Les mots du client
- « Mon médecin m’a dit que j’ai une hépatite chronique C, pourtant je ne ressens aucun symptôme.
- Je supporte difficilement les injections d’interféron.
- Je dois faire attention vis-à-vis de mon entourage. »
Rappel physiopathologique
Les hépatites virales regroupent des infections provoquées par des virus structurellement très différents capables de se multiplier dans le foie.
Si les trois plus fréquents sont les virus dénommés A, B et C, il ne faut pas ignorer le rôle possible d’autres virus, D (ou delta), ou E.
Les voies de contamination (A : transmission digestive, B et C : transmission par voie parentérale, incluant les transfusions sanguines, la toxicomanie intraveineuse, le tatouage, le piercing, l’acupuncture et la transmission lors des pratiques sexuelles, E : transmission par voie hydrique et alimentaire) et les durées d’incubation (A : 15 à 50 J, B : 50 à 150 J, C : 30 à 100 J) sont également très différentes.
La destruction d’une proportion plus ou moins importante de cellules hépatiques détermine les symptômes observés.
Le tableau clinique le plus typique de l’hépatite aiguë est fourni par l’hépatite A.
La phase pré-ictérique est marquée par une fièvre, un syndrome grippal, des arthralgies. À la phase ictérique, la température se normalise, l’asthénie est souvent intense. Les formes sévères sont caractérisées par une insuffisance hépatocellulaire. Enfin, les formes fulminantes - extrêmement rares dans le cas de l’hépatite A - dont l’évolution est spontanément mortelle dans environ 80 % des cas - sont liées à une destruction intense des tissus hépatiques, un effondrement des facteurs de la coagulation, un ictère très important et une encéphalopathie.
Mais, il faut savoir que de nombreuses infections passent inaperçues en étant peu, voire pas du tout, symptomatiques (hépatite B : asymptomatique durant la petite enfance et symptomatique chez 30 à 50 % des adultes ; hépatite C : asymptomatique la plupart du temps).
C’est ainsi que la guérison spontanée de l’hépatite A est la règle (néanmoins le taux de mortalité de la forme fulminante est compris entre 0,1 et 2 %), tandis que ce taux descend à 90 % pour l’hépatite B et à 30 % pour l’hépatite C. 10 % des hépatites B et 70 % pour l’hépatite C.
Les complications à moyen/long terme des hépatites chroniques actives sont constituées par la cirrhose, la fibrose et le cancer hépatocellulaire.
Dans le cas de l’hépatite chronique B, l’incidence annuelle de la cirrhose varie de 2 à 10 %, avec une incidence cumulée à 5 ans d’environ 20 %. La cirrhose survient, en moyenne, 20 à 30 ans après la contamination.
Pour l’hépatite C, le risque d’évolution cirrhotique est estimé entre 5 et 25 % ; au stade de cirrhose, le risque d’hépatocarcinome est de 4 à 5 % par an.
Facteurs associés à la progression d’une hépatite chronique : âge, sexe (les hommes sont plus exposés que les femmes – rôle protecteur des estrogènes ?), co-infection par le VIH, consommation excessive d’alcool, stéatose.
Les questions à l’officine
Est-il vrai que mon fils qui a une hépatite chronique B va devoir se traiter toute sa vie ?
Ce n’est pas certain. D’une part, il faut savoir que chaque année environ 2 % de patients infectés guérissent spontanément, pour des raisons inexpliquées (ce qui ne s’observe pas avec le virus de l’hépatite C et le VIH).
D’autre part, les médicaments actuellement disponibles ne guérissent les patients que dans un tout petit nombre de cas. En revanche, ils sont capables d’enrayer très puissamment la multiplication des virus, et donc empêchent la survenue de complications. Mais un strict respect de l’observance ainsi que du protocole de surveillance est absolument nécessaire.
Quelles sont les précautions à prendre quand on souffre d’une hépatite C ?
Dans les rapports de la vie courante, il n’y a aucun danger de contamination, qu’il s’agisse, par exemple, de serrer la main ou d’embrasser une personne infectée par le virus de l’hépatite C. Au sein de la famille, il convient d’isoler les accessoires de toilettes susceptibles d’être en contact avec le sang de la personne contaminée : brosse à dents, rasoir, peignes, ciseaux, limes à ongles, matériel d’épilation… S’agissant des rapports sexuels, bien que la présence du virus dans le sperme ou les sécrétions vaginales n’ait pas pu être démontrée, il existe des cas de transmission du VHC par voie sexuelle. Le port du préservatif est donc fortement recommandé. En ce qui concerne les baisers, prudence en cas de lésions buccales chez les deux partenaires. Au cas où l’on serait amené à soigner une personne infectée qui aurait une hémorragie par exemple, il convient de prendre la précaution de mettre des gants chirurgicaux ou d’éviter d’être en contact direct avec son sang.
