolisation de la désipramine, l’imipramine, la paroxétine, la rispéridone, la thioridazine, le métoprolol, le flécaïnide…
À savoir : Le tabac (et non pas la nicotine) étant un inducteur des cytochromes CYP1A2, le sevrage tabagique peut de ce fait entraîner une diminution significative de l’inactivation des médicaments métabolisés par cette enzyme, comme la théophylline, la clozapine, la clomipramine, l’imipramine, la fluvoxamine et l’olanzapine.
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