Les mots du client
- « C’est venu brutalement, la fièvre et les courbatures derrière la nuque.
- J’ai toujours avec moi un petit flacon de solution hydroalcoolique quand je ne peux pas me laver les mains, c’est pratique.
- Patron de PME, je redoute l’épidémie de grippe à l’origine d’un absentéisme paralysant. »
Rappels physiopathologiques
La famille des orthomyxoviridae regroupe les virus responsables des grippes humaines et animales. Elle comprend le genre influenza et trois types A, B et C. Les particules virales rondes (diamètre 80 à 120 nm) renferment une nucléocapside contenant un ARN segmenté (8 segments). Elles sont délimitées par une enveloppe glucido-lipido-protidique provenant de la membrane cytoplasmique de la cellule hôte et porteuse de spicules de types hémagglutinines (HA) ou neuraminidase (NA).
À chaque segment d’ARN viral correspond une protéine virale protagoniste du cycle de réplication des virus à ARN (-).
Les trois premiers segments codent pour des transcriptases impliquées dans la transcription intranucléaire.
Le segment 7 code pour la protéine M1 et la protéine M2, un canal à protons jouant un rôle majeur dans la décapsidation virale, cible des antiviraux de la famille des adamantanes (amantadine et rimantadine).
Le segment 6 code pour la protéine NP. Les protéines NP et M. représentent des antigènes internes capables d’induire des anticorps déviant le complément. Ces protéines sont spécifiques du type grippal A, B ou C. Le type A est retrouvé chez l’homme et chez certaines espèces animales notamment les oiseaux sauvages, son réservoir naturel le plus important. Le type B est présent uniquement chez l’homme.
Le segment 4 code pour l’hémagglutinine (HA) spicule portée par la membrane cytoplasmique. Elle permet la fixation du virus sur le récepteur (acide sialique)
Le segment 5 code pour la neuraminidase (NA), l’autre spicule extra-membranaire qui, rompant le pont entre acide sialique et le reste de la cellule, assure la libération virale à la fin du cycle de réplication. Cette protéine est la cible des antiviraux de la classe des inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir Tamiflu et zanamivir Relanza). HA et NA présentent un statut d’antigènes d’enveloppe à la genèse de la production d’anticorps. Les anticorps anti-HA inhibant l’hémagglutination, assurent la neutralisation du pouvoir infectieux. Les anticorps dirigés contre la NA, eux, ne sont pas neutralisants. Mais en inhibant l’activité enzymatique de NA, ils limitent la quantité de virus produits.
Donner un nom au virus.
Un virus est désigné par son type (A, B ou C) et par son sous-type, noté HxNy. H et N désignent HA et NA, protéines qui se révèlent être spécifiques de sous types et variants. Le chiffre associé désigne le degré d’affinité du virus avec le métabolisme humain : 1 pour la plus grande affinité et 15 pour la moins bonne. H et N servent de marqueurs car ils permettent de quantifier le degré d’adaptation des virus grippaux au métabolisme humain. Pour autant, ils ne renseignent pas sur la dangerosité ou la virulence du virus car ils ne représentent qu’une petite fraction de son contenu génétique. La désignation d’une souche grippale humaine renseigne sur le type de virus (A ou B), l’origine géographique de l’isolat (ex : Singapour), le n° de la souche, l’année de l’isolement. La souche de type A H2N2, responsable de la pandémie de 1957 est désignée par A/Singapour/1/1957.
La variation antigénique se réalise suivant les procédés de cassure ou de glissement. Les cassures correspondant à un changement complet du segment de génome codant pour HA et NA, par recombinaison génétique. Les glissements correspondent à des changements plus discrets de quelques acides aminés des protéines HA et NA.
Pour les virus de type B, il n’existe pas de recombinaison interespèces du fait que le virus infecte uniquement l’homme. Pas de cassures antigéniques mais des glissements, générateurs d’épidémies d’importance modérée.
Il en va tout autrement pour les virus de types A, fruits de recombinaisons entre des souches humaines et animales. Les cassures antigéniques induisent des variations antigéniques, parfois majeures souvent associées à des pandémies grippales et difficiles à maîtriser par la vaccination basée sur les souches virales actives les années précédentes. Lorsque les HA et NA sont totalement différentes de celles des souches sévissant jusqu’alors, la nouvelle souche ne peut être neutralisée par des anticorps dirigés vers les HA et NA précédentes. La nouvelle grippe déferle dans un mode de pandémie planétaire.
L’émergence de nouvelles souches par cassure est liée à la recombinaison des souches humaines et aviaires chez un hôte intermédiaire, le porc. La cohabitation des humains, des porcs et des oiseaux existe particulièrement en Asie. La chine et l’Asie du Sud-Est, sont donc des zones privilégiées pour la genèse des pandémies grippales.
Cependant, la capacité pour les virus A aviaires d’infecter directement les humains sans nécessiter de recombinaison n’est pas nulle. En 1997 et 1998, des cas d’infection humaine par les virus aviaires H5N1 particulièrement, décrivant la grippe aviaire, se sont révélés souvent mortels pour les hommes. La crainte est alors que la barrière d’espèce soit rompue, qu’une recombinaison entre souche aviaire H5N1 et souche humaine se produise, à l’origine de l’émergence d’une souche humaine porteuse de H5, se diffusant très largement dans le monde. Le bilan de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (24 sept 2009) fait état de 442 cas de grippes aviaires confirmés dont 262 décès, dans 15 pays dont le Cambodge, Chine, Vietnam, Laos, Thaïlande, Indonésie, Azerbaïdjan, Irak, Djibouti, Égypte, Nigeria, Bangladesh, Birmanie, Pakistan, Turquie. L’inquiétude règne en Égypte où 36 cas de grippe aviaire ont été dénombrés, essentiellement chez les enfants depuis le début de l’année 2009 contre 8 sur toute l’année 2008.
Ces dernières années, lors des grippes saisonnières, une co-circulation de virus de type A est observée et virus de type B est observée.
Une nouvelle menace.
Cette année 2009, a émergé une nouvelle grippe qualifiée à ses débuts de « grippe mexicaine » en référence aux premiers cas apparus au Mexique. En plus des souches grippales saisonnières, circule un nouveau virus grippal de type A et de sous-type H1N1. L’appartenance a ce sous-type l’a fait comparer avec la grippe espagnole de 1918, elle aussi générée par un virus de type A et sous-type H1N1. Mais, étant donné l’importance de la variabilité à l’intérieur de chaque sous-type, l’analogie doit s’arrêter là. Puis, les premières analyses génétiques ont révélé des séquences d’ARN provenant de virus d’origine porcine. Cette nouvelle grippe a donc été baptisée « grippe porcine », mais les études génétiques ultérieures ont finalement démontré que ce nouveau virus est une recombinaison des virus porcin, humain et aviaire. L’OMS retient la dénomination « grippe A(H1N1) 2009 ». Des données récentes obtenues sur l’animal (furet) suggèrent que ce nouveau virus ne présente pas, à court terme, un fort potentiel de recombinaison avec les virus de la grippe saisonnière en circulation. Il semble rester génétiquement stable. Les études virologiques n’ont pas détecté de signes de mutation vers une forme plus virulente ou plus mortelle. En se multipliant plus vite et en se transmettant plus facilement, il présente cependant un avantage biologique sur ces virus. De manière générale, les virus grippaux évoluent en plusieurs vagues. Dans les pays de l’hémisphère sud, la vague épidémique prend fin. Dans la zone intertropicale, la tendance est à la baisse. Mais au Mexique et dans les états du sud des États-Unis, une seconde vague semble débuter.
Dose infectante : 1 000 virus.
Les virus grippaux pénètrent par des gouttelettes en suspensions dans l’air. Les atmosphères froides et sèches favorisent la toux et les éternuements, grands pourvoyeurs et disséminateurs de gouttelettes de salive. Dans un postillon : un million de particules. La dose infectante : 1 000 virus ! Le virus est présent dans le rhinopharynx des sujets infectés jusqu’à deux jours après le début des signes cliniques. Il se multiplie dans la muqueuse des voies aériennes supérieures en nécrosant les cellules ciliées et muqueuses mais en épargnant la basale de l’épithélium. La neuraminidase contribue à diminuer la viscosité du mucus qui coule donc vers la partie inférieure de l’arbre respiratoire. Les lésions inflammatoires virales favorisent les surinfections bactériennes (staphylocoques, streptocoques, pneumocoques, hemophilus influenza, klebsielles). Les virus à tropisme respiratoires (rhinovirus, VRS) coexistent.
Les questions à l’officine
Niveau 6 sur l’échelle de l’OMS, c’est grave ?
L’OMS a construit une échelle de risque pandémique de la grippe comportant plusieurs niveaux (de 1, pas de virus à 7 fin de pandémie) afin de coordonner les actions nationales et internationales. Les niveaux de cette échelle ne sont pas liés à un degré de dangerosité ou de virulence du virus.
Depuis le 11 juin, l’OMS a déclenché le niveau 6 d’alerte maximale. Ce qui signifie que plusieurs continents sont touchés par le virus et que les populations sont peu ou pas immunisée contre cette nouvelle souche. En France, les autorités ont fixé le niveau à 5A, décrivant une phase d’extension des cas.
Pas la peine de me faire vacciner pour la grippe saisonnière ; j’attends la vaccination contre la grippe A.
Deux types de vaccins existent. Un contre la grippe saisonnière. L’autre contre la grippe pandémique. Les deux vaccins ne ciblent pas le même virus. Il n’y a donc pas de protection croisée conférée par le vaccin de la grippe saisonnière. Dans le contexte pandémique actuel, atteindre un taux élevé de couverture vaccinale saisonnière chez les populations à risque est important. Trois raisons à cela. (1) co-circulation des virus de la grippe saisonnière et de la grippe A (H1N1). (2) différences des groupes à risque entre les deux grippes (3) limitation des risques d’échanges génétiques entre les deux virus.
Cette année 2009, le vaccin contre la grippe saisonnière a été mis à disposition deux semaines plus tôt (dès le 25 septembre) de façon à protéger les populations à risque le plus tôt possible, avant la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) (recommandation du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) et le Groupe d’expertise et d’Information sur la Grippe (GEIG)). En effet, il n’existe actuellement aucune donnée permettant d’exclure la possibilité d’une interférence, en matière d’immunogénicité ou de tolérance, entre vaccin saisonnier et pandémique. Il convient donc de respecter un délai d’au moins 21 jours entre la vaccination saisonnière et la vaccination pandémique.
Les mesures barrières sont-elles réellement efficaces ?
Le virus persiste jusqu’à une heure sur les mains et plusieurs jours sur des matériaux durs et non poreux (pièce de monnaie). La première mesure est donc se laver les mains, plusieurs fois par jour, particulièrement après un éternuement ou une toux, avec de l’eau et du savon. Ce lavage qui agit par action mécanique, suffit amplement pour éliminer le virus à condition qu’il soit fait correctement (sous les ongles, entre les doigts, poignet, au moins 20 secondes). Les solutions hydroalcooliques (pharmacie, grande surface), onéreuses, ne doivent être utilisées que lorsqu’on ne peut pas se laver les mains. Elles sont virucides mais doivent être appliquées sur des mains non souillées et sèches, leur efficacité diminuant rapidement sur des mains humides.
Lorsqu’une personne est malade, le risque de contamination existe à partir d’une proximité en face à face, de moins d’un mètre. Pour la personne saine, mieux vaut se tenir à distance. Pour la personne malade, mieux vaut, dès les premiers symptômes, porter un masque antiprojection, de type chirurgical (pharmacie). Ils ont une durée de vie de 4 heures car ils perdent leur efficacité quand ils sont humides. Des masques pédiatriques sont adaptés à la morphologie des enfants de 1 à 12 ans. Le masque de protection respiratoire (masque FFP2) est un appareil de protection respiratoire jetable qui protège celui qui le porte contre l’inhalation d’agents infectieux transmissibles par voie aérienne. Son usage est réservé aux professionnels de santé ou les services de secours amenés à être en contact régulier et rapproché avec des malades.
Comment faire pour stimuler mon immunité ?
Maintenir en bon état de fonctionnement ses barrières immunitaires peut passer par la composition de son alimentation. Elle doit faire une large place aux produits riches en vitamine C (dans les fruits et légumes en forçant sur les kiwis, agrumes, crucifères) vitamine E (dans les poissons gras) vitamine D (huile foie de morue, soleil). Les compléments alimentaires aident à obtenir de bons statuts en ces vitamines et en antioxydant (extrait de thé vert, de canneberge, de pépins de raisins).
Les probiotiques, micro-organismes vivants comprenant les lactobacilles et les bifidobactéries, auraient la potentialité de stimuler le système immunitaire. On les trouve dans les yaourts, la choucroute, tous les aliments fermentés et sous forme de compléments alimentaires (Bion 3 et Bion Restore de Merck, par exemple).
Et se rappeler que stress et manque de sommeil sont les alliés des virus !
Chez le médecin
La grippe saisonnière débute souvent brutalement après une incubation de 2 jours. Frissons, fièvre, courbatures, rachialgies composent le tableau inaugural. Le patient présente des signes d’irritation laryngotrachéale ou bronchique, le plus souvent sans catarrhe. La fièvre peut diminuer au bout de trois jours d’évolution puis remonter après 24 heures d’involution décrivant le V grippal. La toux est l’autre signe clinique constant. La guérison est rapide (5 jours) dans les formes non compliquées. La convalescence peut être longue, de 10 à 15 jours.
Les complications sont dues au virus lui-même ou à des surinfections bactériennes Elles touchent les voies respiratoires, la sphère ORL : otite sinusite, bronchite aiguë, bronchopneumopathie, œdèmes du poumon chez le vieillard. Dans de très rares cas, la grippe est susceptible de déclencher un syndrome de Guillain-Barré. Une étude française a estimé l’incidence à 4 à 7 cas pour 100 000 sujets dont la grippe avait été confirmée sérologiquement. Cette maladie rare (2,8 cas/100 000 habitants/an) est une atteinte dysimmunitaire des nerfs périphériques se manifestant par une paralysie rapide débutant au niveau des membres inférieurs et remontant vers le haut du corps. Elle peut être grave avec des risques de séquelles. Son diagnostic est parfois difficile. L’histoire clinique révèle que dans 60 à 70 % des cas, trois semaines à un mois précédant la maladie avait eu lieu un épisode infectieux aigu viral (dont le virus de la grippe) ou bactérien des voies respiratoires ou gastro-intestinales (souvent Campylobacter Jejuni). C’est dans la tranche d’âge de 65 ans et plus que la grippe saisonnière risque d’être sévère nécessitant une hospitalisation qui peut conduire au décès. Durant les épidémies saisonnières, 90 % des décès surviennent chez des sujets âgés.
La grippe A touche plutôt les 20-30 ans.
Et la grippe A ? Pour la très grande majorité de patients, son tableau clinique est comparable. Que ce soit dans ses symptômes que dans son intensité. Rappelons que le diagnostic de grippe A ne peut être établi uniquement sur la base des résultats du prélèvement nasal. Sur le plan de la gravité aussi, le nombre de décès provoqués par la grippe A(H1N1) 2009 modéré actuellement, apparaît proche de celui de la grippe saisonnière. Sur la base des données actuellement disponibles, 3 200 décès dans le monde. Pour la France, depuis le début de l’épidémie, 31 décès (INVS 6/10/09).
Cependant des particularités se dessinent :
L’âge de survenue. Les analyses des premières séries de cas de grippe, provenant des foyers originels (Mexique, USA) font apparaître que ce sont des sujets jeunes qui sont touchés par le virus, avec un âge médian de survenue compris entre 20 et 30 ans. En terme de gravité, on retrouve aussi cette prédominance pour des populations plus jeunes que la grippe saisonnière puisque 40 % des cas graves surviennent chez des enfants ou des adultes de moins de 50 ans.
Des signes cliniques inédits. Une pneumonie grave et imprévisible s’accompagnant d’un syndrome de détresse respiratoire aigu, chez des adultes jeunes ou des femmes enceintes. Une hospitalisation dans une unité de soins intensifs se révèle nécessaire.
Un groupe à risque particulièrement exposé : les femmes enceintes.
Des décès chez des sujets sans comorbidité associée. La gravité des cas de grippes A ne serait-elle pas systématiquement associée à la préexistence de pathologies chroniques ? Telle est la réflexion qui ressort d’études récentes.
Les traitements
La prescription d’un traitement antiviral curatif ne doit pas être systématique étant donné que la majorité des patients grippés guérissent spontanément et naturellement en quelques jours. Il est recommandé aux sujets présentant un syndrome grippal avec un début brutal, une forme clinique sévère, des facteurs de risque, une forme clinique grave d’emblée ou compliquée.
Pour être efficaces, les antiviraux, inhibiteurs de la neuraminidase doivent être administrés dans les 48 premières heures de la maladie. L’efficacité est optimale dans les douze premières heures.
Deux molécules sont disponibles.
L’oseltamivir (Tamiflu), délivré à l’officine pour un traitement par voie orale, 2 fois/jour pendant de 5 jours (posologie adulte 75 mg x 2/j). Sa forme pédiatrique en sirop est utilisée uniquement à l’hôpital Deux nouvelles présentations pédiatriques (gélules à 30 et 45 mg sont commercialisées en ville par Roche depuis quelques jours).
Le zanamivir (Relanza) se présentant sous forme d’une poudre à inhaler, ne peut être prescrit qu’à partir de 5 ans, chez des personnes sans difficulté de compréhension et observantes et sans bronchospasme ou détérioration de l’arbre respiratoire. Il est utilisé en inhalation 2 fois par jour pendant 5 jours (adulte : 5 mg 2x/j).
L’utilisation des inhibiteurs de neuraminidase est associée, chez les patients à haut risque ou chez les enfants à une réduction des complications secondaires (ex : otite moyenne aiguë de l’enfant).
Attention chez l’enfant ! La difficulté de distinguer cliniquement la grippe des autres pathologies respiratoires virales ou bactériennes peut aboutir à une prescription antivirale erronée alors qu’un antibiotique représentait le traitement spécifique.
En cas de pandémie déclarée de grippe A(H1N1), l’agence européenne du médicament a rendu, le 8 mai 2009, un avis favorable pour l’utilisation du Tamiflu (oseltamivir) pour le traitement des enfants de moins de 1 an et du Tamiflu ou Relenza pour le traitement des femmes enceintes.
L’efficacité modeste d’une monothérapie conduit à évaluer celle d’une bithérapie. Depuis fin septembre, chez 500 personnes vues par leur médecin généraliste et présentant une forme bénigne de la grippe A(H1N1), l’étude BIVIR, initiée par une équipe INSERM, compare une monothérapie antivirale (oseltamivir) à une bithérapie (oseltamivir + zanamivir).
La prise en charge de fièvre se réalise préférentiellement par le paracétamol. Chez l’enfant, le dosage précis est à répartir dans la journée. Lorsqu’il a plus de trois mois, le second choix de l’ibuprofène est possible. Mais attention, pas d’aspirine ! En raison du risque de survenue d’un syndrome de Reye.
La prophylaxie
La prescription d’un traitement antiviral à visée prophylactique n’est pas recommandée de façon systématique. Elle peut le devenir lors de la suspicion d’une grippe dans l’entourage de sujets non malades lui-même mais pour qui la grippe risquerait d’être grave : femme enceinte quel que soit le trimestre, nourrisson ‹1 an en fonction de son âge et de sa vulnérabilité à la grippe (pathologies pulmonaires), sujets avec facteurs de risque (immunodépression, maladies pulmonaires).
Le volet le plus important de la prophylaxie réside dans la vaccination antigrippale par des vaccins inactivés (ou tués). Ils contiennent du virus (complet ou fragmenté), ou des fractions antigéniques (contenant uniquement les spicules HA et NA) du virus correspondant. Les souches sont cultivées en œuf de poule embryonné, purifiées par centrifugation en gradient puis inactivées chimiquement (bêtapropiolactone, formaldéhyde). Ces agents chimiques agissent sur l’acide nucléique viral et inactivent le virus sans modifier ses propriétés antigéniques.
Des adjuvants peuvent être additionnés au vaccin, de façon à renforcer le pouvoir antigénique, L’utilisation d’adjuvant permet de réduire la quantité d’antigène par dose de vaccin tout en conservant une réponse vaccinale optimale. Au final, un plus grand nombre de dose pourra être produit.
Les sels d’aluminium (hydroxyde d’aluminium) ont été les premiers adjuvants utilisés. Les adjuvants de nouvelles générations, adjuvants lipidiques, AS03 et MF59, récemment autorisés, incorporent dans leur formulation du squalène, extrait de l’huile de foie de requin. Les données chez l’animal n’ont retrouvé aucun type de toxicité que ce soit une toxicité générale, une génotoxicité ou une toxicité de la reproduction (embryotoxicité, fœtotoxicité). Parfois, une augmentation des réactions locales au point d’injection de type rougeur et douleur
Chez des sujets à risque, il existe un risque théorique et minime, de produire, avec des adjuvants, une réaction immunitaire au-delà de la réaction souhaitée, susceptible de déséquilibrer des pathologies sous-jacentes. Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) préconise d’utiliser des vaccins sans adjuvants chez les personnes atteintes de maladie de système ou d’une immunodépression associée à une affection sévère susceptible d’être réactivée avec un vaccin avec adjuvant. La préconisation s’étend aux nourrissons (6 à 23 mois) dont l’immunité est immature et les femmes enceintes dont l’immunité est modifiée.
Des conservateurs (thiomersal) sont additionnés (doses très faibles entre 0,003 % et 0,01 %) en phase terminale de production afin d’éviter le risque infectieux principalement retrouvé dans les présentations multidoses. Le risque identifié est celui d’une allergie de contact, se traduisant plus de 48 à 72 heures après une vaccination (hypersensibilité retardée) par une réaction cutanée inflammatoire au point d’injection et persistant quelques jours, rarement quelques semaines.
La réponse humorale est prépondérante avec un vaccin inactivé. La première injection déclenche une réponse primaire avec des IgM transitoires de faible affinité. La répétition des injections entraîne une réponse secondaire avec des titres d’IgG et d’IgA plus élevés, de plus grande affinité et l’instauration d’une mémoire immunitaire.
Il est à remarquer que cette vaccination induit des IgG circulantes mais pas d’immunité muqueuse. La répétition de l’injection est théoriquement nécessaire. Le protocole de vaccination comprend deux injections à 21 jours d’intervalle (calendrier qui pourrait être remis en question pour la vaccination pandémique, cf. infra).
L’hypersensibilité avérée à l’œuf est la contre-indication formelle au vaccin, dont la production implique l’usage de l’œuf. Autres contre-indications : allergies sévères à un autre composant du vaccin (protéine du poulet, formaldéhyde, sulfate de gentamycine…).
Quelles particularités pour le vaccin contre la grippe saisonnière ?
Il comporte les souches préconisées par L’OMS pour l’hémisphère nord et pour l’année 2009/2010. Une souche B (B/Brisbane/60/2008) et deux souches A : H1N1 (A/Brisbane/59/2007) et H3N2 (A/Brisbane/10/2007). Du fait des grandes capacités de variations antigénique du virus grippal, il se peut que le vaccin protège mal ou peu contre des souches présentant des variations antigéniques par rapport aux souches inclues dans le vaccin. Selon le bilan du Groupe d’Expertise et d’Information sur la Grippe (GEIG) dressé après la campagne 2008-2009, le vaccin a fait preuve d’une bonne efficacité grâce à une bonne adéquation entre le virus circulant et la souche retenue dans la composition du vaccin.
La plupart des vaccins saisonniers (Tétagrip, Vaxigrip, Previgrip, Mutagrip, Immugrip) ne sont pas adjuvantés. Seul Gripguard est adjuvanté (squalène). Il n’y a plus de conservateur (thiomersal) dans les vaccins saisonniers.
La tolérance des vaccins saisonniers est bonne. Les événements indésirables témoignant d’une réponse inflammatoire, sont rares et mineurs. Localement, au niveau du site d’injection : douleur, rougeur, œdèmes fugaces. Généralement : fièvre transitoire et fatigue légère.
Quid du syndrome de Guillain-Barré ?
L’association entre vaccination grippale et cette maladie a été évoquée pour la première fois en 1976, aux États-Unis. Mais les expertises réalisées par la suite n’ont pas pu mettre en évidence ce lien. Des études ultérieures n’ont pas montré d’association ou pour l’une d’elle un risque extrêmement faible de l’ordre de 1 cas pour 1 million de vaccinés. Ainsi, si on ne peut pas exclure ce risque, il est très faible.
La vaccination est recommandée chaque année pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Également recommandée aux personnes à risque d’exposition en milieu professionnel, les résidents des institutions pour personnes âgées ou handicapées, les personnes atteintes de certaines pathologies (affections pulmonaires, cardiopathie, diabète, déficit immunitaire cellulaire…) y compris les enfants à partir de l’âge de 6 mois et les femmes enceintes, l’entourage familial des nourrissons de moins de 6 mois présentant des facteurs de risque graves (prématurité, cardiopathie, pathologie pulmonaire, déficit immunitaire…).
Conservés à 4 °C, les vaccins sont délivrés par le pharmacien et sont injectés par voie SC ou IM. L’incitation à la vaccination saisonnière est servie par une démarche simplifiée. Toutes les personnes dites « non primo-vaccinante » c'est-à-dire celles ayant déjà été vaccinées l’année précédente peuvent aller directement chez leur pharmacien puis chez leur infirmière, sans prescription médicale. Rappelons que pour toute personne relevant des recommandations, un bon de prise en charge gratuite leur est adressé par l’organisme de Sécurité Sociale. Depuis novembre 2006, le bon est adressé à toutes personnes asthmatiques (dont les enfants) et les patients atteints de BPCO.
Quelles particularités pour les vaccins contre la grippe pandémique ?
Les vaccins pandémiques sont monovalents et utilisent la souche préconisée par l’OMS : A/California/7/2009. Quatre laboratoires (GSK, Novartis, Baxter, Sanofi Pasteur) ont développé un vaccin pandémique en vue de son utilisation en Europe. Les trois premiers l’ont fait sur la base d’un vaccin « prototype » (vaccin « mock-up ») c’est-à-dire un vaccin préparé en avance avec une souche virale H5N1 (de la grippe aviaire), puis adapté avec la souche du virus H1N1 (identifiée par l’OMS en mai 2009). Le laboratoire Sanofi-Pasteur ne dispose pas de cette autorisation « propotype » et doit subir une évaluation plus longue.
Premiers à avoir obtenu l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) : Pandemrix (GSK) et Focetria (Novartis), le 29 septembre. Pandemrix est un vaccin à virion fragmenté inactivé, adjuvanté (AS03 à base de squalène) contenant du thiomersal. Il se présente en deux (un pour l’antigène, l’autre pour l’adjuvant) à mélanger avant administration. Focetria est un vaccin à antigène de surface, inactivé, adjuvanté. (MF59C.1 à base de squalène) et contient du thiomersal. Il se présente dans une seringue préremplie en récipient multidose. Un peu plus tard, le 6 octobre, Cevalpan (Baxter) est le troisième vaccin issu de la procédure « prototype », qui a reçu son AMM. Sans adjuvant, le virion utilisé a été mis en culture sur des lignées continues de cellules de mammifères (Vero cells) et non pas sur œuf embryonné donc utilisable par des personnes allergiques à l’œuf.
Le contexte pandémique oblige à développer rapidement des vaccins contre la souche virale identifiée et à le faire en grande quantité pour le proposer à l’ensemble de la population. Les laboratoires producteurs de vaccins ont donc incorporé des adjuvants (squalène) dans les formulations vaccinales. Cependant d’autres vaccins sans adjuvants sont développés pour les personnes immunodéprimées, les nourrissons les femmes enceintes. La réaction immunitaire de ces populations à risque est particulièrement étudiée en France par trois essais vaccinaux récemment initiés. Essai vaccinal sans adjuvant chez la femme enceinte en fonction du terme de la grossesse (120 femmes enceintes). Essai vaccinal, sans adjuvant, chez des transplantés rénaux (120 malades). Essai vaccinal, avec adjuvant, chez des patients HIV positifs en fonction du nombre de CD4 (240 personnes). En attendant, à titre de précaution, le HCSP préconise la vaccination par des vaccins non adjuvantés aux femmes enceintes (à partir du second trimestre), les très jeunes enfants et les personnes immunodéprimées.
Le protocole en deux injections IM est celui retenu pour le moment bien que des études récentes montrent que la réponse observée après une dose unique de vaccin A(H1N1) 2009 apparaît suffisante. Pour les vaccins sans adjuvants, aussi, si ces données se confirment, il deviendrait possible de vacciner efficacement les adultes avec une dose unique de vaccin.
Un ordre de priorité a dû être établi par le HCSP (voir encadré).
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