D’autre part, une observance stricte du traitement prescrit ainsi que des examens biologiques de surveillance est bien sûr également indispensable.
Comment se transmet l’hépatite B ?
Ce virus est présent dans la plupart des liquides biologiques des personnes infectées et donc transmissible par voie sexuelle et percutanée, de la mère à l’enfant (essentiellement au cours de l’accouchement) et lors de contacts proches non sexuels, majoritairement intrafamiliaux.
La transmission sexuelle (homo et hétérosexuelle) est le mode de contamination le plus fréquent en France.
Il faut aussi connaître le risque d’une transmission parentérale inapparente, via des blessures superficielles mises en contact de sang ou de liquides physiologiques infectants ainsi que celui né de piqûres accidentelles passant inaperçues. Il existe aussi un risque transfusionnel, très faible mais néanmoins non nul.
Chez le médecin
- Le diagnostic de l’hépatite A repose essentiellement sur la sérologie avec la mesure du taux d’anticorps (IgM) dirigés contre le virus A. Le pic sérique de ceux-ci est atteint en environ une semaine et disparaît en 3 à 6 mois. En revanche, les anticorps de la classe des IgG persistent de longues années, conférant une immunité durable.
- Le diagnostic de l’hépatite B repose sur la détection des antigènes viraux et des anticorps anti-Hbc, anti-Hbe et anti-Hbs. La recherche et la mesure de l’ADN viral font appel à des techniques de PCR (polymérase chain reaction) quantitative.
- Enfin, le diagnostic de l’hépatite C est réalisé par un test Elisa (ou Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay ; il s’agit d’un test immunologique destiné à détecter et/ou doser une protéine dans un liquide biologique) de 3e génération et la détection quantification de l’ARN du VHC à l’aide d’une technique de PCR (la détection d’anticorps dirigés contre le VHC étant tardive : 12 à 15 semaines après la contamination).
- Une hépatite E doit être évoquée devant une hépatite aiguë inexpliquée, même en l’absence de séjour récent en zone d’endémie, car les formes autochtones sont plus fréquentes que les formes importées.
Les tests non invasifs de fibrose (biochimiques : Fibrotest, FibromètreV, Hepascore : morphologiques : Fibroscan) peuvent être très utiles, notamment dans le suivi. Néanmoins, la ponction biopsie du foie demeure un élément clé de la prise en charge de l’infection chronique par le VHB, ainsi que dans celle par le VHC quand les tests non invasifs ne sont pas en accord avec les données cliniques et biologiques.
En cas d’élévation importante des transaminases (plus de 10 fois la normale), il faut évoquer une hépatite aiguë virale, A, B, D, surtout, plus rarement C.
Au contraire, une élévation plus modérée, retrouvée au moins deux fois à 6 mois d’intervalle, doit faire penser à une possible hépatite chronique virale B ou C. Sans méconnaître pour autant une éventuelle stéatose dysmétabolique (surpoids, obésité) ou une hépatopathie alcoolique.
Un bilan approfondi est nécessaire au moment de la prise en charge initiale. Le suivi de certains indicateurs est également indispensable au cours du suivi.
Enfin, un dépistage est indispensable chez le ou les partenaires sexuels du patient infecté.
Les traitements
Les traitements visent à éradiquer (surtout VHC) ou au moins à contrôler l’infection virale. En effet, toutes les infections chroniques par un virus hépatotrope évoluent avec le temps vers la cirrhose et ses complications. Lorsque le foie perd ses capacités régénératives, le nombre d’hépatocytes diminue et une matrice cicatricielle se dépose, constituant la fibrose.
Hépatite chronique B.
Des progrès importants ont été réalisés avec le développement de nouveaux médicaments antiviraux capables de déprimer très fortement la réplication virale.
Deux stratégies sont mises en œuvre :
- Traitement de durée limitée (interféron, à la fois antiviral et immunomodulateur) pour obtenir une réponse prolongée après l’arrêt du traitement.
- Traitement de longue durée dans le but d’obtenir une réponse maintenue dans le temps (mais risque d’émergence de résistances et d’un phénomène d’échappement après l’arrêt du traitement)
Si l’objectif optimal, la séroconversion HBs (synonyme de guérison) est rarement atteint, un objectif beaucoup plus aisément réalisable est une suppression durable de la réplication virale (si possible la non-détectabilité de la virémie) afin d’améliorer les lésions histologiques et de diminuer le risque de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire.
Les médicaments utilisés sont représentés par l’interféron standard alpha 2a (Roféron A) et
2b (Introna), l’interféron pégylé (Pégasys, Viraféronpeg), la lamivudine (Epivir, Zeffix), l’adéfovir (Hepsera), la telbivudine (Sebivo), l’entécavir (Baraclude) et le ténofovir (Viread) ; en monothérapie ou en association.
L’échappement peut entraîner une exacerbation aiguë, avec un risque de décompensation hépatique pouvant être fatale.
Le choix du traitement dépend, pour un malade donné, de l’efficacité escomptée, des résultats de l’efficacité antivirale et de son profil de tolérance.
À connaître : le risque d’une réactivation sous chimiothérapie ou immunosuppresseurs. La sévérité de celle-ci et ses conséquences hépatiques semblent corrélées au statut virologique antérieur et à l’intensité du traitement immunosuppresseur ou de la chimiothérapie.
Hépatite chronique C.
Les traitements actuels permettent d’obtenir une guérison chez plus de 50 % des patients.
Le traitement « standard » est une bithérapie associant l’interféron alpha, standard ou pégylé, et la ribavirine poursuivit pendant 6 à 12 mois ; la durée dépendant du génotype, de la charge virale initiale et de la réponse virologique sous traitement.
Les résultats (guérisons) sont différents selon le génotype (on connaît aujourd’hui 6 génotypes et plus de 50 sous-types) en cause : 50 % dans le type 1 (à l’origine d’environ deux tiers des cas en France), 80 % dans les types 2 et 3.
Un éventuel échec n’interdit pas de nouvelles tentatives, ainsi qu’en cas de rechute.
Les effets indésirables de l’interféron et de la ribavirine sont nombreux (et retentissent sur la qualité de vie des patients) et nécessitent une prise en charge vigoureuse afin d’écarter le risque d’un arrêt prématuré ou d’être contraint de diminuer les doses et donc la qualité de la réponse virologique.
Il est aussi nécessaire de contrôler les éventuelles comorbidités : tabac, alcool, cannabis, insulinorésistance, diabète ; qui sont associées à une progression plus rapide de la fibrose ainsi que parfois à une réponse diminuée au traitement antiviral.
L’arrivée toute récente du télaprévir (antiprotéase d’action antivirale directe) permet d’améliorer encore les résultats chez les patients infectés par les virus de génotype 1 dans le cadre d’une trithérapie avec l’interféron et la ribavirine.
Co-infections VIH.
Elles sont plus graves et plus difficiles à traiter. Alors que les hépatites B ou C ont sans doute peu d’impact sur l’infection VIH, cette dernière accélère et aggrave l’histoire naturelle des hépatites chroniques. La marche vers la fibrose est plus rapide, le risque de décompensation d’une cirrhose plus élevé ainsi que d’une survenue plus précoce d’un cancer hépatique.
Greffes
Les infections virales chroniques par le virus de l’hépatite B (10 % des indications) et surtout par le virus de l’hépatite C (60 % des indications) sont des indications majeures de transplantation hépatique.
Les résultats sont actuellement supérieurs en ce qui concerne le VHB, avec 85 % de survie à 5 ans, contre 65 % pour le VHC, cela en raison de possibles récidives sur greffon. Mais les résultats devraient être bientôt améliorés avec l’arrivée de nouveaux traitements antiviraux C.
SOS Hépatites :
- 0 800 004 372
Hépatites Info Services :
- 0 800 845 800
- www.hepatites-info-services.org
Hépatobase : www.hepatoweb.com
Guide Affection de Longue Durée « Hépatite chronique C », mai 2006
BEHWeb n° 1 25 mai 2011, « Dépistage des hépatites B et C en France : état des lieux et perspectives » et « Recommandations de la Haute autorité de santé pour le dépistage biologique des hépatites virales B et C »
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques